Tribune libre
L’Association des étudiants leaders de la non-violence et de la paix (AELNVP) a mené une campagne de sensibilisation à l’Université de Bangui. Cette association est présidée par Cédric Boylamba, secrétaire général exécutif du Conseil national de la non-violence active (CNNVA) et est coordonnée par la ministre de la Défense Marie-Noëlle KOYARA. L'objectif de cette campagne est de rappeler les enjeux de la culture de la non-violence, qui contribue à la consolidation de la paix en Centrafrique.
Cette campagne de sensibilisation, autorisée par le rectorat sous la signature du secrétaire général Jean Kokidé, a été menée avec l’assistance de la cellule Communication de l’Université de Bangui. Elle fut par ailleurs médiatisée par Radio Voix des Jeunes 94.8 FM, qui en assurait la retransmission en direct, avec le soutien de monsieur Laurent Foucher, président d’honneur du Conseil National de la Non-Violence Active (CNNVA) et président du Conseil d’Administration de Telecel Group.
Cette initiative a été appréciée par tous les universitaires, dont le professeur de Géographie et ancien Premier ministre Simplice Mathieu Sarandji, et d’autres personnalités : le Cardinal Nzapalainga et son Exellence Catherine Samba Panza, ancienne Présidente, Mère de la nation centrafricaine et membre d’honneur du CNNVA. Cette campagne a permis d'éveiller les consciences et de générer des échanges courtois et participatifs.
Le bureau de la nouvelle Association Nationale des Etudiants Centrafricains (ANECA), pacifique et non-violente, a la mission de former les étudiants à défendre positivement leurs intérêts et leurs droits. Un accueil chaleureux a été réservé aux représentants de cette campagne de non-violence qui a démarré à la Faculté des Sciences. L’intervenant principal, Cédric Boylamba, a affirmé qu’un étudiant est d'abord et avant tout un intellectuel, qui produit du savoir, et qui doit proscrire l'usage de la violence.
« Vers l’excellence académique au cœur de l’Afrique »
L'Université de Bangui met à la disposition des étudiants les moyens de s'instruire : une bibliothèque, un campus numérique... Au nom de la science, les étudiants doivent apprendre à vivre ensemble, et à se soutenir en vue du savoir commun. Au nom de la science, ils doivent lutter pour préserver leur dignité. Au nom de la science, ils doivent défendre la justice et la vérité. Au nom de la science, ils doivent lutter pour la restauration de la paix en RCA. Au nom de la science, ils doivent promouvoir la non-violence.
L’heure est grave et nous devons prendre part dignement aux Assises internationales. La culture de la paix doit être soutenue par une volonté personnelle, collective et institutionnelle. Selon la Déclaration universelle des droits de l’Homme : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droit ». Luttons toujours pour ce qui est digne et juste.
La décision du rectorat du 19 mars, suspendant les activités et le processus électoral de l’ANECA pour cause de violence, est louable. Cela a permis à certains étudiants de comprendre que l’Université ne doit pas être le théâtre d'affrontements physiques. D'après Martin Luther King, la lutte pour la paix, la non-violence et le pardon est une lutte pour Dieu, qui a voulu un monde juste. L'univers est régi par un Dieu juste. Comme le rappelait le cardinal Zapalainga, « la non-violence est un mode de vie, une manière d’être qu’il faut acquérir. C’est l’expression d’une vie ».
Ce mode de vie repose sur la science de la vertu, disposition constante de l’âme qui porte à faire le bien. Le cardinal a évoqué les deux approches de la non-violence : pour certains, la non-violence est une spiritualité à approfondir, intimement liée à la pratique d’une morale de vie (Jésus Christ, Bouddha). Pour d'autres, la non-violence est une méthode politique de gestion des affaires de la cité (Martin Luther King, Nelson Mandela). Ces pacifistes célèbres ont été capables de transformer la société grâce à leur force morale.
L’un des leaders de la non-violence à l’Université de Bangui, Gobolo Melchisédech, a pris la parole pour rappeler que les valeurs morales ne doivent pas seulement être imprégnées dans les cœurs mais elles doivent se vivre pleinement au quotidien. Le pardon et la justice sont des vertus qui permettent à l’harmonie d'atteindre sa plénitude. Les étudiants doivent faire de ces vertus un modèle de vie, afin de contribuer activement à la cohésion sociale.
Comme l’affirmait Gandhi : « Si tu veux voir le changement dans le monde, tu dois être la source de ce changement ». La prise de conscience personnelle est une petite flamme qui peut apporter de la lumière dans les zones obscures de la discorde et de la haine. L’un des leaders de la campagne a par ailleurs cité Einstein : « le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire ».
Annoncer, dénoncer, renoncer
Il faut se rappeler les trois verbes prophétiques de Martin Luther King : annoncer, dénoncer, renoncer. Autrement dit, il faut toujours avoir le courage d’encourager les autres à être non-violents, dénoncer les maux qui gangrènent la société, et renoncer au mal, c'est-à-dire choisir d’être bon et de réaliser le bien. La bonté transforme davantage le monde que la parole et sert de base à la culture de l'excellence.
Pour installer la paix à l’Université, les règles académiques doivent être respectées et la justice doit pouvoir encadrer les dérapages. Des questions restent pourtant en suspens : comment les étudiants peuvent s'améliorer s'ils n’ont pas de laboratoire? S'ils n'ont plus de place pour s'asseoir? Comment résoudre le problème des étudiants « fantômes », dont le nom ne figure pas parmi les étudiants inscrits ? Comment peut-on parler de paix quand l’Université n’est pas clôturée ?
Des étudiants ont par ailleurs rappelé que la culture de la paix est née en Afrique. Elle a été élaborée pour la première fois à l'échelle planétaire par l’UNESCO lors du Congrès international sur « La paix dans l’esprit des hommes », organisé à Yamoussoukro en Côte d’Ivoire en 1989. L’Assemblée Générale des Nations Unies considère qu’une culture de la paix consiste « en des valeurs, des attitudes et des comportements qui reflètent et favorisent la convivialité et le partage fondés sur les principes de liberté, de justice et de démocratie, tous les droits de l’homme, la tolérance et la solidarité, qui rejettent la violence et inclinent à prévenir les conflits en s’attaquant à leurs causes profondes et à résoudre les problèmes par la voie du dialogue et de la négociation. »
C’est à l’Afrique et aux Africains, comme Léopold Sédar Senghor, que l’Humanité doit le concept de « refondation de la civilisation de l’universel », fruit du dialogue entre cultures et civilisations. Rappelons également les fondements du panafricanisme, issu de la lutte pour le respect des droits humains, contre la traite négrière, la colonisation et l’apartheid. Le concept d’une culture de la paix suppose la promotion d’une citoyenneté africaine prônant la réconciliation et la résolution pacifique des conflits. Comme le dit Wole Soyinka, « c’est pour le monde une profonde leçon que la capacité des races noires de pardonner (...), qui tient pour une grande part aux préceptes éthiques issus de leurs visions du monde et leurs religions authentiques».
Si Dieu a béni Job, c’est parce qu’il était non-violent
L’Imam Youssouf, coordonnateur adjoint du Conseil National de la Non-Violence Active (CNNVA), a affirmé qu’un seul étudiant non-violent peut entraîner dix autres étudiants avec lui. Pour Romaric Koyangozo, les étudiants doivent en effet être les vecteurs de la non-violence. Le chef du quartier Mandaba, doyen de tous les chefs de quartier en RCA et conseiller au CNNVA, est intervenu pour rappeler que la tolérance et l’amour du prochain sont les bases de la cohésion sociale. Son Excellence M. Simplice Mathieu Sarandji, professeur de Géographie et ancien Premier ministre, a même suspendu son cours de Géopolitique et a encouragé ses étudiants à participer aux échanges.
Pour Prince, étudiant en première année de SVT, il faut proposer des pistes de sortie de crise. Dans un endroit comme l’Université, ceux qui se battent ou qui sèment des troubles devraient être sanctionnés sur le plan universitaire ou alors traduits en justice lorsqu'ils sont récidivistes. Demakete Wilfrid, président des étudiants de la Faculté des sciences, est convaincu qu'il faut pérenniser cette philosophie, afin de susciter un nouvel élan d'unité nationale. Mr Joseph Gbebri, professeur de Physique-chimie à la Faculté des Sciences, se demande comment les étudiants en arrivent à se battre.
Romaric, vice-président de l’AELNVP, a affirmé que les étudiants doivent être les vecteurs de la paix. Pour Sem, coordonnateur, il est important de mettre en avant la paix plutôt que de faire usage de la force envers les récidivistes. La non-violence active ne consiste pas à réagir aux événements mais plutôt à les anticiper pour mieux les prévenir. D'après Madame Hélène Kamion du CNNVA, le succès de l’ANECA 2017 a permis aux élections de se dérouler sans violence.
NGahaly Habiba, Miss Centrafrique 2015, ambassadrice pour la paix et journaliste-reporter à Radio Voix des Jeunes, a rappelé que le pardon est essentiel car la rancune épuise, fait souffrir et alourdit la pensée. Pour Mac Laurin, coordonnateur de la Cellule de la non-violence de la Faculté des sciences, « la non-violence est une force et non une faiblesse ». Georgia, Trésorière Générale de l’AELNVP, considère qu'il faut vivre ensemble « comme des frères ». « Car, nous aurons toujours besoins des uns et des autres pour partager notre sentiment de vivre et d’exister ». Enfin, pour Atombi Antoine, chargé de logistique au sein du CNNVA, « faire la paix avec les autres c’est ressembler à Dieu ».