« Le
progrès, dans la justice théorique et pratique, est un état dont il ne nous est pas donné de sortir et de voir la fin. Nous sommes nés perfectibles ; nous ne serons jamais parfaits : la
perfection, comme le statu quo, serait notre mort ».
Dixit, Pierre-Joseph
Proudhon.
Cette citation vaut bien son
pesant d’or. Quoique, emprunter à l’un des grands précurseurs de l’idéologie anarchiste, elle sied à merveille aux situations de blocage et de pourrissement, ultime stade avant la mise à
mort d’un pays figé, malade de ses gouvernants. En d’autres temps, à d’autres moments de l’histoire de notre pays, nous ne saurions nous inspirés de
ce philosophe iconoclaste et libertaire. Le socle fondateur d’une nation organisée selon les principes de la
République ne saurait s’ériger complètement à partir des idéaux défendus par cet auteur « hors norme ». Or, que voyons-nous qu’il arrivât à notre pays, si ce n’est que l’exacte
condition de l’état d’immobilité et de stagnation, synonyme de régression que l’auteur nous dépeint ici.
Le verbiage subjectif et populiste du
politicien a consacré le statu quo.
Nous voilà donc en plein vingt et
unième siècle en train de subir les caprices d’un régime et d’un homme sans scrupule, président de son État qui explique en sango (langue nationale centrafricaine) d’une manière surréaliste à la
population que « la politique est quelque chose de compliquer qui n’a ni tête, ni queue …». Un aveu qui en dit long sur la manière dont est perçue la politique. Le verbiage subjectif et populiste du politicien
a eu raison de la logique raisonnée de l’homme politique, homme d’État par excellence. Nous avons envie de dire, avec tout le respect que nous devons à nos aînés et à la fonction de président de
la République que la politique a bien une tête et une queue. Elle est une matière à part entière qui s’appelle la science politique. Bien que qualifiée de science molle, elle est dans sa pure
conception une science dont la polysémie nous renvoie à des cadres et des domaines qui sont bien définis. Elle est enseignée dans des écoles, les instituts, les universités, les partis
politiques. On peut également l’apprendre sur le tas pour ne pas dire sur le tard, si peu que l’on s’en donne le temps et les moyens.
Nous refermons ici la parenthèse
pour ne pas paraitre insolent, pour ne pas attiser la colère de vos hommes qui sont prêts à en découdre à quiconque oserait apporter une critique
fut-elle constructive. Ces « hommes de mains » qui vous induisent aujourd’hui en erreur seront les premiers à vous lâcher comme ils l’ont fait à vos prédécesseurs. C’est une question de
temps qui semble s’amorcer déjà. Les dernières violences intercommunautaires ne sont-elles pas la traduction d’un ras de bol général, une sorte d’exutoire ? D’ailleurs, vos
« collaborateurs les plus loyaux » n’ont-ils pas déjà commencé leurs machiavéliques projets à vos côtés en formant des clans pour s’accaparer du pouvoir sitôt que l’occasion se
présentera ? Eux qui sont réfractaires à toute évolution qui pourrait apporter un quelconque
changement et menacer leurs égoïstes privilèges dans le désordre qu’ils ont expressément instauré. Ils ont ainsi décrété le statu quo alors qu’un
nouveau monde est en train de se redessiner sous nos yeux. Notre pays et le continent africain sont à la croisée des chemins. Ne devrions-nous pas
prendre le train en marche ? Devrions-nous nous taire face à cette situation absurde et ridicule ? Un statu quo qui exclu la majorité des centrafricains.
En choisissant de truquer le
résultat des dernières élections présidentielle et législatives dans le but de s’octroyer une légitimité et une majorité absolue à l’assemblée nationale, le régime du KNK vient de pousser le bouchon trop loin dans un jeu qu’il ne maitrise plus.
Le régime a fait un choix
hasardeux en prenant un risque qui se révèle finalement être un piège pour lui-même et pour le pays tout entier. En voulant à tort ridiculiser
l’opposition démocratique, voilà que le KNK se retrouve dans une situation ridicule à son tour. L’opposition a enfin compris que les brebis ne jouent pas avec les fauves. Elle, qui a pendant des années joué avec le régime en place et a toujours perdu au grand désespoir de nos concitoyens. Cette fois-ci, elle a refusé net après
maintes compromissions et après avoir joué les souffre-douleurs d’un jeu de dupe qui n’a que trop duré.
L’échec annoncé de la table ronde de Bruxelles du 16 au 17 juin
La communauté internationale en a
ras le bol, refuse à son tour de cautionner le déni de démocratie et demande des comptes. Au point que la table ronde organisée à Bruxelles du 16 au 17 juin par le gouvernement de Bangui pour
forcer la main à de généreux donateurs et autres bailleurs de fonds semble être fortement compromise. On peut d’ores et déjà annoncer l’échec d’une table ronde inopportune.
Malgré la réponse sans équivoque
de monsieur Andris Piebalgs, membre de la Commission européenne qui a été adressée au premier ministre centrafricain pour s’étonner, dit-il de
l’organisation d’une table ronde aussitôt après les élections de 2011 sans que le processus électoral ne soit clos. En même temps, la Commission européenne trouve que le gouvernement centrafricain n’a pas donné un signal fort, crédible et réaliste pour la reprise d’un dialogue
politique, par ailleurs, les conditions ne sont pas réunies afin de créer un environnement favorable qui permette de retrouver la stabilité et offrir à tous les Centrafricains les perspectives
d’un développement durable. Autrement dit, la commission européenne estime que la tenue de cette table ronde n’avait aucun sens et n’avait pas lieu d’être. Malgré cela, nos gouvernants s’entêtent
à se rendre à Bruxelles pour …rien. Ont-ils vraiment compris le sens de ce message ? Si oui, pourquoi se rendent-ils à Bruxelles. Les maigres moyens de l’État sont mobilisés pour entretenir
pendant une semaine une forte délégation. Où est le sérieux ? À combien revient t-il le coût de cette table ronde ratée ?
Ne sachant plus quoi faire ni vers
qui se retourner au point que la fin de la récréation promis par le chef de l’État est loin d’être sifflé. La récréation s’est transformée en grande foire. Un véritable Bazar dans lequel, on a
reconduit pour la énième fois le même premier ministre. Chef d’un gouvernement pléthorique et hétéroclite qui est composé pratiquement des mêmes hommes à qui pour la plupart, on a reproché
maintes et maintes choses. Comme s’il n’y avait pas dans notre pays d’autres hommes et femmes compétents qui sont aptes moralement pour assumer ses
fonctions. Ne faudrait-il pas cultiver la culture de la gagne. Le changement tant annoncé, ne commence t-il pas aussi par le renouvellement des hommes ? Peut-on changer de cap en faisant
appelle toujours et encore aux mêmes hommes qui ont déjà échoué ? S’agit-il d’un changement dans la continuité ou plutôt d’un changement dans la
régression ?
En définitive, le statu quo
politique en Centrafrique est inacceptable et criminel. Il est contre le genre humain et contre le progrès de notre pays.
Franck SARAGBA