En prenant alors la grave responsabilité d’introduire dans son pays non pas des troupes régulières d’un pays ami mais des forces armées non conventionnelles de la rébellion de Jean-Pierre Bemba qu’il avait appelée naguère à la rescousse, l’ancien président Ange-Félix Patassé dont le pouvoir était menacé d’être renversé par d’autres mercenaires étrangers, tchadiens en l’occurrence, avait ouvert la boîte à pandore.
Tandis que vient de s’ouvrir à la Cour Pénale Internationale des Pays-Bas le procès du commandant des hordes du MLC, force est de constater dores et déjà que ce procès aura un goût d’inachevé quoiqu’il advienne car une chose est sûre, Jean-Pierre Bemba et ses troupes rebelles n’étaient pas venus en Centrafrique de leur propre chef mais sur invitation expresse d’un Patassé qui a toujours déclaré n’être pas opposé à l’idée de se rendre à la CPI pour s’expliquer.
Selon certains observateurs, les propos du procureur Luis Moreno Ocampo au cours de la conférence de presse préalable à l’ouverture du procès de La Haye affirmant n’avoir pas des preuves suffisantes pour inculper l’ancien président Patassé, a refroidi tous ceux qui en attendaient beaucoup et jeté de sérieux doutes sur la crédibilité de ce procès qui sera suspendu le 7 décembre prochain pour reprendre le 10 janvier 2011, et même de la CPI dans son ensemble. Bozizé dont l’avancée de la rébellion en janvier, février et surtout par l’assaut final contre le pouvoir de Patassé du coup d’Etat du 15 mars 2003 a été facilité par un pacte secret financier conclu avec Jean-Pierre Bemba qui avait ordonné le retrait de ses troupes des positions de verrous de la capitale Bangui qu’elles tenaient.
Comment en effet parler de justice dès lors que les victimes de l’épopée des « libérateurs » avec à leur tête un certain François Bozizé qui, simplement parce qu’il est au pouvoir à l’heure actuelle est non seulement à l’abri de toutes poursuites mais continue allègrement de tuer et de dépecer les Centrafricains en toute impunité sans être inquiété par le parquet de la CPI qui s’acharne contre le président soudanais. C’est aussi un secret de polichinelle que Bozizé s’est entendu avec Joseph Kabila qui l’a instrumentalisé pour faire en sorte que Jean-Pierre Bemba soit tenu éloigné le plus longtemps possible de la RDC.
Les combattants du MLC avaient eu en face d’eux des mercenaires, supplétifs étrangers de la rébellion de Bozizé dont presque tous les Centrafricains conviennent aujourd’hui que sur l’échelle des atrocités et de l’horreur, leur cruauté et leurs crimes de guerre étaient sans doute supérieurs ou n’avaient rien à envier à ceux commis par les hordes de Bemba actuellement en jugement. C’est par esprit de vengeance et de règlement de compte contre Patassé que Bozizé, en dépit de la position de certains chefs d’Etat qui le lui avaient déconseillé, a tout fait pour que la cour de cassation de la RCA se déclare incapable et saisisse la CPI pour qu’elle prenne en main le dossier des crimes de guerre des rebelles de Bemba et cela, bien avant même que ce dernier soit arrêté.
Plus tard, lorsqu’il s’était aperçu que les investigations de la CPI devraient aller au-delà de la période où avaient été commis les crimes des troupes de Bemba et que cela pourrait l’impliquer, Bozizé avait écrit une mémorable et minable lettre à Ban-Ki moon et tenté maladroitement d’obtenir que le Conseil de sécurité des Nations Unies fasse renoncer à la CPI son intention de faire d’étendre ses investigations à l’année 2005-2006, ce qui risque de l’atteindre eu égard à ses responsabilités dans les crimes de guerre et autres incendies volontaires de villages dans le Nord de la RCA qu’il a commandités et ordonnés notamment au capitaine Eugène Ngaikoisset alias « le boucher de Paoua ».
Il est évident que tant que Bozizé sera au pouvoir en RCA, il ne pourrait y avoir d’enquête judiciaires sur les crimes de guerre qu’il a ordonnés ou non commis par ses bras armés, encore moins de procès. Pourtant, d’innombrables victimes existent et malheureusement se taisent et n’osent saisir la justice sous peine de représailles. La République centrafricaine, ventre mou de l’Afrique centrale, est-elle irrémédiablement condamnée à subir impuissante, les calamiteuses interventions de forces étrangères non conventionnelles et autres troupes étrangères régulières auxquelles ses dirigeants ne cessent de faire appel avec les fortunes que l’on sait.
A présent où Birao est occupée par une rébellion, Bozizé lorgne et compte sur l’intervention de voisins plus forts militairement pour sauver son pouvoir. Tel paraît être le destin contemporain de la RCA aussi longtemps qu’elle ne pourra pas disposer d’une armée digne de ce nom capable de défendre non seulement son intégrité territoriale en protégeant ses frontières mais aussi contribuer à son développement tout en assurant la protection de ses citoyens.
Rédaction C.AP