Juliette Abandokwe 29 novembre 2010
Samedi 27 novembre 2010:
Dans la soirée, l'officier Gontran Nguerelessio, ancien enfant de troupe, capitaine et chargé de mission au Ministère centrafricain de la
Défense, est interpelé à l’aéroport par les éléments du SRI (Section de Recherche et d'Investigation) à sa descente d'avion, alors qu'il revient d’une formation de deux semaines en Corée du
Sud. Il se retrouve dans les locaux du SRI à Bangui, avec le prétexte qu'il a voyagé sans autorisation, alors que ses documents sont complètement en règle avec toutes les autorisations
nécessaires. Ceux qui ont signé son autorisation de voyager ont également signé l'ordre de son arrestation. La situation est floue, il ne peut même pas interpeler ses supérieurs.
Détaché au Commissariat à la Jeunesse Pionnière Nationale au sein du Ministère de la Défense, Gontran Nguerelessio était en mission de formation en Corée dans le cadre de son mandat. Intercepté en public comme un vulgaire malfrat, il ne connait
toujours pas son sort, alors qu'il se trouve depuis pratiquement 48h dans les locaux du SRI.
Avec un CV bien très bien fourni, particulièrement en gestion de projet, pour travailler en faveur de sa communauté, il
est évident que son arrestation est motivée par l'envie et la jalousie. Il se sait d’ailleurs surveillé depuis un moment, et sait aussi que sa tête est mise à prix pour son bagage intellectuel.
Pourtant, selon son entourage, il fonctionne humblement et sereinement pour le bien de la communauté dont il a la charge.
Rappelons ici en passant que le Ministre de la Défense n'est autre que Francis Bozizé, surnommé le Prince de Bangui, fils du général-Président centrafricain. Ce jeune homme, arrivé de justesse en 4ème année du collège, ancien
caporal de l'Armée française, élevé un beau matin de mars 2009 par son père au grade d'adjudant, est élevé l'après-midi de la même journée au grade de colonel. Tout le monde à Bangui connait les
complexes du jeune Bozizé vis-à-vis des officiers de l'Armée. Incapable d'assumer aujourd’hui ses responsabilités face à l'instabilité
politico-militaire grandissante à la veille des prochaines élections présidentielles, il est à la recherche très active de boucs émissaires. C’est ainsi qu’il se trouve sans cesse en désaccord
avec l'Etat-major de l'Armée dont il cherche continuellement à intimider les officiers.
C'est dans ce cadre que se déchaîne depuis quelques temps une véritable campagne de menace et d’intimidation contre les
Anciens Enfants de Troupe - AET - que le fiston Bozizé a décider de vouloir mater. En 2010, pas moins de 38 officiers ont déjà été arrêtés
par ses soins, dont 28 sont des AET. Francis Bozizé sait bien qu'il ne peut en aucun cas rivaliser avec ces éléments particulièrement bien
formés puisqu'ayant suivi un cursus extrêmement rigoureux et exigeant depuis l'enfance. Pendant qu'il reçoit tous les jours des officiers négligés et humiliés dans son bureau, il est lui-même
devenu milliardaire notamment par le biais des fonds détournés destinés à l'entretien et à la formation des cadres de l'armée centrafricaine. En résumé, le Ministère centrafricain de la Défense
est dirigé par un abuseur d'autorité incompétent et pilleur, dont le pouvoir lui a été conféré purement et simplement sur une base népotique.
Gontran Nguerelessio, en tant qu’Ancien Enfant de Troupe, se
retrouve ainsi dans ce nid d'intrigues minables qui n'est évidemment qu'un pan de la débâcle générale du régime de Bangui, dont l'une des armes est depuis toujours d'humilier, de rabaisser,
d’éliminer au besoin, tous ceux, et particulièrement les intellectuels, qui pourraient potentiellement menacer la main-mise du clan Bozizé
sur la mangeoire et le butin de guerre constitué par les ressources naturelles de la République Centrafricaine. Le concept de service à la communauté est un terme complètement inconnu dans ce
bataillon d'ignares et de criminels économiques de haute voltige.
Ce qui est plus grave encore, c’est que notre ami Gontran
Nguerelessio n'est pas la seule victime du harcèlement gratuit d'un Ministre de la Défense incompétent, complexé et arrogant. Le projet de développement rural avec un groupe de jeunes
dans la périphérie de Bangui auquel il travaille dur depuis plusieurs mois dans le cadre de son détachement au Commissariat à la Jeunesse Pionnière, et dont le financement est d'ores et déjà
assuré par des partenaires extérieurs, est également menacé dans son existence, ainsi que surtout l'espoir des bénéficiaires du projet, par extension de toute une jeunesse qui représente la plus
grosse tranche de la population centrafricaine. Le régime est donc en train d'attaquer le peuple centrafricain lui-même dans cette action.
Le régime de Bangui, par le biais du fils Bozizé, un des
principaux détracteurs du peuple centrafricain, démontre une fois de plus l'absence totale de volonté politique de développer un pays qui pourtant a un potentiel énorme en termes de ressources
humaines. Secondairement, et dans son incohérence inconsciente, il sabote activement les efforts du Ministère du Commerce qui s'efforce depuis des années à convaincre les investisseurs étrangers
à venir investir dans le pays. Un bel auto-goal donc, et une preuve supplémentaire d’une gouvernance inexistante dans ce pays d’à peine 4 millions d’habitants, miné par les crises
politico-militaires, particulièrement depuis l’avènement de François Bozizé en mars 2003. La vulnérabilité grandissante de la population
centrafricaine, et la grave détérioration de ses conditions de vie aurait dû depuis belle lurette encourager un minimum décent de volonté politique de la part du pouvoir pour favoriser à ce que
ses sujets puissent satisfaire ne serait-ce que ses besoins alimentaires de base.
La création de postes de cadres formés à bon escient et la promotion de projets communautaires et ruraux impliquant
surtout la jeunesse ne sont donc que des semblants d’efforts en faveur du développement des capacités de la population. Une apparence trompeuse pour satisfaire des bailleurs de fonds qui
déversent des milliards de dollars dans les caisses qui sont sensé financer le développement humain requis par les objectifs du Millénaire. Lorsqu'on en arrive à l'exécution du rêve et de
l’espoir sur le terrain, par des cadres compétents, dynamiques et proactifs, les autorités centrafricaines les cassent et les empêchent d'avancer.
De fil en aiguille, l'opinion publique est obligée de se rendre à l'évidence. Les autorités ministérielles
centrafricaines de la Défense n'en ont cure des projets montés en faveur de la population centrafricaine. Question suivante qui vient naturellement à l'esprit: si la priorité du Ministère de la
Défense n'est pas de défendre la population, quelle est donc sa priorité? La suite de cette réflexion constitue un autre débat, dont on devine déjà les tenants et aboutissants. Encore de la
nourriture pour l’esprit de ce nouveau concept en Afrique centrale s’appelant les Biens Mal Acquis. Où est l’argent appartenant au peuple centrafricain, où est le capital de la dette extérieure
du peuple centrafricain, dont l’espérance de vie à la naissance ne dépasse à peine l’âge de 37 ans. L’opinion publique doit s’appliquer à dénoncer l’impunité d’une classe dirigeante qui s’active
au quotidien contre le développement de la population qui l’a pourtant élue "librement et démocratiquement".
En attendant, le gouvernement centrafricain fait arrêter pour des motifs fallacieux un jeune membre de son personnel qui
est en train de remplir les tâches pour lequel il a été engagé, et qui bénéficie une formation continue en adéquation avec son cahier des charges et ses supérieurs hiérarchiques. Gontran Nguerelessio est aujourd’hui harcelé simplement parce qu’il est compétent, et le clan Bozizé n’aime pas les gens compétents.
Dans les faits, tout le monde connait parfaitement le très bas niveau des capacités de gouvernance des opérateurs
politiques de l'état centrafricain, gangréné par le népotisme, le désir illicite de pouvoir et d'argent, ainsi que l'envie et la jalousie omniprésente. L'incompétence à l'état brut.
L’opinion publique internationale a le devoir absolu de s'intéresser de plus près à la destination des fonds versés dans
les poches sans fond de Bozizé et sa clique, au lieu de se cantonner dans l’exploitation de contrats miniers juteux, qui sont finalement assimilables à du recel puisque les bénéfices issus des
contrats d’exploitation de l’or, des diamants et de l’uranium sont détournés. Dans les faits, la communauté internationale qui profite de ces contrats signés avec une classe dirigeante qui
prétend fallacieusement gouverner un peuple et un territoire donné, joue aux pompiers continuellement, à force de rapports en tout genre sur papier glacé. Ces « partenaires d’affaires » du clan
Bozizé font partie en réalité de la bande d'incendiaires qui continuent à oeuvrer en toute impunité, utilisant l'aide internationale comme
couverture de leurs activités pas du tout éthiques, qui ne font qu'accentuer les problèmes socio-économiques qu'ils clament combattre.
Pendant ce temps, un simple citoyen centrafricain qui se bat depuis son enfance pour devenir quelqu'un de bien, et pour
le bien de sa patrie, est l'objet de harcèlements et d'intimidations parce qu'il est trop bien instruit. Ce n'est donc pas simplement le pays que le régime en place est en train de piller et de
brader, mais c'est aussi l'immense espoir d'un peuple entier qu'il viole au quotidien.