http://www.lalibre.be Marie-France Cros le 04/04/2013
Les pays d’Afrique centrale ont invité le Sud-Africain Zuma à leur sommet sur la Centrafrique.
L’Afrique centrale parviendra-t-elle à enrayer la chute de la Centrafrique ? C’est en tout cas ce qu’elle tentait de faire mercredi, lors d’un sommet à Ndjamena, capitale du Tchad - qui fait et défait les présidents dans le pays voisin.
Le 24 mars dernier, la coalition rebelle Seleka est entrée dans Bangui, la capitale centrafricaine, provoquant la fuite du président François Bozizé. Ce dernier était parvenu au pouvoir de la même manière, en 2003, lorsque le Tchad l’avait aidé à renverser le président élu Ange-Félix Patassé.
Le Seleka avait déjà failli prendre Bangui en janvier dernier; les voisins de la Centrafrique avaient alors envoyé des troupes (regroupées sous le nom de Micopax, Mission de consolidation de la paix) pour défendre la capitale et obtenir, en échange du général Bozizé, lors d’une conférence à Libreville, qu’il fasse des concessions au Seleka, notamment un gouvernement d’union nationale. Celui-ci n’a cependant pas réellement fonctionné, notamment à cause de la réticence du président Bozizé à respecter les accords qu’il avait signés sous la pression militaire du Seleka et diplomatique de ses voisins.
"Habiller" le coup d’Etat
La semaine dernière, un chef rebelle, Michel Djotodia, s’est installé dans le fauteuil présidentiel, a suspendu la Constitution et annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale ainsi que des élections dans trois ans, "conformément" aux accords de Libreville. Depuis lors, Bangui a connu le chaos : tirs, pillages, désordres, hôpitaux débordés de blessés, eau, électricité et carburant en insuffisance
Le sommet de Ndjamena doit trouver une position commune sur le changement de pouvoir à Bangui. Selon l’AFP, il s’agit d’"habiller" le coup d’Etat pour donner un semblant de légitimité au pouvoir en place, le précédent en étant aussi dépourvu et n’ayant pas gouverné de manière à en acquérir. L’Union africaine, qui a suspendu la Centrafrique de ses instances et pris des sanctions contre les nouveaux dirigeants, estime que la transition ne devrait pas dépasser un an au lieu des trois annoncés.
Le sommet de Ndjamena, qui a commencé par une réunion à huis clos, doit aussi régler l’épineuse question de l’Afrique du Sud.
Ce pays a en effet envoyé en 2007 en Centrafrique un petit contingent militaire pour une mission d’instruction. Ce contingent a été renforcé de 300 hommes en janvier dernier, avant de prendre, le 24 mars, la défense du général Bozizé que la Micopax, elle, avait alors laissé tomber, signe du désaveu régional.
Treize soldats sud-africains, selon Pretoria, auraient péri dans ces combats, ce qui oblige le président sud-africain Jacob Zuma à donner des explications à son opinion publique, non informée d’un accord de défense de Bozizé. Pour l’instant, il s’est contenté de déclarer, mardi : "Nous continuons nos consultations avec la région d’Afrique centrale et l’Union africaine." Sa position est si inconfortable qu’invité à Ndjamena mercredi, il devait s’y présenter avec ses ministres des Relations internationales, de la Défense et de la Sécurité d’Etat.
L’Afrique du Sud affirme pour sa défense, comme le général Bozizé, que les forces tchadiennes ont aidé les rebelles à prendre Bangui. Les anti-Bozizé assurent, eux, que les présidents Zuma et Bozizé étaient liés économiquement, la défense sud-africaine du potentat ayant été "payée" par un accès à l’or et aux diamants centrafricains pour des Sud-Africains. La presse sud-africaine parle d’intérêts économiques de l’ANC, le parti de Mandela.
Mme Zuma en position de force
Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Selon plusieurs sources congolaises de "La Libre Belgique", le contingent sud-africain est passé avec armes et bagages, le 25 mars, de l’autre côté de la frontière entre Centrafrique et Congo-Kinshasa. Il se trouve à Gemena.
Le député Alexis Lenga (MLC, opposition), de la circonscription de Gemena, a déposé le 1er avril au bureau de l’Assemblée nationale à Kinshasa une interpellation du ministre de l’Intérieur, Richard Muyej Mangez. "Nous attendons maintenant que la question soit inscrite à l’ordre du jour", a-t-il indiqué à "La Libre Belgique". "Tout de suite après la débâcle sud-africaine, une base a été constituée à Gemena avec une arrivée massive de Sud-Africains avec armes et matériel. La population nous parle même d’hélicoptères. Cela s’ajoute à l’arrivée massive de réfugiés de Centrafrique, militaires et civils, ce qui peut créer une situation d’insécurité dans la région alors qu’aucun représentant du gouvernement central, ni les autorités décentralisées de l’Equateur, n’ont éclairé la population sur ce qui se passe. Nous voulons aussi savoir si l’armée congolaise a aidé Bozizé", explique le député.
Jacob Zuma garde cependant quelques arguments de poids. La Commission de l’Union africaine, qui a suspendu la Centrafrique, est présidée par Nkosazana Dlamini-Zuma, ex-épouse du président sud-africain, en faveur de l’élection de laquelle Pretoria a intensément fait pression.