Centrafrique : la France convainc l'ONU de la nécessité d'un recours à la force
LE MONDE | 26.11.2013 à 11h38 • Mis à jour le 26.11.2013 à 13h38 |Par Alexandra Geneste (New York (Nations Unies) correspondante)
Huit mois. C'est le temps qu'il aura fallu aux quinze pays membres du Conseil de sécurité de l'ONU pour s'entendre sur le « besoin d'une action rapide et décisive »en République centrafricaine (RCA). Huit mois, 4,6 millions de personnes affectées par une crise humanitaire sans précédent, dont un million en situation d'insécurité alimentaire, 400 000 déplacés et 68 000 autres réfugiés dans les Etats voisins. « Tous les pays partagent la même préoccupation (…), le même constat alarmant », a résumé, lundi 25 novembre, l'ambassadeur de France, Gérard Araud, à l'issue des premières consultations de l'organe exécutif des Nations unies sur un rapport recommandant l'envoi de 6000 à 9000 casques bleus.
Cette option, défendue par Paris depuis plusieurs mois pour sécuriser le pays livré au chaos après le renversement du président Bozizé en mars, est celle que favorise le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, au profit de quatre autres, jugées moins « viables ».
LES CRAINTES AMÉRICAINES LEVÉES
Malgré les réticences américaines – les Etats-Unis refusant de financer une opération de maintien de la paix (OMP), quatre mois après le déploiement de la quinzième du genre au Mali –, le consensus semble l'avoir emporté. A peine les quinze membres s'étaient-ils quittés, après avoir entendu le vice-secrétaire général de l'ONU, Jan Eliasson, mettre en garde contre un « conflit religieux et ethnique » entre chrétiens et musulmans risquant de mener à des « atrocités de masse », que la France faisait circuler un projet de résolution destiné à transformer à terme en une OMP la force panafricaine déjà présente en Centrafrique (Misca).
Le texte, dont Le Monde a obtenu copie, devrait être soumis au vote la semaine prochaine, alors que la France héritera de la présidence du Conseil de sécurité au mois de décembre. Aucun des quinze membres ne s'est opposé aux propositions françaises, a fait savoir Gérard Araud. Mardi 26 novembre, Jean-Yves Le Drian, le ministre de la défense, a annoncé sur Europe 1 qu'un millier de soldats seraient déployés dans le pays « pour une période brève, de l'ordre de six mois à peu près ». Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères évoquait, lui, sur France-Culture en direct du Monde, 800 soldats.
La résolution, placée sous chapitre VII de la Charte des Nations unies, prévoyant un recours à la force, autorise les forces françaises déployées en RCA à «prendre toutes les mesures nécessaires pour soutenir la Misca ». Les Français joueront le rôle d'une « force de relais » pour protéger les civils en attendant que la force panafricaine puisse le faire, a précisé l'ambassadeur. 3 600 soldats africains sont censés être déployés au 19 décembre.
Mais cette force sous l'égide de l'Union africaine « est sous-équipée, sans capacité financière soutenable, et certains de ses contingents, au lieu de protégerles populations, monnayent leurs services de sécurité à des firmes privées », estime le numéro 2 des opérations de maintien de la paix, Edmond Mulet. « Personne ne croit au succès de la Misca, seule l'ONU sait et peut faire en matière de protection des civils », estime un des nombreux acteurs humanitaires.
En attendant, et parce qu'il faut six mois en moyenne pour le déploiement d'une OMP, la résolution attribue un mandat de cette durée à la Misca, décide la création d'un fonds fiduciaire pour gérer les contributions volontaires destinées à la financer, impose un embargo sur les armes et demande à Ban Ki-moon de livrer, dans « trois mois au plus tard », un concept d'opération pour l'envoi de casques bleus.
Centrafrique : Paris prêt à envoyer un millier de soldats supplémentaires
http://www.humanite.fr le 26 Novembre 2013
Un millier de soldats français supplémentaires seront présents en Centrafrique pour appuyer ce pays "en voie d'effondrement" pendant environ six mois a déclaré la ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian. Information confirmée par le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius qui rappelle que la France interviendrait après le vote de la résolution aux Nations Unies, attendu la semaine prochaine.
"Un millier de soldats" français vont être déployés en Centrafrique "pour une période brève, de l'ordre de six mois à peu près", afin de rétablir l'ordre en appui d'une force africaine, a annoncé mardi le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian. "La France accompagnera une force africaine déjà en cours de constitution, composée d'éléments militaires venus des pays voisins pour faire en sorte que ce massacre s'arrête", a-t-il précisé sur Europe 1. L'opération en Centrafrique "n'a rien à voir avec le Mali", a-t-il dit. "Là, c'est l'effondrement d'un Etat et une tendance à l'affrontement confessionnel".
De son côté, le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a déclaré que ce chiffre "faisait sens". "Dès lors que nous aurons cette autorisation par la communauté internationale (.. ), nous procéderons à un renforcement de notre présence. Nous annoncerons les modalités le moment venu", a-t-il déclaré sur France Culture. Il a rappelé que l'intervention de la France porterait sur quatre domaines : la sécurité, l'humanitaire, la transition politique et le développement économique. Laurent Fabius a par ailleurs souligné que la situation en Centrafrique représentait un risque d'implosion pour l'ensemble de l'Afrique centrale. "Il y a un risque d'implosion dans tous les domaines qui est absolument massif", a dit le chef de la diplomatie française, interrogé sur une situation que certains estiment pré-génocidaire. "Jusqu'à présent, cela ne concernait, et c'était déjà trop, que les Centrafricains, et aujourd'hui si le vide et l'implosion s'installent, cela va concerner tous les pays de la région, c'est-à-dire le Tchad, les Soudans, le Congo, le Cameroun", a-t-il ajouté.
Si la France prend soin de souligner qu’elle est «en appui» et qu’elle ne réédite pas en Centrafrique, ex-colonie, son intervention armée du début de l’année au Mali, qui visait à neutraliser des groupes islamistes armés, elle apparaît cependant comme pour ce pays à la manœuvre et sur tous les fronts, diplomatique comme militaire. A l’ONU, Paris a soumis lundi soir à ses partenaires du Conseil de sécurité un projet de résolution visant à renforcer la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca) déjà présente, avec la perspective de la transformer en force de l’ONU de maintien de la paix. Jusqu’à présent plusieurs pays, notamment les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, semblaient réticents à financer une nouvelle opération de maintien de la paix en Afrique. Dans un premier rapport examiné lundi par les 15 membres du Conseil, Ban Ki-moon avait évoqué le déploiement de 6 000 à 9 000 Casques bleus pour sécuriser le pays, en proie aux violences depuis le renversement, le 24 mars, du régime de François Bozizé par Michel Djotodia, chef de la coalition rebelle Séléka, devenu depuis président par intérim. Selon le département d'Etat américain, la violence a fait près de 400.000 déplacés dans le pays et 68.000 réfugiés dans les pays voisins depuis que Michel Djotodia a perdu le contrôle de sa coalition de chefs de guerre.
Paris compte environ 410 militaires aujourd'hui en Centrafrique, basés à l'aéroport de Bangui. A l'issue d'une rencontre lundi à Paris avec le chef de la diplomatie française Laurent Fabius, le Premier ministre centrafricain de transition Nicolas Tiangaye avait annoncé que la France était prête à envoyer en Centrafrique 800 soldats supplémentaires. Nicolas Tiangaye a fait état lundi d'une "insécurité généralisée", "de graves crimes de guerre et crimes contre l'humanité". Il a estimé que "la France a les moyens, militaires, financiers et diplomatiques pour que son action soit efficace".