BANGUI, 18 déc 2013 (AFP) - Le président centrafricain et ex-chef rebelle Michel Djotodia a rencontré mercredi son Premier ministre pour tenter de résoudre leur conflit politique et ne pas aggraver l'instabilité dans le pays, au moment où les violences interreligieuses commencent seulement à "s'apaiser" selon l'armée française.
Le président Djotodia s'est entretenu dans l'après-midi à son palais de Bangui avec son Premier ministre Nicolas Tiangaye pour une "réunion de conciliation", selon leur entourage.
L'objectif était de mettre fin au conflit politique entre les deux hommes, après le limogeage dimanche par l'ancien chef rebelle de trois ministres et du directeur du budget.
Cette décision, prise par décret et sans concertation avec M. Tiangaye, avait été vivement contestée par les proches du Premier ministre et les partisans du président déchu François Bozizé, représentés au sein du gouvernement de transition.
"Je pense que nous allons trouver une solution politique. Une décision sera prise plus tard", a simplement déclaré à l'AFP M. Tiangaye.
Selon une source proche de la présidence, "les deux hommes sont d'accord sur la nécessité de trouver une solution satisfaisant tout le monde. Mais le président ne veut pas revenir sur le décret, et M. Tiangaye ne veut pas céder".
La polémique a révélé au grand jour les vives tensions à la tête de l'exécutif, et sans doute la marginalisation croissante du Premier ministre, unique caution démocratique de ce gouvernement largement dominé par les ex-rebelles musulmans de la Séléka, dans un pays où l'administration a quasiment disparu.
M. Tiangaye a fui sa résidence de Bangui, pillée au cours des violences, et vit aujourd'hui réfugié sur l'aéroport, sous la protection des militaires de la force africaine.
Après le déferlement de haines et de violences ces deux dernières semaines entre chrétiens et musulmans, "la tension est fortement retombée", a affirmé à l'AFP le général Francisco Soriano, à la tête des 1.600 soldats français déployés depuis le 5 décembre dans le pays.
"C'est plutôt calme à Bangui depuis vendredi 13 (décembre) à midi. La situation s'est bien apaisée. Est-elle durable? Je ne sais pas", a-t-il reconnu: "nous sommes très prudents. Il y a encore des attitudes et des propos violents".
De fait, la situation était en voie de relative normalisation dans le centre de Bangui, a constaté l'AFP, avec de longues files d'attente devant les banques, et même des vendeurs ambulants proposant des guirlandes de Noël.
Les tensions persistent néanmoins entre chrétiens et musulmans dans certains quartiers. La ville compte toujours près de 210.000 déplacés qui s'agglutinent dans des conditions extrêmement précaires à l'aéroport, dans les églises et les mosquées.
A Paoua, dans la région de Bossangoa, l'un des épicentres des violences dans le nord-ouest, les habitants craignaient une attaque des milices d'auto-défense villageoises "anti-balaka" (anti-machettes), après l'échec d'une rencontre avec la communauté musulmane locale et des combattants Séléka, selon une source humanitaire.
La Centrafrique est plongée dans le chaos depuis la prise du pouvoir en mars 2013 par la Séléka, une coalition hétéroclite de groupes armés musulmans venus du nord du pays.
Après des mois d'exactions en tous genres des Séléka sur les populations chrétiennes, les violences interreligieuses se sont déchaînées le 5 décembre et les jours suivants, à la faveur d'une attaque de milices chrétiennes sur Bangui, et des représailles sanglantes de la Séléka qui ont suivi.
Ces événements ont précipité l'intervention militaire de la France, qui tente depuis lors de désarmer les belligérants et opèrent en soutien à une force africaine sur place d'environ 3.700 hommes, la Misca.
Après avoir désarmé en priorité les ex-Séléka, l'armée française a visé mardi les milices "anti-balaka" dans une opération de "sécurisation" d'un quartier nord de la capitale.
Le commandement français a promis d'autres opérations du même genre pour les jours à venir, et réaffirmé son "impartialité" en réponse aux critiques de l'ex-Séléka, dont les combattants, désarmés sont furieux de voir leur pouvoir réduit à néant et se disent incapables de défendre la communauté musulmane face à la soif de vengeance des habitants --très majoritairement chrétiens-- de Bangui.
"Nous continuons les opérations de désarmement, de contrôle, mais en veillant a ne pas perturber la vie qui reprend" dans la capitale, a commenté le général Soriano.
A ce jour, ce sont environ 7.000 combattants de l'ex-Séléka qui ont été désarmés et sont cantonnés dans leurs casernes à Bangui, selon un haut-gradé de la Misca.
"Il y a de moins en moins de Séléka dehors, le gros des troupes est en cantonnement. (...) On tend à revenir vers une situation normale. (...) Nous restons vigilants parce que ça peut toujours redémarrer", a jugé cette source.
Sur le plan diplomatique, les responsables français ont multiplié ces dernières 24 heures les déclarations, parfois confuses, voire très optimistes, sur une intervention au sol de troupes européennes aux côtés des soldats français en RCA.
Silence radio du côté des pays éventuellement concernés: si la quasi-totalité des partenaires européens de la France affichent leur solidarité avec Paris, ce soutien se limite pour l'instant à un appui financier et logistique, en transport aérien notamment.
La question sera de nouveau en discussion jeudi et vendredi au sommet européen de Bruxelles, avec une intervention attendue du président François Hollande sur la RCA.