Ces derniers temps les évènements se sont précipités en République Centrafricaine plongeant le pays dans un désarroi encore plus grand. Les fiers-à-bras du Séléka auréolés de leurs nombreuses, rapides et combien spectaculaires conquêtes sur le champ de bataille rongent les freins pour en découdre avec le régime de Bangui aux abois. Les FACA, avec ses généraux pléthoriques et défaites encore une fois de plus, perdent leur chef d’Etat-major mais pas son Ministre de la défense. Et pour cause.
Quatre années seulement après le dialogue politique inclusif tenu à Bangui à cor et à cris, du 8 au 20 décembre 2008, et dont la mise en œuvre des recommandations devrait être le point de départ d’une nouvelle République centrafricaine apaisée et harmonieuse, voilà que les démons destruction et de la mort sévissent à nouveau avec plus de virulence. Les responsabilités sont connues. Le moment n’est pas encore venu pour se poser des questions du genre : Qui soutient les rebelles ? Est-ce par hasard que cette rébellion s’active dans le Nord et le Nord-Est de la république Centrafricaine au moment où l’exploration du pétrole centrafricain paraît de plus en plus prometteuse? Contentons-nous pour le moment de faire connaissance avec le Séléka.
La rébellion armée : une vraie fausse alternative au régime de Bozize
Le Séléka est une coalition hétéroclite de factions rebelles dissidentes qui écument l’arrière-pays depuis quelques années déjà. Il faut avoir lu la déclaration de sortie de crise publiée sur le site Centrafrique-presse le 18 décembre dernier pour appréhender quelque peu la pertinence de leur analyse et surtout pour se rendre compte à quel point leur plate-forme revendicative reste pour le moins catégorielle.
Pas de ligne politique conceptualisée, ni structurée, pas d’idéologie claire et cohérente, pas de revendications précises. Tout cela finit par convaincre queSéléka, dans sa forme actuelle, n’est pas et ne peut pas être une alternance crédible au régime de Bozize. Il n’est pas fait pour accéder au pouvoir, ni gérer la République centrafricaine. Quand bien même le voulait-il, en a-t-il seulement les moyens intellectuels et humains ? C’est encore un aventurisme rampant qui s’annonce avec ses grands sabots et qui ne peut hélas que déboucher sur un cauchemar encore plus grand propulsant la République Centrafricaine dans le gouffre sans fond au bord duquel elle se cramponne désespérément. L’enfer est pavé de bonnes intentions.
L’histoire récente de notre pays ne cesse de nous enseigner. On peut arriver au pouvoir par les armes en évinçant un Président de la République démocratiquement élu. On peut même cafouiller pour conserver le pouvoir par des moyens pseudo-démocratiques. Cela n’empêche pas le peuple de vous jeter dans la poubelle de l’histoire dès la première occasion venue.
La réunion de Libreville : Une opportunité pour aller de l’avant
Les négociations inter-centrafricaines prévues dans la capitale du Gabon le week-end prochain, vont s’ouvrir assurément en tenant compte du rapport des forces en présence sur le terrain. D’une part, les forces rebelles regroupées au sein du Séléka contrôlent quasiment les trois quarts du territoire centrafricain. Auréolée par de nombreuses victoires en si peu de temps, Séléka va débarquer en position de force. Et la dynamique de la suite des opérations est en sa faveur. S’ils refusent d’engager la dernière bataille de Bangui, ce n’est pas tant par respect des vies humaines comme ils le prétendent (ils n’en ont jamais fait preuve depuis le début de la rébellion) mais c’est parce que tout simplement les éléments des forces armées tchadiennes positionnées à Sibut leur en empêchent l’accès.
De son côté, le Général Président Bozize qui aura tout perdu en respectabilité et en crédibilité, les FACA ne contrôlant jamais plus que Bangui et ses environs, va effectuer le déplacement de Libreville dans la pire des conditions possible. En position de faiblesse totale, il va devoir subir stoïquement la morgue fanfaronne de nouveaux rois de guerre et surtout affronter l’opposition démocratique dont il a toujours répondu à la demande incessante de dialogue national par un silence méprisant. Son ministre de l’Administration du territoire, le Pasteur Binoua, a déclaré sur RFI que le gouvernement centrafricain ne pose plus de condition, ni d’exigence préalables aux négociations de Libreville. Comment pouvait-il en être autrement quand la défaite sur le terrain est si lourde et bue jusqu’à la lie ?
A quelque chose, malheur est bon ! L’objectif que le FARE 2011 n’a jamais pu obtenir depuis sa création par la voie démocratique, l’opposition armée va le lui offrir sur un plateau d’or à Libreville : L’annulation et la reprise des élections de 2011. Le dirigeant chinois Deng Xiao Ping affirmait déjà avec beaucoup de pragmatisme : « Peu importe que le chat soit noir ou gris pourvu qu’il attrape la souris ».
La réunion de Libreville doit être comprise non pas comme une nième foire d’empoignes mais comme une opportunité à saisir par les acteurs politiques et les groupes polico-militaires pour débloquer la situation politique de la République centrafricaine dans l’impasse depuis les élections présidentielle et législatives de 2011.
Cette réunion qui ne doit pas excéder 24 heures devra s’atteler à consacrer les points suivants :
La dissolution de l’Assemblée nationale et la désignation par consensus d’une instance législative de transition.
La dissolution du gouvernement et la nomination d’un gouvernement d’union nationale dirigé par un membre de l’opposition modéré qui s’engage à ne pas se présenter à l’élection présidentielle.
Le maintien de Bozize à la présidence de la République jusqu’à la prochaine élection.
Dans cette nouvelle configuration qui doit privilégier le consensus comme mode de gestion de la transition, des hommes politiques comme Nicolas Tiangaye, Martin Ziguele, Gaston Mandata Nguerekata et Jean-Jacques Demafouth auront un rôle de premier plan à jouer. De ces quatre hommes politiques certes compétents et au parcours différent, Maître Nicolas Tiangaye peut paraître en pole position pour être un bon premier ministre de transition parce qu’ayant déjà été président du parlement de transition en 2003, parce que n’ayant jamais été au gouvernement, parce que dirigeant d’un parti de l’opposition, il n’aura certainement pas envie de briguer la présidence de la République. En plus, il peut bien s’entendre avec Le Général Président Bozize.
Il est dommage d’en arriver à de telles extrémités pour obtenir un changement qualitatif en République Centrafricaine. De ce point de vue le Séléka n’aura été qu’un simple accélérateur de la volonté du peuple centrafricain de vivre en paix et dans un pays uni et prospère. En se confinant à ce rôle, rien qu’à ce rôle, il aura été utile pour la sortie de crise. Et le peuple lui sera reconnaissant.