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8 janvier 2012 7 08 /01 /janvier /2012 11:17

 

 

Démafouth candidat

 

Jean Jacques Demafouth a été arrêté et placé en garde à vue vendredi 6 janvier pour « tentative de déstabilisation », selon le porte-parole du gouvernement de Bangui, Firmin Findiro.


Si l’on en croit une source proche de la gendarmerie, citée par l’Agence France Presse, celui qui est considéré comme « le patron de l’Armée populaire pour la restauration de la démocratie et vice-président du Comité national du programme DDR (pour désarmement, démobilisation et réinsertion) s'était rendu vendredi matin au cabinet du ministre de la Justice Firmin Findiro où il était convié. Alors qu’il s’entretenait avec ce dernier, les responsables de la SRI (Section recherches et investigations), dont l’un des fils Bozizé, Aimé Vincent dit Papy, ainsi que des éléments de la gendarmerie sont arrivés à la chancellerie. Ils sont restés un peu plus d'une heure enfermés au cabinet. Puis, Jean-Jacques Demafouth encadré par les responsables de la SRI et leurs éléments, sont sortis par la porte de derrière de la chancellerie en direction de la SRI ».

 

Les mieux informés d’entre nous n’ont nullement été pris de court. Ils savaient que cette éventualité lui pendait au nez.

 

C’est pourquoi, il faut revenir sur cette curieuse actualité et en tirer des leçons : c’est une des raisons de cet article. Il analyse un fourvoiement et engage la réflexion. D’autant plus que nous le disions en janvier 2011 qu’entre François Bozizé et Jean-Jacques Demafouth, la bataille pour la prise du pouvoir par les armes a vite tourné à l’avantage du premier. Mais le second n’a pas désarmé. S’il participe à l’élection présidentielle du 23 janvier prochain, c’est pour se placer dans une position qui pourrait lui permettre de tenter sa chance un de ces quatre : renverser son vieil ami par les armes. Et cela, Bozizé ne l’ignore pas. Les deux hommes s’aiment et se détestent mutuellement (article intitulé, Demafouth : le frère jumeau de François Bozizé).

 

L’auteur de ces lignes n’est ni guidé ni gêné par l’ambition personnelle. Nous n’avons de prévention à l’égard de personne. Notre point de vue est désintéressé. Il s’attache aux faits et défend des valeurs.  

 

Pas de fumée sans feu ?

 

Jean-Jacques Demafouth que nous avions fréquenté entre 2007 et 2008 au moment où il prenait la tête de la rébellion de l’APRD et négociait avec le pouvoir de Bangui les accords de paix de Libreville ne nous semblait pas armée pour être considéré comme un leader politique, un vrai, qui pourrait exercer avec succès la fonction présidentielle (même si entre temps il eût la jurisprudence Bozizé).

 

Non pas parce que nous ne l’aimions pas, mais parce que nous avions pu nous faire une idée assez exacte de ses qualités, notoires, et de ses insuffisances, réelles. On s’inquiétait de sa façon d’aborder les problèmes du pays, de penser les questions politiques, de concevoir la démocratie : nous n’avions nullement dissimulé nos réserves, quand il nous disait que, dans la situation actuelle de notre pays, l’unique moyen d’accéder à la magistrature suprême demeure la violence des armes. Nous l’avoir fréquenté, nous pouvons affirmer sans peur de nous tromper que même sans se raser, Jean-Jacques Demafouth ne pense qu’à faire un coup d’État.

 

A-t-il réellement voulu « déstabiliser » le pouvoir agonisant et à bout de souffle de François Bozizé ? Rien n’est moins sûr ! 

 

D’ailleurs, en se désolidarisant de l’ensemble de l’opposition, ayant été le seul candidat à ne pas contester les résultats de la dernière présidentielle, espérant ainsi hériter la Primature ou un maroquin important (des mauvaises langues affirment que Bozizé lui aurait fait la promesse), Jean-Jacques Demafouth s’auto-fragiliseait, se livrait en pâture, avec le risque de subir les foudres du régime qui ne voit pas d’un bon œil sa présence à Bangui. C’est peu de dire qu’il a joué avec le feu. Il était incontestablement devenu l’allié objectif du pouvoir en place.

 

C’est peut-être là que résident les vraies motivations des accusations qui sont aujourd’hui portées contre lui.

 

De la bêtise d’un régime d’incapables

 

Ce qui est affreux et donne de l’espèce humaine une opinion désolée, c’est que, pour mener à bien ses desseins funestes, des régimes comme celui de Bangui, trouvent invariablement les instruments zélés de leurs crimes.

 

Qu’on ne s’y trompe pas : la situation catastrophique actuelle de la République Centrafricaine, loin d’être consécutive à une quelconque tentative de déstabilisation, est la parfaite illustration de l’incapacité chronique et de l’inaptitude de François Bozizé à exercer la fonction présidentielle.

  

Voilà un pays où les trois quarts échappent au contrôle du gouvernement central, et livré à une horde de hors la loi à la gâchette facile qui est en perdition pour cause d’irresponsabilité. Chacun sait, Bozizé le premier, que ces bandits de grand chemin qui massacrent la population et détruisent l’économie centrafricaine, n’ont aucune revendication politique sérieuse si ce n’est de courir derrière des occasions d’hypothétiques « négociations de paix » avec le régime afin de s’en mettre plein les poches.

 

Fort de cette absence de revendication un tantinet crédible, doublé d’un manque cruel de vision politique, ces gens qui se revendiquent de la République Centrafricaine et qui n’ont rien à voir pour la plupart avec les Centrafricains, sont constamment à la recherche de leader pour les représenter. Malheureusement, ils parviennent toujours à trouver des imbéciles en manque de notoriété au sein de la classe politique centrafricaine pour jouer les portes besaces.

 

En face de ces aventuriers nous avons un régime issu d’une calamiteuse rébellion, composé quasi exclusivement d’incapables qui, dans une stratégie machiavélique de conservation du pouvoir parce que  ne disposant ni de moyens intellectuels ni de capacité à diriger un pays, préfèrent dresser les ethnies les unes contre les autres, et entretenir l’insécurité pour faire peur.  Pendant neuf longues années, ces irresponsables ont fait accroire qu’ils étaient les seuls à pouvoir ramener la paix et la stabilité. Et le comble, c’est qu’ils ont réussi durant tout ce temps à duper les partenaires au développement qui tenaient leur régime à bout de bras.

 

Ce qui devait arriver, arriva. La victoire à la Pyrrhus de François Bozizé, entachée de graves irrégularités dues au non-respect du code électoral, a fait craindre aux bailleurs de fonds internationaux qui faisaient vivre son régime, le risque d’un embrasement du pays avec des conséquences sociales et humanitaires beaucoup plus graves que ce que l’on sait. Conséquence directe, ils ont coupé les vivres afin de s’apercevoir, sur pièce, de la capacité du régime à gérer la situation. Mais il n’en est rien. Bozizé et ses ouailles ne savent à quel saint se vouer pour trouver une solution à la situation. Ils ont montré leur limite. La seule chose qu’ils ont trouvée de mieux à faire c’est de lancer une chasse aux sorcières tous azimuts. Ils ont beau procédé à l’arrestation de paisibles citoyens inoffensifs installés à Bangui, ce n’est pas ce qui renflouera les caisses désespérément vides de l’État.

 

Ce n’est pas en arrêtant Demafouth, en liquidant Massi, en éliminant physiquement Me Goungaye, qu’ils parviendront à régler le problème de l’insécurité endémique qui paralyse le pays. Ils peuvent arrêter tout Bangui, tout Paoua, tout Bangassou, tant qu’ils continueront d’entretenir l’insécurité par leur inaction ou par une complicité active avec ces multiples bandes de hors la loi, comme celle du désormais tristement célèbre Baba Laddé,  chaque jour que Dieu fait pourrait être le dernier jour pour le régime.

 

Au lieu de s’en prendre aux Centrafricains, Bozizé et ses nombreux fils qui se prennent pour des militaires, feraient mieux de faire la guerre à tous les soi-disant groupes rebelles qui écument le territoire national. Surtout qu’il avait prêté serment de défendre l’intégrité du territoire national.

 

L’histoire se répète-t-elle ? 

 

Etant donné qu’aucun règne n’échappe à son déclin et que celui qui s’est installé sur la terre de nos pères depuis le 15 mars 2003 a déjà amorcé le sien, il sera difficile à François Bozizé de s’agripper perpétuellement au fauteuil présidentiel. Il ne parviendra pas à empêcher sa dégringolade. Car toute chose a une fin. 

 

Or, s’il est une constance pour les régimes en fin de course en Centrafrique, c’est la fabrication de leur successeur. Ceci étant,  en arrêtant Demafouth, Bozizé lui fait une publicité inespérée. Dès facto, il fait de ce dernier son successeur potentiel. Car des chancelleries et les vrais décideurs du monde vont désormais s’intéresser à ce personnage et suivront la suite de l’histoire. Ce qui ne serait pas arrivé si on le laissait dans son anonymat tout en contrôlant ses mouvements, afin de faire échec à ses entreprises, si entreprises il ya.

 

Dix ans se sont écoulés mais Bozizé répète exactement ce dont il reprochait au défunt président Ange-Félix Patassé : rechercher à tout prix des boucs-émissaires pour masquer un cuisant échec sur le triple plan politique, économique et social. Demafouth ne mérite pas une telle publicité gratuite. C’est l’erreur à ne pas commettre, parce que l’autre va se sentir pousser des ailes.

 

C’est ici que l’on réalise qu’au sein de la bozizie, il y a finalement peu de figures imposantes et suffisamment courageuses pour raisonner les uns et tempérer l’ardeur des autres.

 

Et si tout cela ne participait que de cette guerre de succession qui fait rage entre les différents clans du pouvoir ?  Nous sommes enclins à le penser !

 

C’est pourquoi, pour espérer sortir à peu près indemne de cette impasse, ce qui semble impossible, le régime devra se trouver une personnalité de très grande sagesse, afin d’arbitrer entre les ambitions imprévisibles et les intentions plus ou moins héréditaires.

 

Adrien Poussou. 

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Centrafrique-Presse.com - dans Opinion