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3 août 2015 1 03 /08 /août /2015 12:41

 

 

 

http://www.la-croix.com/  3/8/15 - 11 H 12

 

Amnesty International publie un rapport intitulé Identité effacée : les musulmans dans les zones de la République centrafricaine soumises au nettoyage ethnique. L’organisation évoque la conversion forcée de musulmans par les rebelles anti-balaka.

 

► Que dénonce le rapport ?

 

Depuis 2013, la Centrafrique est déchirée par une guerre civile qui a progressivement pris l’apparence d’un conflit interconfessionnel opposant chrétiens et musulmans.

 

Les combats entre les coalitions rebelles de l’ex-Séléka (à majorité musulmane) et des anti-balaka (chrétiennes et animistes) se sont accompagnés de pillages et d’exactions à grande échelle.

 

En 2014, le nettoyage ethnique mené par les anti-balaka, avec le soutien d’une partie des habitants, a vidé la population musulmane de l’ouest du pays, détruisant au passage les mosquées, les commerces et les maisons des musulmans.

 

Ceux qui restent « sont devenus extrêmement vulnérables », avertit Amnesty International, dans un rapport intitulé Identité effacée : les musulmans dans les zones de la République centrafricaine soumises au nettoyage ethnique .

 

Pour l’ONG, l’absence de sécurité dans l’ouest du pays « empêche les musulmans » de prier, de porter des vêtements distinctifs ou de reconstruire leurs mosquées. « Dans au moins cinq villes et villages, poursuit le rapport, des musulmans se sont convertis sous la pression, entre autres sous la menace de mort. »

 

► Quelles questions soulève ce rapport ?

 

Les conversions forcées ont immédiatement focalisé l’attention au détriment du reste du rapport. Or, cela concernerait une soixantaine de personnes sur les 30 000 musulmans qui résident encore dans l’ouest du pays, dont une partie est sous la protection de la Minusca, la force de maintien de la paix des Nations unies.

 

« Ce sont des actes graves mais isolés, note le P. Aurelio Gazzera, un missionnaire carmélite italien installé dans la localité de Bozoum. J’ai entendu parler de baptêmes menés par des pasteurs, mais pas par des prêtres. S’il y en a eu, il ne s’agit pas d’une volonté de la hiérarchie. »

 

Du rapport, le missionnaire retient surtout les destructions massives des maisons et des mosquées ainsi que les problèmes de sécurité. À Bozoum vivent un millier de musulmans, principalement des femmes et des enfants, contre 6 000 à 7 000 avant la crise.

 

Beaucoup d’exilés appellent la paroisse pour demander s’il est dangereux ou non de retourner dans la commune. « L’Église fait un gros travail pour apaiser les esprits », poursuit le P. Aurelio Gazzera, qui espère voir la mosquée reconstruite dans quelques mois.

 

Olivier Tallès

 

 

Invité Afrique RFI

 

Ilaria Allegrozzi: en RCA, l'Etat doit garantir la «liberté de religion»

 

Par Florence Morice lundi 3 août 2015

 

Amnesty International s'alarme de l'insécurité dont sont victimes les populations musulmanes dans certaines zones de l'ouest de RCA encore sous le contrôle des groupes armés anti-balaka. Alors que l'immense majorité des musulmans de Centrafrique est encore réfugiée à l'étranger ou bien contrainte de vivre dans des enclaves sécurisées, la minorité, qui a décidé de rester dans ses villages vit encore aujourd'hui sous la menace de groupes anti-balaka qui l'empêche de pratiquer sa religion. L'organisation déplore même quelques cas de conversion forcée.

 

 L'identité effacée est le nom d'un rapport dénonçant ces graves manquements aux droits fondamentaux. Ilaria Allegrozzi, chercheuse auprès d’Amnesty International pour l’Afrique centrale et notamment la RCA, a participé à sa rédaction. Elle est l'invitée de Florence Morice.

 

RFI : Dans ce rapport, Amnesty International explique le prix payé dans l’ouest du pays par les populations musulmanes qui ont décidé de rester dans leur communauté d’origine. Vous écrivez : « Ce prix, c’est celui de l’invisibilité ». Qu’est-ce que ça signifie concrètement ?

 

Ilaria Allegrozzi : Les populations musulmanes, qui sont restées ou qui sont retournées dans des zones qui ont fait l’objet d’un nettoyage ethnique, ne peuvent plus pratiquer leur religion librement. Elles ne peuvent pas prier en public. Elles ne peuvent pas porter leurs habits de musulmans. Elles ne peuvent pas reconstruire leur mosquée. Elles sont obligées de payer des milices anti-balaka pour pouvoir rester en vie. Elles sont dans une situation où elles n’existent pratiquement plus en tant que communauté.

 

Ça signifie qu’aujourd’hui encore, plusieurs mois après le Forum pour la réconciliation de Bangui, dans ces zones, les groupes anti-balaka détiennent encore beaucoup de pouvoir ?

 

Oui, on parle des populations musulmanes qui ne sont pas sous la protection de forces des Nations unies et qui se trouvent donc dans des zones encore ravagées par les milices anti-balaka qui détiennent un pouvoir considérable dans ces zones de l’ouest de la Centrafrique.

 

Un pouvoir qui s’exerce de différentes manières. Des musulmans que vous avez interrogés racontent que certains anti-balaka vont jusqu’à s’habiller avec des habits traditionnels que les musulmans eux-mêmes n’ont plus le droit de porter. Qu’est-ce que cela signifie ?

 

Ça signifie, comme quelqu’un nous a dit quand on était à Bangui, si on voit quelqu’un qui porte un vêtement de musulman, ça sera un anti-balaka. C’est une manière d’humilier les personnes musulmanes qui ont été par exemple contraintes à se convertir et dont l’identité est en train d’être effacée.

 

Vous évoquez des cas de conversion forcée qu’Amnesty a documentés. Est-ce que ces cas sont nombreux ?

 

Les cas de conversion forcée ne sont pas nombreux, mais sont quand même extrêmement graves parce qu'ils révèlent de l'intolérance tout à fait injustifiée à l'égard de la pratique de l'islam. Et le fait que ces restrictions soient imposées par des milices anti-balaka, et pas par l'Etat, ne dispense pas celui-ci de prendre ses responsabilités et de veiller à ce que toute personne puisse, librement, exercer ses droits et notamment la liberté de religion.

 

Quel type de témoignage Amnesty a pu recueillir concernant ces conversions forcées ?

 

Ça se passe sous la menace. Certaines personnes nous ont dit qu’elles ont été contraintes à se convertir au christianisme sous pression et qui n’avaient pas d’autres choix que de faire ça pour pouvoir rester en vie et continuer à vivre dans leur communauté.

 

Ça signifie qu’ils négocient au quotidien les conditions de leur survie ?

 

Pour pouvoir rester en vie, ils sont obligés de négocier de jour en jour constamment avec les milices anti-balaka et les groupes d’auto-défense.

 

Est-ce que cette intolérance a uniquement des fondements religieux ou bien est-ce que d’autres critères entrent en jeu, notamment ethniques, familiaux ou même historiques ?

 

Il ne s’agit pas seulement de religion, mais il y a aussi une question d’appartenance ethnique, de liens familiaux et d’origine nationale. Une proportion vraiment importante de musulmans qui ont pu rester dans certains villages sont ceux qui ont, par exemple, des parents de la famille chrétienne, originaires de la région, et qui sont donc considérés comme étant moins étrangers que ceux qui ont des descendants, par exemple, tchadiens ou soudanais qui sont perçus comme étant des complices de la coalition de l’ex-Seleka.

 

Dans ces conditions, est-ce qu’aujourd’hui encore des musulmans quittent leur village pour rejoindre les enclaves où la plupart d’entre eux sont regroupés sous protection internationale ?

 

Oui, ça signifie exactement ça. Pour une protection, certains sont obligés de se rendre dans les enclaves qui sont constamment protégées, 24 heures sur 24, par les forces de maintien de la paix des Nations unies. Les conditions pour un retour en sécurité avec pour volontaire des populations déplacées réfugiées ne semblent pas réunies aujourd’hui vu la manière dont on traite ces populations et justement, la violation des droits de ces populations qui ne sont pas placées sous protection des forces internationales représente exactement le baromètre de la sécurité pour d’autres musulmans qui ont été contraints à partir et qui sont actuellement déplacés soit dans une autre région de la RCA, soit à l’étranger.

 

Quelles sont les solutions et quelles sont les recommandations d’Amnesty International ?

 

De prendre, en collaboration avec les forces de maintien de la paix des Nations unies, des mesures immédiates pour améliorer déjà la sécurité de ces populations. Faire en sorte que les conditions pour un retour volontaire d’autres musulmans qui se trouvent à l’étranger ou qui semblent déplacés dans d’autres régions de la RCA. Donc de renforcer les initiatives de cohésion sociale et de réconciliation, également s’efforcer, dans la limite des ressources disponibles, de reconstruire les mosquées qui ont été détruites et qui jusqu’à présent ne peuvent pas être reconstruites.

 

J’imagine qu’Amnesty International salue la récente décision de la Cour constitutionnelle d’autoriser le vote des réfugiés pour les élections prévues dans quelques mois ?

 

C’est une décision importante. Toute la population de la Centrafrique doit participer au processus électoral en vue de la réconciliation du pays.

Lu pour vous : À l’ouest de la Centrafrique, le quotidien précaire des musulmans
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