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29 septembre 2009 2 29 /09 /septembre /2009 15:27




 

Libération 28/09/2009 à 00h00

Par  DANIEL SCHNEIDERMANN

Or donc, le président sénégalais, Abdoulaye Wade, décida un jour de partir en vacances. Son choix se porta sur la riante cité de Biarritz. Il y séjourna quelques jours à l’hôtel du Palais. Et sacrilège : il advint qu’un journal sénégalais, le Quotidien, publia les notes d’hôtel du Président et de sa suite, avec une précision confondante. «Le Président et sa suite occupent onze chambres dont une suite impériale, révéla l’impertinent organe. Ce sont les numéros 119, 318, 319, 320, 337, 343, 348, 404, 407, 421 et 422. Nous avons pu savoir que, pour les cinq premiers jours, la délégation présidentielle avait décaissé 63 484,52 euros. Ce qui représente environ 41 582 360 francs CFA. Et les montants cités ne prennent pas en compte les repas, ni autres extras. Sur ce dernier point, il est indiqué que le président Wade en était déjà hier, à 984,30 euros en extras.»


Résultat : le journaliste signataire de cette enquête fut interrogé, six heures durant, par la police sénégalaise, désireuse de savoir comment il était au courant en temps réel, et à la décimale près, du montant des extras présidentiels. Ayant tenu bon, il fut relâché. Le Quotidien, qui ne lâchait pas l’affaire, en profita pour titrer : «L’Etat harcèle la presse». Comment le savons-nous ? Par une jeune blogueuse française, Justine Brabant, par ailleurs journaliste stagiaire au Quotidien, et qui vient d’ouvrir, sur le site de Libération, un blog intitulé
«Dakar entre quatre yeux».


L’épisode jette une lumière intéressante sur les rapports entre médias et pouvoir, dans une démocratie comme le Sénégal. Il est communément admis que la presse est plus libre, tellement plus libre, dans les pays développés, que dans les républiques bananières africaines. Mais dans quel pays les journalistes ont-ils longtemps bataillé, en vain, pour connaître le montant de l’augmentation de salaire présidentielle ? Dans quel pays un candidat à la présidentielle a-t-il pu promettre, devant toute la presse, de publier le montant de son patrimoine, avant de n’en rien faire (et d’être élu tout de même) ? Dans quel pays un (ancien) président a-t-il pu, des années durant, passer ses vacances en toute discrétion dans un palace de Haute-Egypte ? Dans quel pays une totale opacité entoure-t-elle les notes de frais des parlementaires ? Relisons bien le paragraphe du Quotidien : ce luxe de détails, cette impertinence, seraient-ils imaginables dans un quotidien français ?


Quelles leçons en tirer ? Que la presse sénégalaise est mieux informée, avec davantage de précision, que la presse française, sur les loisirs des dirigeants, et leur coût. Que la police sénégalaise est certes à la disposition du pouvoir, et réagit promptement à ses états d’âme, mais pas vraiment davantage que la justice française, telle qu’elle apparaît ces jours-ci, instrumentalisée par le président en exercice, pour servir sa vendetta contre un ancien concurrent.


Sans même parler d’un étrange épisode, que l’on voit en ce moment se développer dans l’édition et dans la presse : une campagne souterraine, toute en insinuations et en sous-entendus, contre un dirigeant de premier plan.


«Il ne tiendrait pas une semaine. On a des photos, elles existent ! On les fera circuler, ça ne plaira pas aux Français !»
Qui parle ainsi ? Le porte-parole de l’UMP, Frédéric Lefebvre. De qui parle-t-il ? De Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI, et candidat socialiste possible à l’élection présidentielle. A qui s’adresse-t-il ? A deux journalistes (l’un travaille à Canal +, l’autre à Europe 1), auteurs d’un livre, Hold-uPS, arnaques et trahisons (éd. du Moment) consacré aux mille turpitudes socialistes. Croit-on que ces journalistes demandent des précisions à M. Lefebvre sur ces «photos» qu’il détiendrait contre DSK ? Non. Ils prennent note, et impriment. Et ils ne sont pas les premiers. Quelques semaines plus tôt, le directeur de l’un des principaux hebdomadaires français, Christophe Barbier (l’Express), assurait dans un éditorial qu’en cas de candidature DSK, alors «la droite se déchaînerait et débloquerait tous les dossiers qui peuvent exister dans ses cartons sur l’ami Dominique Strauss-Kahn».


Quels «dossiers» ? Christophe Barbier les a-t-il vus ? Sait-il ce qu’ils contiennent ? Et si oui, pourquoi ne les a-t-il pas publiés dans son journal ? Tout cela passe tranquillement, et s’imprime dans les mémoires. Il faut qu’un journaliste, Bruno Roger-Petit, sur son blog, pointe ces petites manigances, pour que Lefebvre démente avoir dit ce qu’il a dit (mais qui restera imprimé dans le livre à succès).

Tant qu’à faire, on préfère l’investigation à la sénégalaise.

 

 

 

 

 

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