Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Sommaire

  • : centrafrique-presse
  • : informations générales sur la république centrafricaine et l'Afrique centrale
  • Contact

Recherche

Liens

22 avril 2020 3 22 /04 /avril /2020 19:55
Doit-on confondre « vacance du pouvoir » et « vacuité des pouvoirs publics.... à suivre....

 

 

Doit-on confondre « vacance du pouvoir » et « vacuité des pouvoirs publics » en droit constitutionnel ?

Contribution d’un ancien ‘’DG de l’ENAM’’ à la compréhension non seulement des supputations doctrinales, mais aussi des tentatives de récupération politiciennes des risques de vacance du pouvoir, éventuellement  occasionnés par la pandémie du coronavirus en Centrafrique.

 

I/ La  distinction clairement établie en droit romain entre les notions de « vacance du pouvoir » et de  « vacuité des pouvoirs publics »             

              Tous les trois ans, l’Association française du droit constitutionnel [21], en abrégé AFDC, organise un congrès français du droit constitutionnel. C’est une manifestation scientifique de grande envergure qui rassemble des constitutionnalistes de différentes nationalités. Le Xè Congrès s’était tenu à Lille du 22 au 24 juin 2017. Le XIè Congrès [22] devait se tenir à Toulon du 18 au 20 juin de l’année en cours. Malheureusement, en raison de la crise sanitaire du coronavirus, le congrès de 2020 est reporté d’un an [23]. Il se déroulera dans le courant du mois de juin 2021.

              Lors du congrès de Lille, Mme Elise BOZ-ACQUIN, Docteure en droit public de l’Université Paris Est Créteil, avait présenté au sein de l’ « Atelier D » [24]une communication relative aux notions qui nous préoccupent. De l’économie de sa communication, il ressort que « la vacance du pouvoir et la vacuité des pouvoirs publics sont deux régimes juridiques distincts qui ne se confondent pas en droit romain : alors que l’interroi agit par Représentation du Sénat (en cas de vacance du pouvoir), la proclamation de la force majeure (en cas de vacuité des pouvoirs publics) déclenche la suspension de la Constitution » [25].

              En d’autres termes, la vacance du pouvoir est un mécanisme juridique permettant d’assurer la continuité de l’Etat (A). Quant à la vacuité des pouvoirs, elle se présente comme un concept constitutionnel favorisant le recours à des pouvoirs exceptionnels (B).

  1. La vacance du pouvoir, un mécanisme juridique permettant d’assurer la continuité de l’Etat

              Selon le Dictionnaire de droit constitutionnel, la vacance signifie « Absence définitive du titulaire d’un mandat ou d’une fonction » [26]. Les constitutions envisagent généralement deux types de vacance : la vacance de la présidence de la République et la vacance d’un siège parlementaire.

              Ainsi définie, la vacance du pouvoir est un régime juridique hérité du droit romain. Comme le précise Mme Elise BOZ-ACQUIN, « la référence à l’histoire de la République romaine est précieuse puisqu’elle avait déjà posé un régime juridique propre à la vacance du pouvoir (Interregnum [27]) et la vacuité des pouvoirs publics (Senatus Consultum Ultimum [28]). La subtilité du droit romain allant jusqu’à poser une différence juridique entre ces deux mécanismes » [29]. En ce qui concerne particulièrement la vacance du pouvoir, poursuit cette auteure, elle « pouvait résulter soit de la maladie, soit de la mort des deux consuls, ou des tribuns consolari potestate soit en cas de vice de forme dans l’élection des magistrats. » [30] Ces causes de vacance du pouvoir justifiaient ainsi la mise en place d’un mécanisme de l’interrègne (Interregnum) « en vertu duquel la disparition des magistrats supérieurs (deux consuls) déclenchait la désignation d’un interroi (Interrex) dont la principale fonction était d’assurer la continuité des pouvoirs publics et de l’Etat romain afin d’éviter l’interruption du fonctionnement régulier des institutions. » [31]  

 

C’est ce mécanisme que nous retrouvons aussi bien dans la Constitution française de 1958 (article 7) que dans celle de la République Centrafricaine du 30 mars 2016 (article 47). Dans la Constitution française de 1958, la vacance du pouvoir n’est envisagée que pour la présidence de la République. Celle-ci est constatée par le Conseil constitutionnel dans trois cas d’hypothèses : le décès (exemple : Georges POMPIDOU en 1974), la démission (exemple : le général de GAULLE en 1969) ou la destitution (prévue à l’article 68). A ces trois cas d’hypothèses de vacance du pouvoir, les constituants centrafricains ont rajouté dans leur loi fondamentale deux autres hypothèses, à savoir, « la condamnation du président » et « l’  empêchement définitif d’exercer ses fonctions conformément aux devoirs de sa charge ».

              Il n’y aurait pas lieu de s’attarder ici sur la description de ces différentes hypothèses de vacance du pouvoir, car notre jeune collègue Dominique Désiré ÉRENON y a déjà consacré un long développement dans ses analyses [32], lesquelles ont été critiquées en partie par un ancien Ministre centrafricain [33]. Toutefois, nous ne souscrivons pas au point de vue de cet ancien Ministre, point de vue selon lequel les rédacteurs de la Charte constitutionnelle de la Transition « s’étaient bien gardés, au nom d’un loyalisme méprisable à l’égard du puissant du moment, d’y inclure des dispositions relatives à la vacance du pouvoir. De sorte que l’on s’était retrouvé devant un vide juridique lorsqu’il a été question de procéder à l’élection d’un nouveau chef d’Etat de transition après la démission de Michel Djotodia. La Charte de la transition n’ayant rien prévu en la matière… » Pour emprunter une expression incisive, voire excessivement agressive du Démocrate [34] Joseph BEDOUNGUA, cet ancien Ministre était-il « frappé de cécité » [35] sous la période de transition ? Si, à l’image de l’aveugle de Bethsaïda [36], notre ancien Ministre aurait subitement recouvré la vue depuis le retour de la RCA à l’ordre constitutionnel, nous avons l’honneur de venir très respectueusement auprès son bienveillant statut d’ancien Ministre pour l’inviter à relire avec nous la Charte constitutionnelle de transition, notamment les articles 23 et 50, afin de constater par lui-même que des cas de vacance du pouvoir étaient belle et bien prévus dans ladite Charte, autant en ce qui concerne le Chef de l’Etat de transition que les membres du Conseil National de transition (CNT). En effet, les rédacteurs de cette Charte avaient rédigé l’article 23 de la manière suivante :

 « Le Chef de l’Etat de la Transition est élu par le Conseil National de Transition pour la durée de la Transition.

En cas de décès, de démission ou d’incapacité définitive médicalement constatée du Chef de l’Etat de la Transition, le Président du Conseil National de Transition assure la vacance… ».

              Pour éclairer davantage la lanterne de notre ancien Ministre, c’est en vertu de cette disposition que celui dont l’auteur de ces lignes a dirigé les travaux de recherche aux fins de l’obtention de la Maîtrise en Droit public-Option Relation internationale, à savoir M. Ferdinand Alexandre NGUENDET, ancien président du CNT, avait assuré l’intérim [37] de M. Michel DJOTODIA AM NONDROKO,  ancien Chef de l’Etat de transition contraint à la démission lors du sommet extraordinaire de la CEMAC à Ndjamena, le 10 janvier 2015 [38]. En ce qui concerne les membres du CNT, l’article 50 al.2 précisait que ces derniers « sont désignés par les organisations dont ils sont issus pour la durée de la transition. Ils ne peuvent être remplacés qu’en cas de décès, de démission, d’incapacité définitive médicalement constatée, de déchéance constatée par un vote en séance plénière du Conseil National de transition… » Ces dispositions constitutionnelles ainsi rappelées ne s’apparentaient-elles point au mécanisme de l’Interregnum du droit romain ?

 

Excellence, M. l’ancien Ministre, au regard des développements qui précèdent, les rédacteurs de la Charte constitutionnelle de transition ne s’étaient point gardés « d’y inclure des dispositions relatives à la vacance du pouvoir ». Nous venons de relire ensemble les articles 23 et 50 de la dite Charte. Par conséquent, des constitutionnalistes de haut niveau ne peuvent et ne sauraient vous laisser avancer qu’il y avait un « vide juridique en la matière ». De même que ces constitutionnalistes de haut niveau ne sauraient vous laisser qualifier abusivement le jeune collègue Dominique Désiré ÉRENON d’ « éminent juriste ». « Eminent » étant synonyme d’ « émérite », force est de saisir la présente opportunité pour porter à votre attention, Monsieur l’ancien Ministre qu’à la faveur du dernier mouvement d’intégration de jeunes diplômés centrafricains dans la Fonction publique, le jeune collègue Dominique Désiré ÉRENON vient d’être intégré comme « Maître assistant » à l’Université de Bangui. Présentement, ce jeune collègue poursuit encore, et ce conformément à l’article 7 du décret « fixant les dispositions particulières applicables aux cadres de l’enseignement supérieur » [39], un stage probatoire d’une durée d’un an au sein de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de la même Université. Ce qui signifie que de son grade actuel de « Maître assistant stagiaire » au titre honorifique de « Professeur émérite » [40], le jeune collègue Dominique Désiré ÉRENON a encore du chemin, pour ne pas dire un très long chemin à parcourir. Même l’auteur de ces lignes n’est pas un éminent juriste au sens académique du terme. Pour votre propre gouverne, Monsieur l’ancien Ministre, l’article 51 du décret susmentionné ordonne sur un ton impératif ce qui suit : « La qualité de Professeur émérite n’est pas conférée à un enseignant du Supérieur encore en activité. » Alors, Monsieur l’ancien Ministre, en élevant ainsi un jeune collègue stagiaire à la dignité de « Professeur émérite », voulez-vous inverser la hiérarchie des membres du corps académique de l’Université de Bangui, consacrée par le statut particulier des enseignants du Supérieur, au point d’admettre avec certains auteurs qu’il existe désormais un nouveau visage de la subordination [41] ? (à suivre....)

 

         

Partager cet article
Repost0
Centrafrique-Presse.com