Par La redaction de Mondafrique 25 avril 2018
Du 8 au 10 avril 2018, la Minusca, renforcée par des éléments des Forces de sécurité intérieure centrafricaines et assistée par quelques miliciens antibalaka, n’a pas réussi à mettre la main sur le chef d’une milice d’une enclave de Bangui peuplée surtout de musulmans et appelée PK5.
Dans ce quartier, Nimery Matar Jamous, surnommé « Force », y terrorise les habitants et rackette les commerçants, depuis près de deux ans. Ce chef mafieux apatride est sorti tout auréolé de ce nouvel échec de la Minusca.
En Centrafrique, l’Histoire se répète
Le 12 août 2016, la Minusca n’avait pu empêcher un autre chef de guerre, Abdoulaye Hissene de prendre la poudre d’escampette de ce PK5 assiégé et de rejoindre Kaga Bandoro, sans être inquiété. En mars 2016, cet ancien ministre de la jeunesse et des sports de Michel Djotodia avait été interpellé par la Minusca, mais sa garde à vue à la BCRI avait été rapidement interrompue par ses commandos venus le libérer, en toute quiétude.
C’est ce même Abdoulaye Hissene, commandant militaire du Front Populaire de la Renaissance de Centrafrique ( FPRC) de Nourredine Adam, qui a organisé le récent conclave des chefs de guerre, issus de l’ex Seleka, dans son fief de Kaga Bandoro. Bien qu’ayant un mandat d’interpellation, étant sous sanctions internationales, condamné par contumace au Tchad et en cavale en Centrafrique, Abdoulaye Hissen a reçu en audience, comme si rien n’était à Kaga Bandoro le 20 avril 2018, le chef d’état-major de la Minusca, le général sénégalais Balla Keita.
Comme toujours, les négociations succèdent aux actions dites « robustes ». Dans le gouvernement Sarandji 2, deux ministres représentent l’ex Seleka dont un le FPRC de Nourredine Adam. L’un des chefs de guerre de l’UPC, Hassan Bouba Ali, est même conseiller officiel du président Touadera et se permet néanmoins, depuis Kaga Bandoro, d’admonester les autorités et d’exiger la conduite à tenir du Président.
Que vaut le discours de fermeté du Président Touadera notamment envers le chef du FPRC dans son entreprise de déstabilisation ?
Le rejet de la Minusca
Cet échec retentissant du PK5, qui a fait une vingtaine de victimes civiles et une centaine de blessés, a accru le rejet de la Minusca par la population centrafricaine et ravive le questionnement de certains leaders politiques sur l’efficacité des 10 000 militaires et 1000 policiers onusiens qui coûtent en une année près de trois fois le budget du pays.
Dans cette opération, mal préparée, mal gérée et mal expliquée, la Minusca doit déplorer une nouvele victime et plusieurs blessés chez les Casques bleus, notamment rwandais. Présent à Bangui le Français Jean-Pierre Lacroix, secrétaire général adjoint de l’ONU, responsable des Opérations de maintien de la paix a pu mesurer l’ampleur de la mission de l’Onu. Quant à l’Algérien, Smaïl Chergui, responsable de la sécurité à l’Union africaine, également présent à Bangui, il a pu constater que la Feuille de route de sortie de crise, pourtant unanimement acceptée, ne sera pas facile à mettre en oeuvre.
Le renforcement du clivage religieux
Alors que le conflit n’a jamais été de nature religieuse et que les Centrafricains de toutes confessions ont toujours cohabité en bonne intelligence, les événements du PK5 ont créé une fracture. Les nombreux mouvements rebelles, aux intérêts prédateurs divergents, ont décidé de se rencontrer, à Kaga Bandoro, pour envisager une éventuelle stratégie commune.
La paranoïa banguissoise est montée d’un cran, allant jusqu’à prévoir une hypothétique et suicidaire opération sur Bangui. Un remake de la Seleka, fin 2012, est toutefois difficile à imaginer. En revanche, les derniers représentants de l’État dans les préfectures contrôlées par ces mouvements rebelles, pourraient bien être invités à quitter leur lieu d’affectation. A la tentative d’éradication des milices du PK5 pourrait répondre la disparition totale de l’État dans certaines préfectures, sous les yeux de la Minusca. Les milices de tous bords, avec leurs leaders extrémistes, sont prêtes à en découdre dans leurs fiefs, sur le dos de la population.
La fébrilité du président Touadera
L’attaque du camp de la Minusca, le 9 avril 2018, situé à proximité de sa résidence, en représailles des événements du PK5, a probablement rendu inquiet le Président, d’autant que les rumeurs de mécontentement de la France sur la présence d’un nombre de plus en plus important de militaires et d’hommes d’affaires russes, peuvent accroître son inquiétude.
Faustin-Archange Touadera tient désormais un discours moins accommodant. Grande première pour le « taiseux » président, les forces vives de la Nation ont été invitées, le 20 avril 2018, au Palais de la Renaissance, désormais luxueux, afin de connaître la nouvelle détermination du chef de l’État. Le dialogue aurait-il trouvé ses limites ? Déjà, les ministres, éloignés du premier cercle présidentiel, sont marginalisés et font de la figuration. Démissionnaire depuis plusieurs mois, Jean-Serge Bokassa, ministre de l’administration du territoire, a été officiellement remercié du gouvernement. Plusieurs ministres sont supplantés par des conseillers présidentiels ou par le Premier ministre, comme le ministre de la fonction publique, la ministre de la Défense ou le ministre des Affaires étrangères. La reprise en mains des autorités militaires et sécuritaires a commencé. Des changements à la tête de la Gendarmerie et de la Police sont dans l’air. Trois importants généraux, compagnons de route de l’ancien président Bozize et de Faustin-Archange Touadera ont été placés dans la réserve. Le général Antoine Gambi, chef d’état-major particulier du président Touadera, le général François Mobebou, chargé de la réforme du secteur de la sécurité et le général Guillaume Lappo secrétaire général du conseil supérieur de la Défense nationale sont placés en 2eme section. Quelques 800 militaires seront mis à la retraite. Ils seront remplacés par de plus jeunes, certainement mieux formés, moins corrompus mais aussi plus fidèles au régime actuel.
Nul doute que le président Touadera se rappelle des longs mois passés dans les locaux exigus de l’ONU de Bangui, à la suite du coup d’état du 26 mars 2013 de la Seleka de Michel Djotodia, de son interdiction de quitter le territoire, puis de son exil en France. Son actuelle fébrilité est probablement aussi alimentée par ce douloureux passé.