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19 décembre 2014 5 19 /12 /décembre /2014 17:14

 

 

Thomas HOFNUNG (envoyé spécial à Dakar) Libération 17 décembre 2014 à 19:34

 

ANALYSE

 

Lors de la première édition du Forum pour la paix et la sécurité en Afrique, le président tchadien a critiqué l'action des Occidentaux en Afrique.

 

« On ne tue pas le serpent par la queue, on le tue par la tête ! » C'est la fin du Forum sur la paix et la sécurité en Afrique organisé à Dakar, et Idriss Déby Itno, le président du Tchad, s'est lancé dans un one man show dont il a le secret. Il réclame l'intervention sans délai des Occidentaux en Libye pour tenter de mettre un terme au chaos dans le Sahel. « Il a bien changé, Idriss, depuis l'intervention de ses troupes au Mali lors de l'opération Serval, susurre un vieux routier de la politique africaine. Il a pris une sacrée assurance. » Suffisamment, en tout cas, pour faire la leçon aux "Occidentaux", donc à la France...

 

Mardi soir, l'homme fort du Tchad a totalement éclipsé ses pairs réunis sur une estrade de l'hôtel King Fahd : Olusegun Obasanjo (ex-président du Nigeria), Ibrahim Boubacar Keïta (président du Mali), Mohamed Ould Abdel Aziz (Mauritanie) et l'hôte de ce forum, le sénégalais Macky Sall. A leurs côtés avaient pris place le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, et le patron du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Peter Maurer, qui a donné une petite touche humanitaire à la réunion.

 

 A l'issue de deux jours de débats et d'échanges, où l'on a beaucoup parlé de la terreur exercée par Boko Haram au Nigeria et de la situation anarchique de la Libye, il s'agissait pour cette brochette de chefs d'Etat de la région d'explorer de nouvelles pistes pour renforcer la sécurité sur le continent. Mais, soudain, Idriss Déby en a décidé autrement. Il se lance dans une longue tirade aux accents panafricains.  La France est un partenaire précieux et indispensable en Afrique, mais aussi un facteur de déstabilisation, semble-t-il suggérer.

 

"Les désordres actuels ont pris racine en 2011, dit-il. Nos amis occidentaux ne nous ont pas demandé notre avis quand ils ont attaqué la Libye ou quand ils ont divisé le Soudan en deux." Idriss Déby a sans doute été inspiré par son homologue mauritanien, le général Aziz, qui venait de déclarer que l'intervention franco-britannique en Libye avait "fait d'énormes dégâts collatéraux" dans la région. "Le Mali est une conséquence directe de la destruction de la Libye", reprend Déby. Mais, dans un accès de "schizophrénie" (dixit un universitaire africain), il appelle ces mêmes Occidentaux à "faire le service après-vente": après avoir "assassiné Kadhafi", ils devraient, selon lui, régler leurs comptes aux terroristes qui viennent se ressourcer et s'armer dans le sud libyen avant de repartir à l'assaut.

 

Le public est ravi, qui l'applaudit chaleureusement. Depuis l'intervention de ses soldats au Mali, où ils ont payé un lourd tribut, Idriss Déby a acquis une nouvelle stature dans la région. Il est l'un des rares à disposer d'une armée digne de ce nom, équipée et financée grâce à l'argent du pétrole, censé au départ soutenir le développement économique du Tchad. La France en a fait son principal allié dans cette zone troublée. Le quartier général de l'opération de contre-terrorisme dans le Sahel, Barkhane, est installé dans la capitale tchadienne.

 

Au pouvoir depuis 1990 à N'djaména, Déby se sent pousser des ailes. Il est devenu un partenaire incontournable pour les Français, mais aussi les Américains et les Britanniques face à la menace de Boko Haram au Nigeria voisin. Plus personne ne se risque à critiquer l'autoritarisme et la gestion clanique de son pouvoir. Pourtant, lors de l'opération Sangaris, lancée en Centrafrique fin 2013, Paris a pu mesurer le jeu trouble des Tchadiens, à la fois faiseurs de roi à Bangui et fauteurs de troubles. La lune de miel franco-tchadienne en a pris un coup, même si des deux côtés on s'efforce de n'en rien laisser paraître.

 

Prenant la parole à Dakar après la longue envolée de Déby, qui a donc demandé à l'Otan d'intervenir en Libye mais aussi aux Occidentaux d'aider à équiper les armées africaines, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a lancé, mi-goguenard mi-agacé: "Comme disait ma grand-mère, il n'y a plus qu'à..." Faisant fi des foucades de son président, Paris est prêt à faire le dos rond pour s'asssurer le soutien d'un pays qui partage des frontières communes avec le Cameroun, le Nigeria, la Centrafrique, le Soudan, le Niger et la Libye.

 

Thomas HOFNUNG (envoyé spécial à Dakar)

 

 

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