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29 mai 2014 4 29 /05 /mai /2014 14:02

 

 

 

 

http://www.lapresse.ca/   29 mai 2014 à 08h24 | Mis à jour à 08h24

 

ALLAN WOODS, MICHELLE SHEPHAR  Toronto Star

 

Moustapha Saboun n'a jamais réussi à se faire élire comme conseiller municipal et a eu encore moins de chance lorsqu'il s'est porté candidat à la mairie de Sherbrooke, en 2009. Aujourd'hui, cet immigré de la République de Centrafrique tente d'accomplir une mission pour le moins improbable: bâtir un parti politique sur les cendres encore chaudes d'un conflit meurtrier qui a opposé les milices chrétiennes - les anti-Balaka - à la Seleka, une coalition de rebelles musulmans lourdement armée.

 

Depuis quelques mois, les Nations unies mettent en garde contre la menace d'un génocide en Centrafrique. Quelque 500 000 personnes ont fui leurs villages et au moins la moitié des 4,6 millions d'habitants ont besoin d'une aide humanitaire.

 

La stabilité passe par la réconciliation et l'avènement d'un nouveau gouvernement formé des leaders de la Seleka et des anti-balaka. Une grande part de cette responsabilité incombera à Moustapha Saboun, nommé secrétaire général de l'aile politique de la Seleka, plus tôt ce mois-ci.

 

«La lutte dans laquelle nous sommes actuellement engagés vise à faire cesser les massacres», a affirmé M. Saboun au Toronto Starlors d'un bref passage à Sherbrooke, où réside sa famille. «Nous devons nous en occuper avant même de parler de développement. Nous voulons la paix, mais c'est impossible sans justice et sans réconciliation.»

M. Saboun apparaît comme un architecte pour le moins improbable de l'avenir de la Centrafrique. Sa feuille de route comporte son lot d'échecs depuis son arrivée au Canada il y a un quart de siècle. Il a perdu deux élections municipales, son mariage n'a pas duré et ce père de famille monoparentale a vécu de l'aide sociale pendant une décennie.

 

Implication à distance

 

En mars 2013, le musulman Michel Djotodia, soutenu par la Seleka, a pris le pouvoir en Centrafrique, mettant fin aux 10 ans de règne du président chrétien François Bozizé. À ses côtés, à titre de conseiller présidentiel: le frère de M. Saboun, Abakar Sabone, impliqué dans la rébellion depuis plusieurs années.

 

L'an dernier, Moustapha Saboun a reçu un appel du président Djotodia lui demandant de servir en qualité de directeur général de l'agence de télécommunication de la Centrafrique, un poste clé dans un pays où les cellulaires et les messages textes sont un moyen de communication essentiel.

 

«Lorsque les Seleka sont arrivés au pouvoir, le président m'a appelé et a dit: «Voilà, c'est le moment de venir nous aider», indique Saboun. Je pensais que c'était une bonne occasion.»

 

Bien avant que le parti ne prenne le pouvoir, M. Saboun agissait à titre de secrétaire général de la Seleka, affirme un ami, Augustin Mangaphi. «Nous étions en contact avec eux là-bas, et d'ici, à Sherbrooke, nous coordonnions les décisions politiques. Les décisions militaires étaient prises sur le terrain», dit Mangaphi.

 

M. Saboun explique: «J'avais mis en place toutes les règles internes du mouvement, travaillé sur la façon dont les élections devaient se tenir et sur la façon dont on pouvait former un parti politique pour prendre le pouvoir par la grande porte.»

 

Il laisse cependant entendre que sa contribution à la Seleka est strictement politique. «Je suis inutile pour les stratégies militaires, je n'y connais rien et ce n'est pas mon truc. Il faut que ce soit clair.»

 

Dérapage

 

Six mois après avoir pris le pouvoir, le régime corrompu de la Seleka a fait des ravages. Djotodia a rapidement perdu le contrôle des milices, dont les membres terrorisaient la population, ce qui a conduit à la mise sur pied de troupes anti-balaka issues en gros de la majorité chrétienne du pays.

 

Le président a ordonné la dissolution de la milice en septembre 2013, mais son appel a été ignoré. En décembre, le chaos s'était installé. En deux jours, 1000 personnes ont été tuées dans des affrontements. Djotodia a cédé aux pressions internationales et abandonné la présidence avant de se réfugier au Bénin.

 

«C'est une bonne chose qu'il soit parti, dit M. Saboun. Mais pas de la manière dont ça s'est fait. Ç'aurait dû être négocié en douceur et toutes les personnes armées jusqu'aux dents auraient dû être intégrées dans les forces policières locales ou nationales et dans l'armée.»

 

Les milices des deux côtés se sont déchaînées, commettant les pires atrocités, massacrant des gens simplement en fonction de la rue où ils habitaient, des vêtements qu'ils portaient ou du Dieu qu'ils priaient.

 

M. Saboun affirme que les milices de la Seleka veulent la paix, mais la sécurité est la priorité. Pour le moment, les rebelles vivent dans la crainte de représailles s'ils sont désarmés, explique-t-il.

 

Un rôle délicat

 

Le gouvernement intérimaire dirigé par la présidente de transition Catherine Samba-Panza a demandé aux deux groupes de choisir des leaders politiques pour travailler à la réconciliation. Mais la rencontre de la Seleka s'est conclue par la nomination de leaders pour les forces policières et militaires, de même que pour la structure politique, ce qui laisse craindre une aggravation des conflits sectaires.

 

M. Saboun, fils de marchand de diamants, arrivé à Montréal dans les années 80 pour étudier au MBA, sait que la bataille est tout sauf gagnée, alors que la souffrance continue. «Un dialogue? On essaie. Mais si nous poussons trop fort, on nous dit que nous sommes avec le gouvernement, que nous avons été achetés, dit-il. Mais si nous défendons la Seleka, on nous traite d'extrémistes. Nous nous retrouvons au milieu et notre rôle est très délicat. Mais c'est le prix à payer, puisque nous n'avons pas d'autre choix.»

 

 

(Mustapha Saboun)

Lu pour vous : Un Sherbrookois engagé dans le conflit en Centrafrique
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