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10 janvier 2019 4 10 /01 /janvier /2019 16:08
République centrafricaine. Un pays pauvre assis sur un trésor
République centrafricaine. Un pays pauvre assis sur un trésor

 

Lu pour vous 

 

Reportage. La Centrafrique, le pays qui n’a plus d’État

 

THE WASHINGTON POST - WASHINGTON Publié le 02/05/2018 - 06:59

 

L’ex-colonie française est à 80 % sous l’autorité des milices rebelles. Devant la faillite du pouvoir central, les groupes armés organisent des embryons d’États. Exemple dans la ville de Kaga-Bandoro.

 

Sur une piste écrasée de soleil, trois soldats des forces de maintien de la paix de l’ONU [la Minusca] gardent la ligne de démarcation. De l’autre côté d’un petit pont, on entre dans le fief des rebelles, écumé par des hommes en armes. De ce côté-ci, nous sommes dans la “zone démilitarisée” des environs de Kaga-Bandoro – une bande de territoire surveillée par les Casques bleus, où des milliers de déplacés ont trouvé un abri autour d’une piste d’atterrissage désolée.

Des années de rébellion, de mauvaise gestion et de violences interconfessionnelles ont divisé cette ville poussiéreuse, connue pour le commerce de bétail, et semé le trouble dans le reste de la République centrafricaine. Résultat, l’État soutenu par les Occidentaux est réduit à l’impuissance et n’est guère capable d’exercer son autorité hors de la capitale, Bangui.

En l’absence d’un État digne de ce nom, plus d’une dizaine de groupes armés et une multitude de milices locales ont pris le contrôle d’environ 80 % de cette ancienne colonie française. Des centaines de milliers de Centrafricains ont été arrachés à leurs domiciles, et plus de la moitié de la population vit de l’aide humanitaire.

Depuis des années, Kaga-Bandoro échappe à l’autorité du pouvoir central. Mais même dans cet espace anarchique, les rebelles, comme ailleurs dans tout le pays, ont créé un embryon d’État. Les factions au pouvoir s’occupent des douanes, prélèvent des impôts, infligent des amendes et équipent leurs propres gendarmes.

“Des services de l’administration centrale sont censés s’occuper de la région, mais tout le personnel est à Bangui, explique un travailleur humanitaire établi à Kaga-Bandoro, qui tient à garder l’anonymat, car il craint pour sa sécurité. Ils touchent leurs salaires, mais ne peuvent pas faire grand-chose ici”.

Territoires non-reconnus et instables

On est en présence de mini-États de Centrafrique – des fiefs non reconnus qui se chevauchent, dans un pays grand comme le Texas, situé dans l’une des régions les plus troublées de la planète. Extrêmement instables, ces territoires sans foi ni loi sont contrôlés par des mouvements violents, enclins aux querelles intestines.

Dans la mesure où les pays voisins – Tchad, Soudan du Sud et Congo – sont en proie à des insurrections islamistes ou à d’autres conflits, l’instabilité qui règne dans ces territoires peut déborder sur les régions voisines (et réciproquement). Des représentants des ministères de la Défense, de la Justice et de l’Action humanitaire de Centrafrique n’ont pas voulu répondre à nos questions.

Les guerres de territoire acharnées auxquelles se livrent aujourd’hui les différentes factions sont nées du conflit armé qui a éclaté en 2013, quand les rebelles de la Seleka [“coalition” en langue sango], principalement musulmans, ont pris le pouvoir [en provoquant la chute du président François Bozizé]. Ils ont ainsi déclenché une riposte des milices chrétiennes, connues sous le nom d’anti-balaka.

La violence a reculé avec le déploiement des troupes internationales, mais la crise s’est intensifiée depuis que l’alliance Seleka, dépourvue d’une hiérarchie unifiée, s’est désintégrée en factions concurrentes.

Ruée vers les richesses

“La situation s’aggrave, les groupes armés se battent les uns contre les autres”,explique Joseph Inganji, chef du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) dans le pays. Le conflit se déplace vers des zones qui auparavant étaient considérées comme sûres.”

Kaga-Bandoro, située dans le nord du pays, est tenue par le Mouvement patriotique centrafricain (MPC), une ancienne faction Seleka qui, d’après l’ONG Human Rights Watch, aurait rasé des villages et tué des dizaines de civils.

Les combattants sont attirés par les richesses minières du pays et par la possibilité de prélever un impôt sur les grandes transhumances qui ont lieu à la saison sèche.“C’est la ruée vers les richesses”, constate Inganji.

Ces troupeaux sont une grosse source de profit pour Mahamat-Alkatim, le chef de guerre de Kaga-Bandoro. Ses forces facturent un droit de passage sur chaque tête de bétail qui entre sur son territoire depuis le Tchad. D’autres impôts sont prélevés sur des points de contrôle non officiels. Le commerce lucratif de viande de brousse – source essentielle de protéines en Centrafrique [dans le cadre d’une économie de subsistance] – fait également l’objet d’une imposition, contribuant à l’entretien d’un mini-État rebelle.

Porosité des frontières

L’exploitation et le désordre politique n’ont rien de nouveau ici. Au début du XXe siècle, les autorités coloniales ont eu recours à des mesures brutales pour tirer profit de ce pays lointain. Longtemps après l’indépendance de la République centrafricaine (1960), des conseillers français sont restés dans les ministères, avec pour mission de superviser des présidents décadents dont la politique répressive assurait une stabilité à court terme, mais suscitait le mécontentement des régions musulmanes.

La porosité des frontières permet une libre circulation des armes et des mercenaires. La corruption est omniprésente dans les institutions. Des scandales sexuels ont entaché les opérations de maintien de la paix. Et les tentatives maladroites de démobilisation des combattants n’ont fait qu’exacerber les conflits qu’elles cherchaient à résoudre.

Sur fond de méfiance et d’instabilité, la population diverse du pays reste divisée en fonction de critères ethniques et religieux. Constatant l’effondrement des institutions, les analystes du centre de réflexion International Crisis Group ont qualifié le pays non plus seulement d’État déstructuré, mais d’“État fantôme”.

Dans ce pays ingérable, les groupes rebelles sont certes en mesure de faire régner l’ordre militairement et d’assurer leur propre survie économique, mais leurs mini-États n’en sont pas moins instables et profondément limités : ils ne disposent pas de services collectifs fiables ni de systèmes judiciaires transparents.

Sous-traitance aux ONG

Pour subvenir aux besoins les plus élémentaires de la population – nourriture, eau, voirie, soins médicaux, scolarité –, ils s’en remettent aux organisations non gouvernementales (ONG). Pour les rebelles, une telle forme de sous-traitance est bien commode.

“Nous aidons la population, mais nous ne lui assurons que la sécurité, reconnaît Mahouloud Moussa, un responsable d’un autre groupe rebelle, le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC), qui est maître de larges pans du nord-est du pays et possède un avant-poste à Kaga-Bandoro. Tout le reste est fait par des organisations humanitaires, alors nous n’avons pas besoin de nous en occuper.”

Ce disant, Moussa passe sous silence les attaques sanglantes qui entravent les opérations humanitaires indispensables. En février, six enseignants bénévoles ont été tués près de la frontière nord-ouest avec le Tchad – une zone pauvre où environ 90 000 civils ont fui devant l’intensification des combats ces derniers mois. Il s’agit d’une véritable crise humanitaire, éclipsée par les guerres du Moyen-Orient : une personne sur quatre est déplacée, des dizaines de milliers d’enfants souffrent de grave malnutrition.

Bien qu’il appartienne à un mouvement rebelle, Moussa porte des vêtements civils – un polo blanc, un pantalon de costume noir, des sandales avec chaussettes. Les combattants du FPRC ont beau être accusés de crimes de guerre, il affirme qu’ils sont une force pour le bien. “Nous apprenons à la population la cohésion sociale et nous encourageons les gens à ne pas pratiquer la discrimination envers les autres”,assure-t-il.

Centaines de milliers de déplacés

Des gens comme Olive Kpadomona ne seraient certainement pas de cet avis. Cette mère de 5 enfants, qui a un peu plus de 30 ans, vit à l’étroit sous une tente avec sa famille, comme des milliers d’autres personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, à la périphérie de Kaga-Bandoro.

Dans son abri de fortune, des matelas sales sont posés à même le sol. Au-dessus, le ciel est gris de poussière. Les forces de maintien de la paix patrouillent dans ce camp sordide, mais il arrive encore que des combats éclatent entre les rebelles musulmans de l’extérieur du camp et les combattants chrétiens réfugiés à l’intérieur.

“J’étais enceinte de huit mois quand des soldats ont attaqué mon village, raconte KpadomonaIls ont détruit toutes les maisons. J’ai couru me réfugier dans la forêt, puis je suis venue ici. C’était il y a deux ans. On nous donne un peu de nourriture, mais ce n’est pas assez pour mes enfants. Nous vivons dans la peur.”

Une réserve naturelle prometteuse

En dehors de l’autorité armée des groupes rebelles, il existe d’autres formes de gouvernance, plus prometteuses, en Centrafrique. La réserve naturelle de Chinko – financée par un partenariat public-privé qui comprend le ministère de l’Environnement de la République centrafricaine, l’agence de développement américaine USAID, le réseau African Parks et la fondation américaine de la famille Walton – est parvenue à apporter, dans une certaine mesure, stabilité et développement à cette région troublée qu’était le Sud-Est.

Couvrant plus de 17 000 kilomètres carrés, Chinko non seulement protège une faune et une flore d’une extraordinaire diversité, mais encore présente toutes les caractéristiques d’un État fonctionnel : il assure l’éducation, la santé, l’ordre public et l’activité économique.

Le parc finance les salaires de dizaines d’enseignants locaux et forme ses propres salariés à l’hygiène, à la gestion financière et à la santé sexuelle. Ses infirmières effectuent des visites dans les communautés proches. Des marchés hebdomadaires approvisionnent les 450 salariés de Chinko – une aubaine pour cette région déshéritée. Un corps de gardes forestiers motivés patrouille dans la réserve pour lutter contre le braconnage.

“Quand le respect de la loi est assuré localement, cela peut avoir un impact important sur toute une région livrée à l’anarchie, commente David Simpson, le directeur du parc. Nous n’avions pas l’intention de créer toutes ces activités – nous sommes ici pour la préservation de la nature –, mais quand il n’y a personne d’autre, tout le monde s’adresse à vous pour obtenir de l’aide.”

 

Jack Losh

 

 

République centrafricaine. Un pays pauvre assis sur un trésor

 

Les économistes divergent sur les causes du sous-développement de ce pays situé au coeur de l’Afrique. L’hebdomadaire allemand Die Zeit s’est rendu en République centrafricaine pour chercher des explications.

 

Le président [de l’un] des pays les plus pauvres du monde vit derrière un grand portail noir gardé par quelques hommes armés de fusils-mitrailleurs. Une fois cette barrière franchie, on se retrouve devant un conteneur avec une antenne satellite sur le toit qui fait office de bureau. Une entrée à l’arrière donne sur une pièce lambrissée aux lourds rideaux, destinés à empêcher la chaleur de l’après-midi d’entrer. La pièce comporte plusieurs fauteuils de cuir surdimensionnés. Le président Faustin-Archange Touadéra est assis dans l’un d’entre eux, où il a l’air un peu perdu.

À l’origine, Faustin-Archange Touadéra était professeur de mathématiques. Il est entré en politique il y a quelques années pour “servir” son pays, dit-il. Et a vite compris que c’était plus compliqué que la plus subtile des équations mathématiques. Car ce pays, c’est la République centrafricaine.

Un revenu par habitant de 581 dollars par an

Si on trace une ligne du nord au sud, puis une autre de l’est à l’ouest sur une carte du continent africain, la République centrafricaine se trouve exactement là où les deux droites se coupent. Une fois par an, les Nations unies publient un classement des pays en fonction de leur prospérité. La République centrafricaine occupe la dernière place. Elle a un revenu par habitant de 581 dollars par an – contre 43 919 pour l’Allemagne.

Pourquoi ? Pourquoi le maire de Paderborn [140 000 habitants, dans le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie] dispose-t-il d’un budget supérieur à celui du président d’un pays qui est deux fois plus grand que la République fédérale ? Pourquoi les usines allemandes produisent-elles chaque année près de six millions d’automobiles et le pays de Faustin-Archange Touadéra aucune ? Pourquoi les Allemands vivent-ils en moyenne jusqu’à 81 ans alors qu’au cœur de l’Afrique les habitants atteignent à peine 51 ans ? Pourquoi les pays pauvres sont-ils pauvres – et les pays riches, riches ?

D’innombrables économistes se sont penchés sur la question. Ils ont étudié les origines de la pauvreté et se sont demandé ce qui pouvait aider les pauvres. Leurs idées n’ont cependant que peu pénétré les centres de décision de la politique internationale.

Comme c’est si souvent le cas en économie, il n’y a pas une mais plusieurs théories qui cherchent à expliquer pourquoi les pays pauvres sont pauvres. Pour certains experts, cela tient à la situation géographique du pays : l’accès à la mer est une condition clé du développement économique, parce qu’il facilite le commerce. Cela paraît logique, mais la Suisse a beau être très loin de la mer, elle est l’un des pays les plus riches du monde.

Pour d’autres, c’est le climat qui importe. Du fait de la fraîcheur qui règne dans le centre de l’Europe, les hommes ont dû rapidement s’employer à ne pas se mouiller ni mourir de froid. En revanche, la chaleur étouffante qui règne à l’équateur invite dans une certaine mesure à l’oisiveté. Cela n’explique cependant pas pourquoi certains États tropicaux, la Malaisie par exemple, ont pu devenir relativement riches. D’autres avancent un ultime argument. Les pauvres sont pauvres parce que les riches sont riches : les pays du Sud ne peuvent vendre leurs produits au Nord parce que celui-ci protège ses marchés. Sauf que la Chine y est parvenue, et qu’elle a ainsi tiré des millions de personnes de la pauvreté. Voilà pour les théories des experts.

Mais comment Faustin-Archange Touadaré, pour qui la pauvreté fait autant partie du quotidien que le débat sur les retraites pour Angela Merkel, voit-il les choses ?

Monsieur le président, pourquoi votre pays est-il si pauvre ?

– Nous n’avons pratiquement pas de gouvernement. Nous ne sommes pas en mesure de protéger la population. Nous devons tout reconstruire.

– Que vous manque-t-il ?

– Ce sont essentiellement les infrastructures qui nous préoccupent. Il n’y a pratiquement pas de routes et trop peu d’électricité.”

Le président Touadéra est porteur d’espoir dans ce pays dont l’histoire, comme celle de nombreux pays africains, n’a jusqu’à présent donné que peu d’occasions d’espérer. Après le dernier putsch, en 2013, des milices rivales se sont livrées à des massacres qui ont fait des milliers de morts et poussé des centaines de milliers de personnes à fuir. Touadéra est le premier président depuis des années à être arrivé au pouvoir à la suite d’un scrutin relativement honnête.

 

Cela dit, il n’y a pratiquement pas un responsable politique au monde qui ne se plaigne de l’état des routes de son pays. Pour en avoir le cœur net, nous rendons visite à Jean-Christophe Carret, qui en sait beaucoup sur l’électricité et les routes, et encore plus sur les causes de la pauvreté. Il est économiste et travaille pour la Banque mondiale. Cette institution a été fondée il y a cinquante ans pour vaincre la pauvreté dans le monde et emploie plus de 10 000 personnes dans 120 pays. Le bureau de Jean-Christophe Carret se trouve tout près du palais présidentiel.

Monsieur Carret, pourquoi les gens sont-ils pauvres ici ?

– Montez, je vais vous montrer quelque chose.”

Jean-Christophe Carret lance son 4 × 4 en direction du nord. Nous sommes accompagnés d’une troupe de casques bleus lourdement armés, parce que la région est toujours peu sûre, milices oblige. Le convoi traverse les quartiers périphériques animés de Bangui, avec leurs marchés qui proposent pneus de vélo, bouteilles d’essence et sous-vêtements, ainsi qu’une Citroën incendiée. Puis on ne voit plus que quelques cases en terre battue et la savane infinie bordant la piste poussiéreuse. Au bout d’une heure et demie, le terrain se fait plus pentu et on entend le grondement d’une puissante chute d’eau.

Une seule usine dans tout le pays

Jean-Christophe Carret se dirige vers un entrepôt fraîchement rénové. À l’intérieur, l’eau fait tourner cinq turbines qui alimentent des générateurs de la taille d’un minibus. Ce spécialiste explique :

Vous avez devant vous la seule source d’énergie publique. L’électricité est acheminée à Bangui par une ligne à haute tension. Nous avons rénové les installations. Un barrage de retenue permet d’avoir assez d’eau pendant la saison sèche. Nous pouvons approvisionner la ville en électricité, mais ça ne suffit pas pour faire fonctionner des usines.”

De fait, la République centrafricaine ne compte exactement qu’une grande entreprise : une brasserie située dans une banlieue de Bangui. Elle appartient au groupe français Castel, brasse une bière de malt et doit produire la moitié de ses besoins en électricité à l’aide de son propre générateur, ce qui lui coûte une fortune. C’est un phénomène très répandu en Afrique. D’après une étude du cabinet de conseil McKinsey, les 49 États subsahariens produisent environ 423 térawatts d’énergie électrique par an. Les États-Unis consomment à eux seuls plus de neuf fois plus. La faiblesse de l’approvisionnement en électricité empêche nombre d’entreprises d’investir.

 

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