Le Confident Mercredi 13 Février 2013 à 14:50
L’Opposition Démocratique Centrafricaine, depuis son entrée au Gouvernement d’Union Nationale (GUN), ne fléchit
pas dans sa lutte. Elle demeure conséquente avec elle-même et se construit pour les échéances à venir. Elle est en voie d’élaborer une charte construite méticuleusement par ces leaders. Selon M.
Martin Ziguelé que nous avons rencontré, l’Opposition Démocratique Centrafricaine est consciente de ses faiblesses depuis l’instauration du multipartisme de 1991 à nos jours. Cette fois, le
Collectif des partis politiques de l’Opposition, qui regroupe pour l’heure, plusieurs formations et associations politiques, qui ont décidé d’unir leurs efforts, veut avoir une lisibilité par
rapport aux autres regroupements souvent fragilisés par boulimie de gain de leurs adhérents. Face à ce qui se passe dans notre pays, après Libreville, prêche la paix, l’intérêt général, la
sécurité, la libre circulation des personnes et des biens, qui sont les substrats des Accords de Libreville du 11 Janvier 2013.
Le
Confident : M. Martin Ziguelé, votre parti le Mouvement de Libération du Peuple Centrafricain (MLPC) est
membre du Front Pour l’Annulation et la Reprise des élections (FARE-2011). Que devient le FARE-2011, puisque beaucoup de ses leaders sont entrés au gouvernement d’Union Nationale (GUN)
?
Je vous remercie et je pense que vous voulez parler du Collectif des partis d’opposition qui regroupe quatre (4) structures : Le FARE-2011, qui comprend cinq (5) partis politiques. Il
y a la plate-forme ‘‘Sauvons le Centrafrique’’, qui comprend trois (3) partis politiques et deux (2) autres partis politiques qui ont adhéré à titre individuel, l’UDPP de M. Maïtard
Djim-Arem et le MDREC de Joseph Bendounga. L’ensemble de ces partis et de ces organisations politiques forment ce que nous appelons l’Opposition Démocratique. Le
FARE-2011 n’est qu’une entité de cet ensemble qui forme l’Opposition Démocratique. Vous nous demandez quel est l’avenir de cette opposition ?
Vous étiez très attentif à la situation politique de notre pays, bien avant les hostilités et ensuite les négociations de
Libreville, l’ensemble des leaders du Collectif des partis politiques de l’opposition ont animé en commun une conférence de presse au cours de laquelle, ce collectif avait déjà annoncé qu’il
allait étudier une forme de regroupement des partis de l’Opposition Démocratique. Et cela est en marche et avant Libreville, nous avions discuté d’un projet de charte. Et au moment même où je
vous parle, le débat continue pour asseoir définitivement un collectif des partis politiques qui lutte à la fois pour la République, pour la démocratie et aussi pour l’alternance
démocratique.
S’agissant particulièrement du FARE-2011, maintient-il encore ses exigences d’annulation et de reprise des élections de 2011 ?
Oui le FARE-2011 s’appelle effectivement Front pour l’Annulation et la Reprise des Elections de 2011. Il y a eu une évolution politique notable après les Accords de Libreville, parce
que d’une part, nous avons signé un accord qui fixe les élections présidentielles à 2016 et d’autre part demande qu’il y ait des élections législatives anticipées. Nous pensons donc (et sur ce
plan, je m’exprime à titre personnel), que nous devons réadapter notre organisation par rapport à la nouvelle situation politique. Le débat se poursuit au sein de l’opposition politique et je
pense les jours qui suivront, nous apporterons une réponse peut-être lors d’une conférence ou d’un point de presse, pour vous annoncer la nouvelle donne au sein de l’Opposition
Démocratique.
Mais en entrant au Gouvernement, l’Opposition Démocratique n’a-t-elle pas perdu sa raison d’être ?
Non. Je pense qu’il ne faut pas aller vite en besogne. Nous sommes dans un pays qui a connu une grave crise politique et militaire. Cette grave crise a trouvé son dénouement dans des
négociations qui ont abouti à la signature d’un accord, qui est l’Accord de Libreville. Il en est issu un gouvernement d’Union Nationale, qui est présidé par un premier ministre, qui est issu des
rangs de l’Opposition démocratique. Naturellement, comme je le disais tout à l’heure la vitesse de tous ces événements n’ont pas permis encore à l’Opposition de discuter sereinement sur la
nouvelle forme organisationnelle. Mais ce qui est certain, dans l’esprit, nous sommes des républicains, nous travaillons pour le renforcement de la démocratie dans notre pays. Il n y a pas de
démocratie sans alternance et donc ces partis politiques continuent à porter ces valeurs et nous trouvons et le contenu et l’appellation qui s’adaptent certainement à cette nouvelle
donne.
Si on se projette en 2014, la Charte que vous élaborez adoptera-t-elle la stratégie pour les élections législatives ?
Vous savez, dans l’Opposition Démocratique, on fonctionne de manière démocratique, c’est-à-dire qu’on n’impose pas une démarche, on n’impose pas un concept. C’est pour cela que
l’esprit de Charte avait été annoncé avant les négociations de Libreville. Nous avons demandé à notre Secrétariat Commun, de saisir les Etats-majors de chaque parti avec le projet pour que le
texte soit enrichi par les bureaux politiques de chaque parti, membre de la Coalition et nous nous retrouverons au cours d’un conclave pour travailler dans la sérénité et de manière méthodique
pour mettre en place la nouvelle organisation. Nous sommes dans ce processus là et ce processus s’achèvera dans les semaines qui viennent. Donc ce que je vous dire, c’est la démarche qui est très
méticuleuse, parce que nous sommes soucieux de respecter les valeurs que nous partageons au sein de l’Opposition, et les résultats, vous en serez informés. Ce que je puis vous dire en mon nom
propre, c’est que nous avons décidé plus que jamais d’œuvrer ensemble.
Œuvrer ensemble même pour les élections présidentielles de 2016 ?
Nous sommes en démocratie. Nous travaillons
avec tous les sujets qui nous concernent y compris. Ceux liés à la vie de notre pays, à la sécurité de notre pays, à l’avenir donc aux élections. Nous débattons de ces questions sereinement. Nous
ne mettons pas la charrue avant les bœufs. Nous finissons les discussions à l’intérieur de chaque parti. Nous nous retrouvons en plénière pour adopter la Charte y compris les questions concernant
les élections.
La
question a été posée compte tenu du comportement de l’Opposition lors des élections de 2011, qui a préféré y aller en ordre dispersé ?
Mais je peux vous rassurer. Nous avons remonté jusqu’en 1991 pour faire l’analyse des différents regroupements dans notre pays. Vous savez que l’Opposition démocratique n’est pas née
dans ce pays des dernières pluies. Nous avons des personnes ressources qui ont vécu l’histoire depuis les débuts que par formation et par culture politique sont attachées à la culture de
l’évaluation pour construire l’avenir, il faut toujours tirer les leçons du passé. Nous ne sommes pas sur un terrain que les romains appellent une terre nue, qui n’appartient à personne. C’est
une terre où vivent les hommes et les femmes, qui ont conjugué plusieurs expériences politiques. Et l’opposition en tant que concept, a eu à se regrouper depuis 1991, pendant que le RDC était au
pouvoir, peu après pendant que le MLPC était au pouvoir, puis après pendant la Transition sous Bozizé et après les élections de 2005. Donc à des degrés divers, nous avons été
soit au pouvoir soit dans l’opposition. Donc nous avons toutes les expériences qu’il faut pour les analyses et de bâtir un concept dans lequel les Centrafricains se sentent
concernés.
Et si on demandait au président Matin Ziguelé, ses sentiments par rapport à l’application des Accords de Libreville ?
Je veux aller très franchement comme je l’ai toujours fait. Je serai très naïf, si je vous disais qu’au lendemain des accords de Libreville, nous serions aux paradis. Il est clair que
lorsque vous mettez ensemble des personnes qui avaient des vues diamétralement opposées, qui ne se parlaient pas, je dirais qui se retrouvent de par ces Accords et suite à des négociations
difficiles dans une même structure gouvernementale, sous la direction d’un premier ministre, issu lui-même de l’Opposition Démocratique, il est naturel de s’attendre à des réactions de résistance
au changement. C’est dans la nature de l’être humain de refuser d’abord le changement même si c’est dans son intérêt. Et donc, il faut avoir beaucoup de philosophie, beaucoup de patience
également dans la construction de ce vivre en commun. Moi, je pars toujours du principe que nous sommes des Centrafricains, qui avons été ensemble, dans les mêmes écoles, nous travaillons
ensemble, vivons ensemble dans les quartiers et nous avons partagé des luttes même ensemble autour de certaines valeurs, pourquoi nous ne pouvons pas nous retrouver ensemble pour construire notre
pays ? C’est la question ?
Naturellement, il y a des forces centrifuges dans l’histoire de l’humanité, dans l’histoire de notre pays, qui démontrent
qu’il y a des personnes qui résistent toujours au changement et qui sont nues par des velléités de restauration d’une vision autocratique de la Société. Et, il ne faut pas sous-estimer ces
forces-la. Il faut les comprendre, pour les traiter, dans l’intérêt du pays. Ne regardons pas le passé. L’Accord de Libreville en lui seul ne transformera pas la RCA sans la volonté des
Centrafricains d’aller de l’avant. Et il y a quelque chose de très important que je veux vous rappelle avec solennité et très gravement. La particularité de la République Centrafricaine, c’est le
caractère géographiquement extraverti de la ville de Bangui. Aujourd’hui à Bangui, nous avons la fausse impression (parce qu’il n’y a pas de guerre à Bangui), que nous avons un pays, qui existe
et qui avance, alors cela est totalement faux. Les trois (3) quarts de notre pays sont sous occupation militaire, c’est-à-dire échappent au contrôle de l’Etat avec les souffrances de nos
populations. C’est à elles que nous devons penser lorsque nous parlons d’intérêt national. Et c’est par rapport à celles que nous devons inscrire toutes nos actions, c’est-à-dire les querelles
intestines, nous devons les oublier et privilégier la restauration de la paix, de la sécurité, de la libre circulation des personnes et des biens sur toute l’entendue de notre territoire. Et ce
n’est pas gagner d’avance. Donc, pour une fois, pensons à l’intérêt général et c’est ça le message qu’il faut retenir de Libreville.