Communiqué de presse de Médecins Sans Frontières
Centrafrique: Des taux de mortalité au-dessus du seuil d'urgence
Bangui 12 Décembre 2011— Médecins Sans Frontières appelle les acteurs nationaux et internationaux à intervenir face à cette
crise.
La République centrafricaine (RCA) est en proie à une urgence médicale chronique. Au cours des 18 derniers mois, quatre enquêtes
de mortalité rétrospective menées dans certaines régions par MSF ont révélé des taux de mortalité trois fois plus élevés que le
« seuil d'urgence » qui définit une crise humanitaire. Ces taux reflètent une situation « hors contrôle », et ce
alors que les taux les plus élevés ont été observés dans des zones épargnées par le conflit ou les déplacements de populations.
Dans un nouveau rapport publié par MSF sous le titre « République centrafricaine : une crise silencieuse », l'organisation
conclut que l'aide médicale actuelle ne suffit pas à répondre à l'ampleur des besoins sanitaires des populations. Un plus grand
nombre d'acteurs doit se mobiliser pour mener des activités médicales couvrant l'ensemble de la population.
La République centrafricaine détient la deuxième espérance de
vie la plus faible du monde, soit 48 ans, et le 5ème taux de mortalité par maladies infectieuses et
parasitaires le plus élevé au monde. Les taux de mortalités dans plusieurs régions de la RCA sont la conséquence d'épidémies saisonnières, d'une économie en panne, ainsi que des conflits,
déplacements de populations et d'un système de santé très faible.
« Un système de santé laminé par des années d'instabilité
politico-militaire, des problèmes structurels gigantesques, l'insécurité dans l'Est et le Nord du pays... Tout ça donne un état sanitaire catastrophique et un accès aux soins de base extrêmement
limité pour la grande majorité de la population... Tous ces facteurs ont eu des conséquences catastrophiques sur la santé des populations et expliquent en grande partie des taux de mortalité
aussi élevés », déclare Olivier Aubry, chef de mission pour MSF en RCA.
« Par exemple, en juillet dernier, à Carnot, la mortalité
chez les enfants de moins de cinq ans était trois fois plus élevée que la mortalité des enfants du même âge dans le camp de réfugié de Dadaab au Kenya, où vivent dans des conditions extrêmes les
populations qui ont fui la Somalie. A Carnot, cette crise est restée silencieuse. »
Et pourtant, comme l'indique le rapport de MSF, l'engagement des autorités du pays et de la communauté internationale ne
prend pas la bonne direction. Le gouvernement et les bailleurs internationaux ont réduit leurs dépenses en matière de santé tandis que les organismes humanitaires ne parviennent pas à endiguer la
crise sanitaire. En dépit des besoins immenses, le gouvernement centrafricain ainsi que les bailleurs de fonds semblent se désengager de l'offre de soins dans le pays.
Selon Pascal Monkoj, les besoins en termes d'assistance médicale sont criants : « Si je n'avais pas
été soigné par MSF, je serais mort à l'heure qu'il est. Je souffrais de diarrhée, de migraine alors je suis allé voir un médecin à Batangafo et il m'a référé au laboratoire pour faire des tests.
Les résultats ont confirmé que j'étais séropositif. Grâce au traitement, je ne suis plus malade, je suis heureux et je ne m'inquiète plus. »
MSF appelle tous les acteurs, tant à l'intérieur du pays qu'en dehors, à se mobiliser face à l'urgence médicale en République
centrafricaine. Si les modèles d'aide classiques n'ont pas fonctionné, de nouveaux doivent être envisagés.
Programmes MSF en République centrafricaine
Médecins Sans Frontières travaille en République centrafricaine depuis 1997. Fin 2010, l'organisation comptait une équipe de 1
243 personnes dans le pays. Nos programmes soutiennent 9 hôpitaux et 36 centres et postes de santé. Nous travaillons systématiquement avec les structures du ministère de la Santé en coopérant
avec eux aussi étroitement que possible. En 2010, nous avons soigné 582 253 patients externes et 21 605 patients hospitalisés en RCA.
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NDLR : Ce dramatique et triste constat qui fait froid au dos n’est pas fait par Centrafrique-Presse ni par la
diaspora centrafricaine que Bozizé diabolise et accuse d’abaisser l’image de la RCA mais par une ONG humanitaire qu’on ne peut ni soupçonner ni accuser de faire de l’anti-bozizisme primaire et
qui heureusement, soulage les populations de la misère et leur apporte un minimum de soins médicaux tout en suppléant aux graves manquements et carences des autorités du
pays.
Communiqué de presse de MSF
Centrafrique : Une journée à l'hôpital de Paoua
7 Décembre 2011
Géré par MSF, l'hôpital de Paoua est le seul de la sous-préfecture pour une population d'environ 120 000 personnes.
Les équipes de MSF travaillent en collaboration avec le ministère de la Santé dans tous les services de l'hôpital (pédiatrie, chirurgie, maternité, urgences, hospitalisations et consultations
externes ainsi que dans la prise en charge de la tuberculose et du VIH).
Il est 7 heures 30 à l'hôpital MSF de Paoua. C'est le moment pour l'équipe de jour de faire le point sur la nuit écoulée avec
leurs collègues de garde. Le médecin de garde la veille explique les cas de patients qu'il a hospitalisés au cours de la nuit dans les différents services et, si certains lui ont posé problème,
il demande l'avis de ses confrères.
Plus tard, vers 8 heures, le Dr Frédérique Eygonnet se dirige vers le département de pédiatrie dont elle a la
charge. « Paoua est le seul hôpital de la zone, explique-t-elle. Les patients viennent de la ville mais aussi des centres de santé situés en périphérie, à
environ deux heures de route. En moyenne, nous recevons chaque jour quatre à cinq patients transférés par moto de nos centres de santé. »
D'une capacité d'accueil de 155 lits environ, l'hôpital MSF de Paoua est composé de plusieurs bâtiments qui abritent les
différents départements de médecine, chirurgie, maternité, malnutrition et pédiatrie. Mais aussi le « village TB », une aile de l'hôpital réservée aux patients souffrant de tuberculose ainsi
qu'un bâtiment dédié aux patients vivant avec le VIH.
Dans la cour centrale, sous un arbre, une dizaine de motos sont stationnées. Elles assurent la référence des patients provenant
des différents dispensaires gérés par MSF en brousse.
En compagnie de Neema Kaseje, la chirurgienne, Frédérique fait le tour des patients qui ont reçu ou attendent
des soins chirurgicaux. Neema raconte à sa consoeur qu'elle a été appelée deux fois au cours de la nuit précédente : «
Vers 23 heures, on est venu me chercher pour un patient qui avait une fracture à la tête après une chute. J'y suis
retournée plus tard dans la nuit pour une césarienne. Mais ça va, c'est la routine, rien de particulier à signaler aujourd'hui. »
Puis, avec l'infirmier et l'aide-soignant, Frédérique visite les départements des soins intensifs pédiatriques
et de néonatologie. Elle s'enquiert de chaque patient auprès de sa maman et de l'infirmier de garde. Dans le service de néonatologie, un nouveau-né préoccupe particulièrement
Frédérique. Née trois jours auparavant, la petite fille souffre d'insuffisance respiratoire. Frédérique demande à l'infirmier de mener un examen
radiographique.
« La visite prend beaucoup de temps, le service est surchargé, souvent deux enfants par lit... Régulièrement, ma
visite est interrompue par des urgences. La plupart du temps, il s'agit d'enfants avec un paludisme grave à forme anémique, qu'il faut transfuser rapidement. »
Un peu à l'écart, deux nourrissons sont alités sous le regard inquiet de leur mère. Atteints de paludisme, ils sont anémiés et
doivent recevoir une transfusion sanguine. Le paludisme est l'une des principales causes d'hospitalisation qui, si elle n'est pas soignée, entraîne de nombreux décès chez les enfants de moins de
cinq ans.
Gaspard a deux ans. Il a été admis pour un paludisme grave de forme anémique. L'enfant présente également un
marasme, une forme sévère de malnutrition. Il faut rapidement le transfuser et lui administrer un traitement anti-paludique.
« Dans certains cas de paludisme graves, de forme neurologique par exemple, les enfants ont des convulsions ou
tombent parfois dans le coma. Au début de ma mission, c'était assez intimidant et même carrément stressant, on a l'impression de ne rien pouvoir gérer, de courir à la catastrophe, et puis
rapidement, on réalise qu'on a acquis des automatismes, et on se retrouve à faire des massages cardiaques à des bébés dans le calme, presque sans transpirer, confie Frédérique.
»
Il est près de 15 heures, l'heure pour elle de retourner à la base MSF située non loin de l'hôpital. De garde ce soir,
Frédérique se tient prête à retourner à l'hôpital en cas d'urgence. Mais en voiture cette fois, car les
déplacements de nuit ne peuvent pas se faire à pied.
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