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21 février 2010 7 21 /02 /février /2010 01:22


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Par Thomas Hofnung Libération 20/02/2010

On se demandait pourquoi Nicolas Sarkozy avait décidé d’ajouter une étape au Gabon, la semaine prochaine, à son voyage au Rwanda destiné à sceller la réconciliation avec Kigali, le 25 février. Depuis son élection, en mai 2007, c’est en effet la troisième fois qu’il se rendra à Libreville. Depuis vendredi soir, on a la réponse. Paris a décidé de fermer sa base militaire à Dakar pour ne conserver qu’une seule emprise permanente sur la façade atlantique du continent africain, au Gabon. En rendant visite à Ali Bongo, le fils du défunt président Omar Bongo, élu dans des conditions contestées l’été dernier, Nicolas Sarkozy vient souligner l’intérêt stratégique que revêt le Gabon pour la France.

Vendredi, c’est le ministre français de la Défense, Hervé Morin, qui est venu annoncer la nouvelle au président Abdoulaye Wade à Dakar. Il était porteur d’un message personnel de Nicolas Sarkozy à son homologue sénégalais. Histoire de faire passer la pilule, Morin a annoncé que les 1200 hommes déployés à Dakar seraient remplacés par un «pôle de coopération militaire à vocation régionale», aux contours vagues. Mais c’est bien une page d’histoire qui va se tourner entre les deux pays. Le Sénégal fut une colonie française durant trois siècles avant d’accéder à l’indépendance, voici 50 ans. Dakar fut la capitale de l’AOF (Afrique occidentale française). Les liens historiques et culturels entre Paris et Dakar sont infiniment plus riches et étroits que ceux qui peuvent exister entre la France et le Gabon.

Après la base militaire d’Abidjan, dont la fermeture a été décidée en catimini, la France poursuit donc la réorganisation de se présence militaire sur le continent. Libreville présente un avantage considérable: la base militaire française est attenante à l’aéroport. A Dakar, elle est distante d’une dizaine de kilomètres. Par le passé, l’aéroport de Libreville a servi à évacuer des ressortissants français fuyant des crises au Congo-Brazzaville, au Tchad ou en Centrafrique. De la capitale gabonaise, il est aussi aisé d’envoyer des renforts militaires en Afrique centrale, ou encore en Côte d’Ivoire.

Avant son élection, Nicolas Sarkozy avait promis de moderniser les relations de la France et l’Afrique. S’il semble bien décidé à faire évoluer la carte militaire et à jeter par dessus bord l’encombrant képi de «gendarme de l’Afrique», on ne peut pas en dire autant de sa diplomatie. Formé à l’école de Charles Pasqua, le chef de l’Etat continue de recourir aux réseaux parallèles et aux rapports personnels avec les dirigeants locaux. Sa visite au Gabon, où la France a été accusée de cautionner l’élection contestée de Bongo en août dernier, le démontre une fois de plus. Ce qui n’est pas le moindre des paradoxes de cette troisième visite à Libreville.

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21 février 2010 7 21 /02 /février /2010 00:11


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(La Croix 20/02/2010)

L’Année de l’Afrique, au programme encore flou, s’ouvre cette semaine par un déplacement de Nicolas Sarkozy au Gabon et au Rwanda. Les déclarations du président de la République sur ce continent sont interprétées comme une absence de ligne directrice

Nicolas Sarkozy se rend mercredi 24 et jeudi 25 février au Gabon et au Rwanda. « Deux pays où la France s’est illustrée », grince un membre d’une ONG de défense des droits de l’homme. Le choix de ces deux pays illustre le tiraillement de la France face au continent africain. Au Gabon, la tentation que « tout change pour que rien ne change » est incarnée par l’arrivée à la présidence d’Ali Bongo, après 41 années d’accaparement du pouvoir par son père, décédé en 2009. Au Rwanda, où la France s’est fourvoyée en soutenant les futurs artisans du génocide de 1994, la volonté de renouer avec un pays stratégique d’Afrique centrale, qui n’appartient pas à sa zone d’influence traditionnelle.

Sans mettre en œuvre la « rupture » promise durant la campagne électorale, Nicolas Sarkozy a engagé des réformes maintes fois repoussées, comme la révision des accords de défense liant la France à ses anciennes colonies, ou la réduction du nombre de bases militaires sur le continent. Mais, à l’instar de ses prédécesseurs, il a maintenu le soutien inconditionnel à des régimes antidémocratiques, au Tchad, au Congo ou au Gabon.

Le très critiqué « discours de Dakar » prononcé en 2007, contrebalancé un an plus tard par le « discours du Cap », a mis en lumière ce que maints observateurs ont interprété comme une absence de ligne directrice. « Je ne comprends pas l’absence de travail interministériel sur l’Afrique, déclare un conseiller ministériel. Le secrétaire général de l’Élysée est devenu le conseiller Afrique et le conseiller Afrique joue le rôle du directeur Afrique du Quai d’Orsay. »

La doctrine voulant que la France se contente d’accompagner

L’implication personnelle de Claude Guéant a été prépondérante dans plusieurs dossiers africains, crises à Madagascar et en Guinée, relations diplomatiques avec le Rwanda, maintien du dialogue avec l’Angola malgré l’Angolagate. Dans bien des cas, l’avocat Robert Bourgi, fils spirituel de Jacques Foccart, est aussi à la manœuvre, sans que l’on distingue toujours si c’est pour le compte de ses clients privés ou de la diplomatie élyséenne.

Confrontée à la multiplication des crises politiques dans son pré carré, la France s’est ouvertement réinvestie dans leur gestion «en direct ». La mort d’Omar Bongo, mentor de Nicolas Sarkozy sur les questions africaines, et la retraite de plusieurs chefs d’État jouant volontiers les médiateurs, le Sud, Africain Thabo Mbeki, le Nigérian Olusegun Obasanjo ou le Ghanéen John Kufuor, a fait du président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, un médiateur apprécié par les Occidentaux.

La doctrine voulant que les dirigeants africains gèrent les crises du continent et que la France se contente d’accompagner, notamment au Conseil de sécurité de l’ONU, « a atteint ses limites », estime un responsable français, qui « espère que ce ne sera que conjoncturel ». « Les États-Unis se sont résolus au même réengagement, notamment à l’occasion de la crise en Guinée, remarque le même interlocuteur. Quant à l’Union européenne, son intérêt pour l’Afrique est croissant, mais il croît lentement. »

Tout juste sait-on qu’un sommet Afrique-France aura lieu fin mai

La réforme de l’aide publique au développement s’est poursuivie, au détriment de l’Afrique. Selon les statistiques du Comité d’aide au développement de l’OCDE, l’aide bilatérale française en direction du continent a diminué de 35 % entre 2006 et 2008. Une baisse en partie contrebalancée par l’engagement français auprès d’organismes multilatéraux tels que le Fonds européen de développement ou le Fonds mondial de lutte contre le sida, qui reste important.

Après avoir constitué près de 40 % des échanges commerciaux français dans les années 1960, l’Afrique n’en représente plus qu’environ 2 %. Elle reste néanmoins une source de matières premières et un marché stratégique pour certaines entreprises françaises. Et il y a le passé commun, que Paris semble mal à l’aise de célébrer.

Alors que 2010 était annoncée par Nicolas Sarkozy comme «l’Année de l’Afrique », parsemée de « nombreuses manifestations » dont l’organisation a été confiée à Jacques Toubon, son budget, et donc son programme, n’était pas fixé à la mi-février. Tout juste sait-on qu’un sommet Afrique-France aura lieu fin mai, et que des troupes africaines participeront au défilé du 14-Juillet sur les Champs-Élysées.


Laurent D'ERSU

© Copyright La Croix

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20 février 2010 6 20 /02 /février /2010 00:14


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"Monsieur le Président,


J'ai appris avec tristesse le décès du Président André Kolingba.

La République centrafricaine perd en lui un homme d'Etat animé par la volonté de porter son pays vers le progrès. Je souhaite que l'histoire retienne qu'il a su mettre en place le cadre nécessaire à l'organisation d'élections libres, notamment en autorisant le multipartisme. Il a ensuite eu le grand mérite de s'incliner devant le verdict des urnes. Au-delà des
aléas politiques, le Président Kolingba a ainsi donné une image positive de la Centrafrique et des Centrafricains.

Dans ces circonstances difficiles, permettez-moi de m'associer au deuil de la nation centrafricaine, et de vous adresser, au nom de la France, mes sincères condoléances. A travers vous, ces condoléances s'adressent également à la veuve et aux enfants du Président Kolingba, ainsi qu'à l'ensemble du peuple centrafricain.

Avec toute ma sympathie, je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma très haute considération.


Signé : Nicolas Sarkozy"./.

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20 février 2010 6 20 /02 /février /2010 00:00


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PARIS - La France s'apprête à fermer ses bases militaires au Sénégal mais entend y conserver un "pôle de coopération militaire à vocation régionale", a-t-on appris vendredi soir auprès du ministère de la Défense.

"Le concept de base a vécu et on va vers autre chose, la mise en place d'un pôle de coopération régionale", a-t-on déclaré dans l'entourage du ministre de la Défense Hervé Morin.

Le porte-parole de la présidence sénégalaise avait affirmé un peu plus tôt que "les bases militaires françaises vont quitter Dakar en vertu d'un accord qui sera signé avant le 4 avril par les deux parties".

Quelque 1.200 militaires français sont actuellement "pré-positionnés" à Dakar.

"Les détails de la mise en oeuvre doivent encore faire l'objet de discussions avec la partie sénégalaise", a précisé le ministère de la Défense interrogé sur le nombre de militaires français qui pourraient être maintenus au Sénégal.

"L'idée est que l'on conclue les accords assez rapidement", ajoute-t-on de même source sans préciser de date. Des "emprises territoriales" seront restituées au Sénégal, précise-t-on.

Publié au printemps 2008, le Livre blanc sur la Défense annonçait "à terme, une présence (française) sur la façade atlantique du continent africain (et) une sur sa façade orientale", laissant entendre que l'une des bases riveraines de l'Atlantique, Libreville ou Dakar, serait sacrifiée.

"Nous allons rénover nos accords en Afrique et rééquilibrer nos bases militaires", avait prévenu le président Nicolas Sarkozy lors de la présentation de ce document.

Dans un discours au Cap (Afrique du Sud), en février 2008, Nicolas Sarkozy avait fixé le cadre général: renégociation des accords de défense signés par la France avec ses ex-colonies, transparence, prise en charge par l'Afrique de sa sécurité collective et européanisation des relations avec le continent en matière de sécurité.

(©AFP / 19 février 2010 21h30)

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17 février 2010 3 17 /02 /février /2010 00:45


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16 février 2010 par Survie

« La Françafrique, c’est comme un iceberg. Vous avez la face du dessus, la partie émergée de l’iceberg : la France meilleure amie de l’Afrique, patrie des droits de l’homme, etc. Et puis ensuite, vous avez 90% de la relation qui est immergée : l’ensemble des mécanismes de maintien de la domination française en Afrique avec des alliés africains... »

François-Xavier Verschave

Avertissement préalable : De la désinformation...

La politique africaine de la France relève du domaine réservé du chef de l’État. Elle échappe donc dans une très large mesure à tout contrôle démocratique, que celui-ci émane du parlement, de la presse, voire même de la Justice (voir argumentaire n°10). Le résultat, c’est que la réalité de la Françafrique, c’est à dire des liens politiques, économiques et militaires entre la France et ses anciennes colonies africaines (mais malheureusement pas seulement), paraît tout à fait incroyable tant elle est en décalage, et même en opposition totale, avec l’image que les médias donnent généralement de l’action généreuse de la France sur le continent africain.

Pourtant, les investigations aussi importantes que minutieuses menées durant plus de dix ans par François-Xavier Verschave, puis par ses continuateurs, ont permis de dresser un début de cartographie de cet univers occulte où se mêlent quête du pouvoir, prédation économique et trafics en tout genre, et leur corolaires que sont la violence et la misère qui frappent les populations africaines. Ces travaux, compilés en différents ouvrages cumulant plusieurs milliers de pages, ont subi par deux fois l’épreuve d’une justice française pourtant peu encline à faire la lumière sur ces affaires qui impliquent les plus hauts personnages des États (Français et Africains). Malgré tout, face au foisonnement de documents versés et au nombre de témoignages recueillis, la justice n’a pu que reconnaître, pour reprendre les termes du jugement, « l’importance des sujets évoqués, mais aussi le sérieux des investigations effectuées ». Celle-ci a donc admis que « malgré la vigueur des attaques, il n’apparaît pas que la démarche de François-Xavier Verschave soit critiquable. » Pourtant, en dépit de cette caution judiciaire, ces travaux sont restés très largement dans l’ombre, superbement ignorés par les médias, à quelques rares et marginales exceptions près...

Aux origines de la Françafrique : une décolonisation de façade

Pour comprendre le système de la Françafrique, il faut remonter à ses origines. A son retour au pouvoir en 1958, De Gaulle se voit contraint par le mouvement de l’histoire et les pressions internationales à accorder officiellement leur indépendance aux anciennes colonies subsahariennes de la France. Mais dans le même temps, il charge son fidèle homme de l’ombre Jacques Foccart de faire l’inverse, c’est-à-dire de maintenir la dépendance de fait. C’est le point de départ de la Françafrique : d’un coté une légalité internationale proclamée haut et fort, les indépendances, mais de l’autre la mise en place de mécanismes perpétuant la dépendance, et donc forcément illégaux puisqu’en contradiction avec l’indépendance reconnue en droit.

Ce choix s’explique essentiellement par quatre raisons :

le maintien du « rang » international de la France avec un poids décisionnel important à l’ONU, ce qui ne peut être garanti que par des États clients, alliés indéfectibles de la France qui s’alignent automatiquement sur ses positions ;

l’accès garanti aux matières premières stratégiques et/ou très rentables (pétrole, uranium, bois etc.) ;

le financement occulte mais à grande échelle de la vie politique française (d’abord du parti gaulliste, puis de tous les grands partis français), à travers les détournements de l’aide et des rentes des matières premières ;

le rôle de la France comme « sous-traitante » des États-Unis pour contenir l’expansion communiste sur le continent africain dans un contexte de guerre froide.

Les mécanismes systémiques de la domination néo-coloniale

Pour remplir ces différents objectifs, la domination néo-coloniale de la France s’appuie sur un véritable système intégré sur tous les plans : politique, militaire et policier, et bien sûr économique.

Soumission politique contre enrichissement personnel

Comment ce système occulte de domination s’est-il mis en place ? D’abord par l’installation quasi-systématique de chefs d’États « amis de la France », que l’on pourrait qualifier, pour reprendre les termes de François-Xavier Verschave, de « gouverneurs à la peau noire », ce qui permet de donner une illusion d’indépendance. L’exemple le plus flagrant est sans doute celui du gabonais Omar Bongo, pilier historique de la Françafrique, qui a reconnu être issu des services secrets français.

Différentes méthodes sont utilisées pour arriver à ces fins. D’abord, la violence extrême, comme ce fut le cas au Cameroun où le populaire mouvement indépendantiste de l’UPC, mené par Ruben Um Nyobé, a été littéralement écrasé dans un bain de sang par la France et ses alliés locaux, provoquant entre 1957 et 1970 entre cent et quatre cent mille morts, selon les estimations. Dans d’autres cas, quand la population était parvenue à se doter de leaders éclairés et élus, on a procédé par l’assassinat pur et simple des dirigeants. Ce fut notamment le cas au Togo où Sylvanus Olympio fut froidement assassiné par un quarteron d’officiers franco-togolais fraîchement débarqué des guerres coloniales indochinoises et algériennes, parmi lesquels se trouvait Etienne Eyadéma. Celui-ci prendra par la suite la tête du pays, instaurant une dictature militaire impitoyable durant près de quarante ans, avant d’être remplacé à sa mort par son fils Faure Gnassingbé. On peut également signaler la mort pour le moins suspecte du prometteur dirigeant Centrafricain Boganda et enfin, quelques années plus tard, le cas de Thomas Sankara, leader charismatique du Burkina-Faso qui fut renversé et assassiné par l’actuel chef d’État burkinabé Blaise Compaoré, avec le soutien de la France (et l’appui de l’indéfectible Félix Houphouët-Boigny).

Dernière méthode, la fraude électorale massive qui a permis d’écarter systématiquement tout candidat issu des aspirations des peuples concernés, pour installer des dirigeants dévoués à la cause française. A l’exception de la Guinée de Sékou Touré, coupable d’avoir osé dire « non » à De Gaulle en 1958, et épisodiquement, de quelques pays trop pauvres en ressources pour exciter les appétits français comme le Mali, ou le Niger (jusqu’à la découverte de l’ampleur de ses réserves d’uranium), aucune ancienne colonie africaine de la France n’a échappé à ces coups d’États électoraux soutenus, voire fomentés par la France.

Avant d’examiner les mécanismes de prédation économique qui justifient cette ingérence politique, une question s’impose : comment ces « gouverneurs noirs » ont-ils pu accepter un tel marché, hypothéquant pour des décennies le développement de leur pays et le bien-être de leurs populations ? La réponse est pourtant simple, c’est l’appât du gain. Les termes du marché implicite passé par la France avec ces potentats locaux consistait tout simplement à dire « laissez-nous décider de la conduite des affaires du pays, et en échange de votre silence et de votre soutien, servez-vous à volonté dans les caisses de l’État ». Et les intéressés (au premier rang desquels les Eyadéma, Mobutu, Moussa Traoré, etc.) ne se sont pas fait prier, constituant parfois des fortunes considérables égalant la dette extérieure de leurs pays ! On notera au passage que ce marché digne de Faust a eu des conséquence terribles sur l’ensemble des sociétés concernées, cette logique de corruption à outrance ayant nécessairement perfusé par capillarité descendante à tous les niveaux de l’administration, et de la sphère économique dans son ensemble...

La domination militaire et l’appui aux États policiers

Sur le plan militaire, la domination est également flagrante. Elle passe bien sûr par la présence de bases militaires sur le continent africain, aujourd’hui au nombre de trois (Sénégal, Gabon et Djibouti) depuis la fermeture de la base de Centrafrique, et la transformation de celle de Côte d’Ivoire en statut d’opération extérieure, auxquelles il faut ajouter la présence militaire au Tchad, sous statut d’opération extérieure provisoire depuis... 1986. Si le nombre de soldats français présents de manière permanente sur le sol africain a fortement diminué depuis les années 1960, il faut noter que cette réduction s’est accompagnée d’un accroissement constant des moyens de projection depuis la métropole, et qu’il reste tout de même à l’heure actuelle environ 6000 soldats français prépositionnés dans les bases permanentes auxquels il faut ajouter de 3000 à 5000 soldats présents dans le cadre d’opérations extérieures ainsi qu’une présence maritime permanente dans le Golfe de Guinée (affectée à la surveillance des champs pétrolifères).

Les accords de défense constituent l’autre instrument de la domination militaire. Ces accords de défense, garantissant le soutien français en cas de menace extérieure et intérieure, lient officiellement huit pays africains à la France, mais ils s’accompagnent de toute une série d’accords plus ou moins secrets d’assistance technique et de coopération militaire. Le corollaire de cette coopération est bien sûr la vente d’armes pour laquelle la France se classe encore au 3e ou au 4e rang mondial selon les années.

A tout cela s’ajoute la domination militaro-policière qui s’exerce à travers toute une série d’officines publiques et privées, l’envoi de mercenaires parfois mandatés et équipés par la France, et la fourniture d’agents et de matériel de sécurité visant à former et à équiper des polices politiques comptant parmi les plus violentes du monde et qui s’illustrent régulièrement dans la répression sanglante de toute velléité d’opposition. Ces pratiques remontent aux origines de la Françafrique, avec par exemple le recyclage des anciens de l’OAS au service de ces polices politiques africaines, qui sont à leur tour passées maître dans l’usage de la torture. Dernier exemple en date, la fourniture par un groupe français de 500 000 euros d’équipement pour les forces de sécurité togolaise à l’approche des présidentielles de 2010 dans le cadre d’un «  projet d’appui à la sécurisation des élections ». Les manifestants qui ne manqueront pas de descendre dans la rue pour protester contre la nouvelle mascarade qui s’annonce apprécieront !

La prédation économique et le pillage des ressources

L’exploitation des richesses du continent africain était dès l’origine au cœur du projet colonial. Lorsque celui-ci prend fin, l’accès à certaines ressources stratégiques reste une préoccupation majeure pour le général De Gaulle qui affirme dès 1961 : « Notre ligne de conduite, c’est celle qui sauvegarde nos intérêts et qui tient compte des réalités. Quels sont nos intérêts ? Nos intérêts, c’est la libre exploitation du pétrole et du gaz que nous avons découvert ou que nous découvririons. » Pour remplir cet objectif, le général crée Elf Aquitaine, avec à sa tête un de ses proche issu des services secrets : Pierre Guillaumat. C’est le début de la mise en place du système Elf, qui vise à assurer la mainmise française sur le pétrole et le gaz africain. Cette entreprise ne sera jamais une simple compagnie pétrolière, comme le montre notamment le nombre d’agents secrets qu’elle emploie (jusqu’à 400 !), et comme le démontrera partiellement l’affaire Elf, lorsque celle-ci éclate à la fin des années 90, éclaboussant au passage les plus hauts personnages de la République dont l’ancien ministre et président du Conseil Constitutionnel Roland Dumas, et même le Président de l’époque, François Mitterrand. Pour prendre la mesure de l’ampleur du système Elf, le mieux est encore de citer son ancien dirigeant Loïk Le Floch-Prigent : « il ne se passe rien dans les pays pétroliers, en particulier en Afrique, dont l’origine ne soit pas Elf » [1]. Le groupe était en effet au cœur d’un système de corruption à grande échelle, mêlant entre autres ventes d’armes et financement des partis politiques français, tout cela grâce aux immenses rentes pétrolières détournées des pays producteurs avec la complicité grassement rémunérée de leurs dirigeants.

Mais si l’action d’Elf est unique par son ampleur, et sa proximité avec les cercles du pouvoir politique et économique en France et en Afrique, ce groupe n’a pas été le seul acteur du pillage des ressources africaines. On peut ainsi mentionner les entreprises métropolitaines que la décolonisation a laissées en position dominante voire monopolistique dans certains pays africains : Compagnie Française de Développement des Textiles (CFDT) sur le coton, Rougier sur le bois, CFAO sur le commerce et la distribution, plantations coloniales de bananes, de café, de cacao etc. A ses géants hérités de la colonisation, s’ajoutent des groupes privés qui s’appuient sur l’Afrique pour se développer de manière extraordinairement rapide comme Bouygues, ou encore Bolloré, dont la boulimie et la diversification accélérée des activités sur le continent (transports, médias, commerce, plantations etc.) laissent penser qu’elle tend à remplacer Elf par son influence sur les affaires franco-africaines. Parmi les piliers de la prédation économique des ressources africaines, on peut encore citer Areva qui exploite d’immenses mines d’uranium dans des conditions écologiques et sanitaires déplorables et qui soutient par la même occasion les dirigeants en place comme le Président Tandja au Niger, auteur d’un récent putsch constitutionnel pour se maintenir au pouvoir au-delà de la limite légale de ses deux mandats. On peut enfin citer Total, qui a absorbé la trop sulfureuse enseigne Elf, ou encore BNP Paribas très implantée dans le secteur stratégique de la banque en Afrique.

Outre l’action des entreprises, qui bénéficie le plus souvent d’un soutien plus qu’appuyé de la part du pouvoir politique français, l’exploitation économique de l’Afrique est facilitée par des éléments systémiques que sont les accords de coopération économique qui assurent à la France un quasi-monopole d’accès à certaines ressources stratégiques ou particulièrement rentables, et surtout le Franc CFA, véritable camisole contraignant les anciennes colonies africaines à commercer en priorité et dans des conditions préférentielles avec la France, et qui fut également un outil de détournements et de blanchiment massifs. Enfin, les pays africains sont également prisonniers du carcan d’une dette exponentielle, contractée par des dictateurs irresponsables avec l’encouragement bienveillant de Paris, et qui entrave aujourd’hui inexorablement le décollage économique de ces pays.

Des tentatives avortées d’affranchissement du système

On comprend donc bien, à travers ces trois piliers, comment la France a rendu impossible le développement et la démocratisation de ses anciennes colonies africaines. Ces États néo-coloniaux n’ont en effet aucun intérêt au développement économique qui, en faisant émerger une classe moyenne, pourrait susciter une contestation du système, et des velléités mal venues de démocratisation. Cependant, la fin de la guerre froide a entraîné malgré tout un vent de démocratisation qui a atteint le continent africain. Mais le système françafricain est parvenu à le contenir par deux moyens redoutables. D’abord, l’instrumentalisation, voire l’invention pure et simple de clivages ethniques permettant de reporter la rancœur populaire envers les dirigeants sur une partie de la population désignée comme l’ennemi intérieur. Cette stratégie du bouc émissaire, ou du « diviser pour mieux régner », vieille comme le monde, a été d’une efficacité redoutable, au point qu’elle a parfois échappé à ses promoteurs et dérivé en guerres civiles, le paroxysme de l’horreur étant atteint avec le génocide des Tutsi au Rwanda en1994. Mais cette stratégie n’a pas été abandonnée, comme on a pu le voir plus récemment avec la Côte d’Ivoire.

Deuxième moyen tout aussi efficace, quoique globalement moins meurtrier et plus présentable aux yeux de la communauté internationale : la démocratisation de façade. Organisée autour d’un multipartisme créé de toute pièce, sur le modèle du fameux multi-mobutisme, où la plupart des partis « d’opposition » sont en fait des alliés du pouvoir, cette démocratisation décrétée dans son fameux discours de La Baule par le président Mitterrand en 1990, consiste à organiser des élections « libres » dont la régularité est garantie par des observateurs français, ou de l’Organisation Internationale de la Francophonie par exemple.

En fait, on utilise la prétendue aide à l’organisation d’élections démocratiques pour mieux contrôler celles-ci et mettre en place un système de fraude souvent grossier mais infaillible. Et c’est ainsi que, depuis 1991, les dirigeants illégitimes du Togo, du Cameroun, du Congo-Brazzaville, du Gabon ou encore de Djibouti se maintiennent indéfiniment au pouvoir par les urnes, avec l’aval de la France, parfois même suivie par une communauté internationale complice ou frappée de cécité face à l’ampleur des fraudes.

De la Françafrique à la Mafiafrique

Le réseau Foccart et ses héritiers

La Françafrique est à l’origine une histoire de famille, ou en tout cas de réseaux, entre la France et ses anciennes colonies africaines. Son principal instigateur, Jacques Foccart, était ainsi au cœur d’un immense réseau d’influences multiples mêlant les milieux politiques, économiques, mais aussi les milieux militaires, du renseignement et du mercenariat, et enfin des milieux maçonniques (à travers la Grande Loge Nationale Français en particulier) voire sectaires (Rose-Croix etc.). Dès les années 70, Charles Pasqua récupère une partie de ces fameux réseaux Foccart, et les branche sur ses propres réseaux politico-mafieux (en particulier corses). Le tout est mis au service de Chirac, qui récupérera la partie foccartienne à son arrivée à Matignon en 1986. Dans le même temps, Mitterrand crée ses propres réseaux par l’intermédiaire de son fils Jean-Christophe, et de son conseiller Afrique, Guy Penne. A partir de là, les socialistes ne seront plus en reste et rattraperont vite leur retard sur les héritiers du gaullisme auxquels bien des liens de complicité les uniront.

Mondialisation et Mafiafrique

Ces réseaux historiques de la Françafrique sont essentiellement basés sur la toute-puissance de la République officielle, et surtout souterraine. Or le phénomène de mondialisation qui s’accélère à la fin des années 90 provoque une libéralisation économique effrénée doublée d’un affaiblissement du pouvoir des États-nations. Dans ce contexte, la Françafrique est contrainte de muter pour se maintenir. La mainmise néo-coloniale de la France sur son pré-carré est menacée ? Qu’à cela ne tienne, la Françafrique historiquement anti-communiste, mais qui affiche également un anti-américanisme de façade, va s’allier aux puissances économiques étrangères, en particulier américaine et russe mais aussi britannique, sud-africaine ou encore israëlienne, pour conserver à tout prix son influence sur le continent. Dans le même temps, elle sort de son pré-carré et tente d’étendre son influence sur des pays non issus de l’empire colonial français comme le Rwanda, ou encore l’Angola.

Ce dernier pays est l’exemple parfait de la mutation de la Françafrique en Mafiafrique. Déchiré par une guerre civile meurtrière depuis son indépendance en 1975, l’Angola dispose d’immenses réserves pétrolières. Outre le fait qu’on sait désormais de manière certaine que la France et Elf ont longtemps armé les deux camps, afin d’exploiter tranquillement ces ressources, l’affaire de l’Angolagate permet de mettre en lumière cette interpénétration des réseaux internationaux de ventes de pétrole et d’armes (les deux activités les plus soumises à la corruption, et qui nécessitent donc en fait les même « compétences » en termes de finance parallèle et de blanchiment d’argent). En effet, les deux principaux protagonistes de cette affaire sont d’un coté le multimilliardaire russo-franco-israëlien Arcadi Gaydamak, protégé à la fois par les services secrets russes, israëliens et français, et branché sur la mafia russe, et de l’autre l’homme d’affaire Pierre Falcone, lui-même protégé par les services français et la CIA américaine. Drôle d’alliance a priori mais visiblement pas choquante lorsqu’il s’agit d’affaires aussi juteuses et qui nécessitent des protections en aussi haut lieu, comme l’ont récemment montré les déclarations menaçantes de Charles Pasqua à l’encontre de MM. Chirac et De Villepin, à l’issue de sa condamnation à de la prison ferme dans cette affaire.

Des paradis fiscaux et judiciaires

De telles pratiques sont rendues possible par l’existence de paradis fiscaux et judiciaires, qui jouent un rôle central dans les malversations françafricaines en général, et dans ce type d’affaires mafiafricaines en particulier. En effet, on estime à l’heure actuelle que les plus grandes banques françaises auraient la moitié de leurs comptes extérieurs dans des paradis fiscaux, et que la moitié des transactions financières mondiales passeraient par ces trous noirs de la finance.

Les principales caractéristiques de ces paradis fiscaux et judiciaires sont une fiscalité très faible, voire inexistante, mais aussi un secret bancaire et une immunité judiciaire quasi absolus, permettant aux grands corrupteurs, trafiquants d’armes et autres mafieux françafricains d’échapper aux poursuites judiciaires, même à l’échelle internationale, et de poursuivre en toute impunité leurs activités criminelles.

Au-delà des affaires et des trafics françafricains, ces paradis fiscaux posent un problème majeur vis-à-vis de notre modèle de développement, et de ce qu’on peut appeler l’élaboration des biens publics mondiaux (santé, éducation, protection sociale, mais aussi environnement etc.). En effet, ce modèle de développement, que nous avons suivi avec plus ou moins de succès jusqu’à sa remise en cause par les tenants de l’idéologie néolibérale, est essentiellement basé sur les prélèvements obligatoires, à savoir les impôts.

Or dans un contexte de mondialisation accrue, les paradis fiscaux menacent ce principe même de prélèvement obligatoire en offrant une échappatoire totale aux plus informés, qui sont également les plus fortunés. Comme le disait François-Xavier Verschave, « si aujourd’hui tout les particuliers fortunés reçoivent quotidiennement des mails ou des fax leur expliquant comment ne pas payer d’impôts ; si les plus grandes entreprises se voient également expliquer tout les jours comment ne pas payer l’impôt, il n’y aura plus que les pauvres et les imbéciles pour payer leurs impôts, ce qui ne fera pas lourd. Les paradis fiscaux servent à détruire le fisc, à avoir un taux d’impôt zéro. S’il y a un taux d’impôt égal à zéro, adieu éducation, santé etc. » [2]. En bref, les paradis fiscaux sont non seulement un instrument vital pour les activités illégales de la Françafrique, mais ils sont plus largement une menace grave pour notre modèle de développement, et de manière plus certaine encore pour les perspectives de développement des pays africains.

La Françafrique, 50 ans... et toutes ses dents !

Les mutations de la Françafrique évoquées plus haut ont donné l’occasion à certains, au premier rang desquels les piliers de la Françafrique eux-mêmes, d’annoncer régulièrement et de façon péremptoire la fin, ou la mort de la Françafrique. Ne nous y trompons pas, si la Mafiafrique est devenue une réalité, les principales caractéristiques de la Françafrique traditionnelle que sont la soumission politique à travers la corruption des dirigeants, la domination militaire à travers la présence officielle et officieuse de forces armées sur le terrain, et surtout la prédation économique à travers l’action des grands groupes français, sont plus que jamais d’actualité. Certes, les parrains historiques des réseaux ont peu à peu disparu de la scène françafricaine, avec la mort de Foccart en 1997 et la relative mise à l’écart des réseaux Chirac éclaboussés par un certain nombre d’affaires politico-financières depuis l’entrée en fonction de Nicolas Sarkozy.

Mais les logiques classiques sont toujours à l’œuvre, comme l’a démontré l’absence totale de rupture dans la politique africaine de la France, malgré des déclarations fracassantes du candidat Sarkozy sur le sujet. La nomination d’un secrétaire d’Etat à la Coopération un peu trop véhément, désireux de « signer l’acte de décès de la Françafrique » n’a pas plu du tout aux parrains Bongo, Sassou Nguesso et consorts, qui ont immédiatement réclamé (et obtenu !) son déclassement, officialisant ainsi la poursuite d’une politique africaine irresponsable et complaisante à l’égard des dictateurs. Son remplaçant Alain Joyandet martèle depuis son discours d’entrepreneur, insistant sur la nécessité pour la France de « défendre ses parts de marché » en Afrique, notamment face à l’avancée de la Chine sur le continent, volontiers montrée du doigt pour réveiller le patriotisme économique français, et justifier le maintien des positions économiques privilégiées de la France en Afrique.

En outre, la remise par Nicolas Sarkozy lui-même de la légion d’honneur à l’avocat Robert Bourgi, héritier de Foccart qui s’affirme actuellement comme le nouvel homme de l’ombre de la politique franco-africaine, a de quoi préoccuper, tout comme la validation française des putschs électoraux ou constitutionnels du Mauritanien Abdel Aziz, du Gabonais Ali Bongo (fils et héritier d’Omar) et du Nigérien Mamadou Tandja. Finalement, malgré les discours volontaristes de rupture, rien n’a changé, comme le montre également la montée contestataire que provoque en Afrique le projet de « célébration concertée » du cinquantenaire de l’indépendance des anciennes colonies africaines de la France...

Rien ou presque, car il faut malheureusement souligner une évolution entrevue plus haut avec l’avènement de la Mafiafrique. Si la collusion entre pouvoir politique et puissance économique est restée aussi forte qu’aux plus belles heures de la Françafrique, il semble que le contexte de mondialisation dérégulée ait provoqué une certaine inversion des rapports de force au profit du pouvoir économique des grands groupes. Si Elf pouvait être considéré par le passé comme le bras économique de l’État français en Afrique, la situation paraît s’être inversée, et l’on voit aujourd’hui la diplomatie française essentiellement préoccupée par la défense tous azimuts des intérêts des entreprises française sur le continent africain.

Les Areva, Bouygues, Total et Bolloré semblent désormais être devenus les principaux instigateurs de la politique africaine de la France, ce qui laisse peu d’espoir quant à une éventuelle normalisation des relations, et quant aux perspectives de décollage économique et de démocratisation des pays africains...

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17 février 2010 3 17 /02 /février /2010 00:42


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16 février 2010 par Survie

Malgré les discours de rupture, l’armée française demeure omniprésente dans ses anciennes colonies africaines

Il ne reste que les plus cyniques thuriféraires de la Françafrique pour défendre les interventions militaires unilatérales «  à l’ancienne », par lesquelles la France vole au secours de telle ou telle dictature du «  pré carré  ». En revanche, la plupart des journalistes ou des élus, et bien sûr des militaires, estiment que la mise en place d’une « nouvelle » politique militaire de la France en Afrique depuis quelques années, lui confère un regain de légitimité et suffit à balayer les accusations de néocolonialisme.

Cette « nouvelle » politique s’articule essentiellement autour de trois axes : la recherche d’un mandat de l’ONU pour couvrir les interventions françaises, la volonté de donner une dimension multilatérale à certaines d’entre elles, et le prétexte du « renforcement des capacités africaines de maintien de la paix » (RECAMP). L’examen attentif de cette politique telle qu’elle se décline réellement dans les faits, et non seulement dans les discours, montre qu’il s’agit de rompre avec l’image d’une France néocoloniale : mais avec l’image seulement et non avec la logique néocoloniale elle-même.

Une « nouvelle » politique militaire française en Afrique ?

Il faut d’abord noter que les interventions conformes à la « nouvelle » doctrine, en dépit de promesses récurrentes, n’ont pas totalement remplacé les opérations «  coup de poing  ». Ainsi, pour ne citer que les plus récentes d’entre elles, la France est intervenue fin 2006 et début 2007 en Centrafrique, ainsi qu’en février 2008 au Tchad, pour protéger respectivement les régimes de Bozizé et d’Idriss Déby contre les rébellions qui les menaçaient. Dans les deux cas, la finalité politique contestable de ces interventions (soutien direct à des dictateurs) s’est accompagnée d’une situation que l’on peut qualifier juridiquement de complicité de crimes de guerre.

En Centrafrique, les Forces armées centrafricaines ont, dans le sillage direct des interventions françaises, amplifié leur politique de « terre brûlée » et d’exactions systématiques à l’encontre de certaines populations du Nord (à Birao notamment). Ces crimes ont été commis sous les yeux des militaires français, qui ont tenté dans la presse française, jusqu’à la parution d’un rapport de HRW, de faire porter le chapeau de ces crimes aux rebellions qu’ils combattaient, disculpant leurs frères d’armes centrafricains. Au Tchad, l’armée français, qui porte à bout de bras l’armée tchadienne, tolère le recrutement d’enfants soldats et leur envoi au front, en dépit de plusieurs avertissement internationaux adressés au régime de Déby sur cette question. C’est également dans la foulée de l’intervention française, et avec la complicité des autorités de notre pays, que l’armée tchadienne a tenté de faire disparaître en février 2008 certains des opposants historiques de la dictature.

En dépit d’une « nouvelle » politique militaire, les vieilles méthodes n’ont donc pas disparu. Par ailleurs, cette « nouvelle » politique n’est pas si vertueuse qu’on voudrait nous le faire croire.

L’ONU comme couverture

C’est en juin 1994, lorsque la France vole au secours de l’armée génocidaire défaite au Rwanda (opération Turquoise), que le souci d’une caution onusienne se manifeste pour la première fois. Le mandat est d’autant plus recherché que l’intervention française est, à juste titre, fortement décriée à l’échelle internationale (condamnation de l’OUA, du conseil mondial des églises, réserves diplomatiques de plusieurs pays européens, etc.) Il n’est toutefois pas présenté comme une condition sine qua non, le président Mitterrand ayant annoncé que l’intervention française aurait lieu de toute façon. Celle-ci démarre d’ailleurs par l’intervention secrète des forces spéciales avant que la question ne soit mise au vote au conseil de sécurité de l’ONU. Le mandat sera finalement obtenu de justesse, grâce notamment à la voix du gouvernement génocidaire rwandais, toujours représenté au conseil de sécurité à cette date.

Quelques années plus tard, l’une des plus importantes opérations militaires, l’opération Licorne, en Côte d’Ivoire, est également éclairante sur l’instrumentalisation de l’institution onusienne au profit des intérêts militaires français.

Décidée unilatéralement en octobre 2002, l’opération Licorne ne bénéficie qu’a posteriori d’un mandat onusien. Un accord de défense existe entre la Côte d’Ivoire et la France mais la France a refusé de le faire jouer lorsque des rebellions entraînées dans les pays voisins tentent de renverser le régime Gbagbo. C’est au nom de la protection de ses ressortissants, puis du mandat onusien que la France justifie sa présence et son action. En particulier, lors des massacres de novembre 2004, lorsque l’armée française tire froidement sur des manifestants ivoiriens désarmés, la légitimité de l’action française en raison de ce mandat de l’ONU constitue un leitmotiv des discours politiques et médiatiques français.

La répression française après le mystérieux bombardement du camp de Bouaké (destruction de la flotte ivoirienne dans un premier temps, puis occupation sanglante des points stratégiques de la capitale), a pourtant été décidée unilatéralement par la France. Et pour cause : bien que les troupes françaises prétendent être au service de la présence onusienne, elles conservent une chaîne de commandement indépendante et continuent de mener une diplomatie parallèle purement françafricaine.

La France tire l’Europe en Afrique

Le deuxième axe développé ses dernières années consiste à donner une dimension multilatérale à certaines interventions voulues par la France, en impliquant d’autres partenaires Européens. Les motivations sont à la fois économique (partager les coûts), et politique (masquer les intérêts français derrière le drapeau européen, mais aussi prendre le leadership de la politique européenne de sécurité et de défense appliquée à l’Afrique).

La première tentative de 2003, en RDC, ne constitue qu’un ballon d’essai. La seconde en revanche en 2005 dans ce même pays, a impliqué davantage de forces européennes, et notamment un gros contingent Allemand. C’est que, comme l’a clairement montré en Allemagne le débat parlementaire qui a précédé l’envoi de ces soldats, les richesses minières congolaises sont essentielles pour toutes les industries occidentales. L’existence d’un intérêt économique commun paraît être une condition préalable à la réussite d’un réel multilatéralisme, comme l’a confirmé l’opération maritime Atalante de sécurisation de la navigation commerciale dans le golfe d’Aden contre la piraterie somalienne. A contrario, les difficultés de la troisième opération européenne (Eufor Tchad/RCA) voulue par la France en 2007, mais dont les moyens ne seront réunis qu’en 2008, illustrent les réticences des autres pays européens (Grande Bretagne, Allemagne, Italie, Espagne) à intervenir lorsque les enjeux sont purement françafricains.

L’alibi du renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (RECAMP)

Depuis 1997, la France a mis en œuvre un label « RECAMP » censé illustrer sa volonté de mettre sa présence militaire au service de l’autonomisation des armées africaines. Mais les différents aspects du dispositif RECAMP, qu’il s’agisse du contenu officiel des formations et des exercices militaires ou des dessous de certaines opérations de « maintien de la paix » (MISAB, Recamp-Bissau, FOMUC), font clairement apparaître la volonté française de poursuivre une politique d’influence, voire d’ingérence militaire déguisée. Depuis 2005, la France prétend mettre sa coopération au service de la constitution des futures Forces africaines en attente (FAA) dont chaque sous région doit se doter, et propose d’utiliser ses propres bases militaires, qui trouveraient ainsi une nouvelle légitimité, pour stocker le matériel militaire des ces forces. Le dispositif français RECAMP a officiellement été européanisé depuis 2007, mais le cycle VI annoncé pour 2008 se fait toujours attendre.

Les promesses de Sarkozy

Le candidat de la « rupture » avait promis d’assainir les relations entre la France et l’Afrique, de mettre fin au soutien des dictatures et d’associer le parlement français à la définition de la politique de la France en Afrique. Il défendait en revanche la légitimité des interventions militaires françaises. Une fois élu, le président Sarkozy a rapidement oublié certaines de ces promesses, et seules deux mesures sont censées illustrer sa volonté de changement : la réforme de la constitution sur le rôle du parlement et la renégociation des accords de défense.

Le contrôle parlementaire

En juillet 2008, le président Sarkozy a fait amender la constitution. Au plan militaire, l’article 35 du titre V prévoit désormais : « Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote. Lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement. Il peut demander à l’Assemblée nationale de décider en dernier ressort. » Le contrôle parlementaire ne s’exerce donc qu’a posteriori et uniquement sur les interventions les plus longues. Sont par ailleurs exclues de ces dispositions les interventions secrètes ou clandestines des forces spéciales (COS et service Action de la DGSE), véritables gardes prétoriennes de l’Elysée.

Le 28 janvier 2008 les assemblées ne se sont ainsi prononcées que sur 4 opérations françaises en Afrique (Epervier au Tchad, Boali en Centrafrique, Licorne en Côte d’Ivoire et Eufor au Tchad et en Centrafrique) alors qu’il en existait d’autres, moins importantes, en cours depuis plus de 4 mois. Ni le contenu du discours du premier ministre, ni un récapitulatif sur les causes, les enjeux, les mandats, les modalités, les évolutions et les bilans de ces interventions militaires n’ont été communiqués préalablement aux députés, pas plus qu’un état des lieux des accords militaires auxquels certaines d’entre elles sont liées. Ni le ministre des Affaires étrangères ni celui de la Défense n’ont été entendus par les commissions parlementaires correspondantes, qui n’ont pas été réunies.

Enfin il s’est agi d’un débat unique, alors qu’il aurait été nécessaire de mener un débat différent pour chaque intervention spécifique. Il s’agissait donc d’avantage d’obtenir un chèque en blanc que d’associer réellement les parlementaires à la politique militaire de la France.

Les accords de défense

Concernant les accords de défense, leur renégociation a été annoncée en février 2008 par Sarkozy lors du discours du Cap, qui se voulait l’emblème de la volonté de réforme présidentielle sur la présence militaire française en Afrique. A ce jour, deux accords de défense ont été transformés en accords de « partenariat » : celui du Togo, puis celui du Cameroun. Les autres devaient l’être avant la fin 2009, ce qui ne semble pas avoir été le cas. Les accords de défense, avec leurs clauses secrètes, sont l’incarnation du deal néocolonial passé par la France avec les dirigeants installés à la tête des nouveaux États au moment des indépendances (protection de l’armée française contre droit « d’approvisionnement préférentiel » pour la France), et leur renégociation revêt donc une dimension importante au plan symbolique. Mais elle n’a q’une portée très limitée en réalité.

La promesse de publication de ces accords a été réitérée, même si elle se fait attendre, mais force est de constater que les nouveaux textes censés illustrer une volonté de transparence ont été élaborés dans l’opacité la plus totale, à l’abri des regards indiscrets des parlementaires français ou africains. Il est par ailleurs vraisemblable que leur contenu a été déterminé par la France plus qu’il n’a fait l’objet d’une véritable concertation franco-africaine.

Mais surtout le nombre d’accords de défense (7 ou 8 selon les sources) est extrêmement restreint au regard de la quantité d’autres accords militaires aux statuts variés qui existent, qui sont tout aussi secrets, qui ne sont pas concernés par la promesse de transparence et qui suffisent à justifier une ingérence militaire française, comme on l’a encore vu récemment au Tchad par exemple. Enfin il faut se souvenir que l’impérialisme français ne s’est de toute façon jamais embarrassé de formalisme juridique en matière d’intervention militaire. La France est parfois intervenue en l’absence d’accord militaire le permettant, parfois n’est pas intervenue malgré l’existence de tels accords, sans même parler du recours aux moyens officieux : mercenaires, supplétifs africains, etc. C’est donc sur la pratique et non sur les textes qu’il faudra juger des évolutions réelles. A ce jour, la continuité l’emporte très largement sur le changement…

Proposition de revendications

Retrait de toutes les forces militaires permanentes en Afrique, et donc démantèlement des bases militaires permanentes (officielles ou officieuses) ; Autorisation parlementaire préalable à toute opération extérieure et moyens de contrôle a posteriori ;

Interdiction des interventions militaires françaises de toutes sortes (donc y compris simple participation à une intervention multilatérale) dans ses anciennes colonies ou les pays dans lesquels elle a développé des intérêts importants ;

Dissolution du COS et du service action de la DGSE ;

Contrôle parlementaire sur les services secrets ;

Contrôle parlementaire sur tous les accords militaires, et publication intégrale de ces derniers ;

Suspension de la coopération militaire avec les régimes autoritaires, non démocratiques, ou avec les armées qui se sont rendues coupables de crimes de guerre ou d’exactions contre leur population ;

Abrogation du secret défense ;

Interdiction réelle du mercenariat ;

Reconversion de l’industrie militaire ;

Reconnaissance des crimes coloniaux et néo-coloniaux, mesures symboliques et concrètes de réparation pour les victimes ;

Suppression de la justice militaire (TAP).

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11 février 2010 4 11 /02 /février /2010 02:44


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Mon beau miroir / jeudi 11 février par Xavier Monnier bakchich.info

Un diplomate cache parfois l’âme d’un poète raffiné. Jean-Pierre Vidon, ambassadeur de France en Centrafrique, tresse des couronnes au président-putschiste Bozizé. L’uranium du pays vaut bien cette courtoisie.

Est-ce le doux air de Bangui la coquette ? Ou la volonté de cajoler un pays où le géant français Areva se goinfre d’uranium ? À quelques mois des élections présidentielles centrafricaines pudiquement prévues pour printemps 2010, l’ambassadeur de France Jean-Pierre Vidon roule des yeux de Chimène pour l’actuel général-président François Bozizé. Quitte à dresser, dans un télégramme diplomatique transmis le 14 janvier 2010, un tableau un brin idyllique du bilan de Bozizé. Sans doute fâché avec les chiffres, Vidon évoque le quinquennat du Président. Quand Bozizé trône depuis sept ans. Quinquennat, septennat ? Peu importe.

Quand on aime, on ne compte pas… Encore plus sirupeuse se veut la description de son putsch en 2003, date où l’alors «  chef d’état-major des armées se résout à prendre le pouvoir par les armes ». Bien entendu, il « promet de rendre le pouvoir aux civils ». Seules des manifestations massives « encore jamais vues à Bangui » ont convaincu le satrape « de revenir sur sa promesse initiale de ne pas se présenter ». Ô bonheur, le bonhomme est élu en 2005. Et le mandat, évidemment s’est bien passé. « La situation politique s’est apaisée (…) tandis que la situation sociale et sécuritaire considérablement améliorée à Bangui. » Seuls bémols, les rébellions du nord du pays qui ont obligé la France à apporter un soutien militaire en 2006 et 2007 ; ou les « affres d’une trésorerie perpétuellement exsangue » imputée aux précédents régimes. En revanche, pas un mot sur les éventuels crimes du putschiste légalement élu. Sur les bords de l’Oubangui, on ne charrie pas pour si peu.


NDLR : C’est un scandale. On finit par se demander de quel pays parle ce diplomate. Si l’ambassadeur de France en Centrafrique passe en effet son temps à envoyer à sa hiérarchie parisienne des rapports aussi mensongers qui sont loin d’être le reflet de la réalité, il y a tout lieu de se poser des questions sur la pertinence des décisions des plus hautes autorités françaises quant aux relations de la France avec la RCA. Cet ambassadeur devrait se poser par exemple la question de savoir pourquoi depuis qu’il a pris ses fonctions à Bangui, aucun membre du gouvernement français n’a encore mis pied dans la capitale centrafricaine.

Les personnalités françaises snobent systématiquement l’escale de Bangui pour se rendre à Libreville, Kinshasa, Brazzaville ou maintenant Kigali. Il y a bien des raisons à cela. La visite du Secrétaire d’Etat à la coopération Alain Joyandet pourtant un moment prévu, est encore reportée sine die et pour cause, malgré la déchéance et l’incarcération à la prison de la Santé de son ex homologue, le malfrat Saifee Durbar. Bozizé et son clan ne sont pas fiables et n’inspirent pas confiance.

Par ailleurs, ce diplomate ferait mieux de s’édifier en lisant les nombreux rapports de Human Rights Watch, Amnesty International et la FIDH sur les responsabilités personnelles de Bozizé et son fils dans les incendies de villages dans le Nord et la présence de nombreux et innocents civils qui végètent encore en brousse et dans les camps de réfugiés de l’UNHCR au sud du Tchad et à l’Est camerounais.

De quel apaisement parle-t-il ? Où voit-t-il une quelconque amélioration de la situation sécuritaire? Presque chaque jour, ses affirmations sont démenties par les faits d’actualité. Au nez et à sa barbe, Bozizé et sa soldatesque ont torturé et assassiné Charles Massi. Qu’en pense-t-il ? Paris devrait remonter quelque peu les bretelles de cet ambassadeur qui fait un peu trop la part belle à un tyran qui est en train d’instaurer avec sa complaisance voire sa complicité, une dictature sanguinaire dns ce pays. Un tel ambassadeur
  fait honte à la France.  

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6 février 2010 6 06 /02 /février /2010 03:00


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BRAZZAVILLE (AFP) - 05.02.2010 19:09 - La France va financer à hauteur de 578.000 euros (378 millions de FCFA) une école militaire au Congo qui accueillera à partir de septembre 2010 des stagiaires venant de 17 pays africains, apprend-on de source officielle vendredi à Brazzaville.

La France va financer à hauteur de 578.000 euros (378 millions de FCFA) une école militaire au Congo qui accueillera à partir de septembre 2010 des stagiaires venant de 17 pays africains, apprend-on de source officielle vendredi à Brazzaville.

La France va financer à hauteur de 578.000 euros (378 millions de FCFA) une école militaire au Congo qui accueillera à partir de septembre 2010 des stagiaires venant de 17 pays africains, apprend-on de source officielle vendredi à Brazzaville.

Ce projet "est l’un des plus importants menés par la coopération militaire française dans le monde", précise le communiqué diffusé après la signature d'un accord par le ministre congolais de la Défense, le professeur Charles Zacharie Bowao et l’ambassadeur de France au Congo, Jean-François Valette.

"Cette école (...) sera spécialisée dans les travaux publics, le bâtiment et au renforcement des capacités du service de santé des armées", indique le texte. Elle sera installée à la sortie nord de la capitale congolaise.

"Elle accueillera en septembre 2010 des stagiaires militaires en provenance de 17 pays africains pour se former aux métiers du bâtiment (électricité, plomberie, maçonnerie, menuiserie) et des travaux publics (réhabilitation ou création de pistes en terre ou en latérite)", ajoute le document.

A l’issue de leur formation, les militaires pourront mener des travaux au profit des armées et des populations et être engagés dans des opérations de maintien de la paix sur le continent africain.

Le Congo n’abrite pas de base militaire française mais bénéficie régulièrement de la coopération de la France pour la formation des éléments de ses forces armées, de la police et de la gendarmerie.

© 2010 AFP

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4 février 2010 4 04 /02 /février /2010 02:20


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Formé par Pasqua, le Foccart de Levallois-Perret s’est lancé à l’assaut du continent, de ses chefs d’Etat et de ses matières premières

Il débarque à Bangui pour parler uranium. Joue les humanitaires en Centrafrique et les touristes au Katanga. Reçoit des militaires guinéens à Paris. Accompagne Sarko en Libye. Mi-Foccart, mi-Livingstone, Patrick Balkany est-il le nouveau « Monsieur Afrique » de l’Elysée ? Cette question plonge dans une fureur noire certains conseillers du président. « Balkany n’a aucun mandat pour représenter la France, fulmine l’un d’eux. Il n’est pas qualifié pour cela et le signalons fréquemment aux  responsables africains qu’il rencontre. Possible. En attendant, Sarko, lui, ne dit pas un mot pour freiner cette diplomatie parallèle.

Pas  facile, il est vrai, de s’y retrouver parmi tous les représentants officiels et autres « sorciers blancs » qui sillonnent le continent en se recommandant de Paris. Il y a les émissaires authentiques, envoyés par Claude Guéant ou par la cellule africaine de l’Elysée. Il y a ceux de l’équipe Kouchner. Et ceux de Joyandet. Autant d’ « éminences » qui se tirent joyeusement dans les pattes. Sans oublier les conseillers de l’ombre, et particulièrement de Sarko, comme Robert Bourgi, les débris des réseaux Pasqua, les restes de ceux de Chirac, les délégués du Medef, de la Francophonie, des grands groupes français, les affairistes multicartes.

C’est pourtant Balkany qui, ces derniers temps, a tenu la vedette dans la presse africaine. Selon certains confrères, il est au cœur de la négociation qui réunit Areva, numéro mondial de l’exploitation des mines d’uranium, et l’Etat centrafricain. Il y a deux ans, Areva a racheté le gisement de Bakouma et concédé quelques miettes aux indigènes : 12% des bénéfices de l’exploitation, laquelle doit commencer cette année ou l’an prochain.

Le Katanga en joli jet privé

Sans revenir sur ce généreux accord, le gouvernement du président François Bozizé tente d’obtenir une rallonge, sous forme de taxes diverses. Sa méthode : inspirer quelques articles mettant en cause Balkany, tout en s’interrogeant sur les manigances de l’intime de Sarko avec l’homme d’affaires belge George Forrest.

« Balkany s’est poussé du col, explique-t-on à la direction d’Areva. Pas besoin de lui pour faire notre travail. En revanche, nous avons discuté avec Forrest qui possédait des permis d’extraction autour de Bakouma. » Ce même Forrest a aidé le groupe nucléaire à négocier, avec le président de la République Démocratique du Congo, une autorisation d’exploration et d’exploitation de l’uranium valable sur son immense territoire. Là encore, Balkany, sans jouer de rôle majeur, s’est débrouillé pour être sur la photo : il accompagnait Sarko, en mars 2009, à Kinshasa, lors de la signature de cet accord.

Richissime entrepreneur implanté en République démocratique du Congo (mines, cimenteries, travaux publics et…munitions), Forrest est, depuis trois ans, un poisson pilote de choix pour Balkany. « C’est un ami, confie l’homme d’affaires belge au « Canard ».

J’ai mis mon avion à sa disposition depuis Paris pour circuler en Afrique, mais je ne lui ai pas demandé ce qu’il voulait y faire. Je ne suis pas son associé. » Geste désintéressé, bien sûr : grâce à ce coucou de luxe (un Falcon), le globe-trotter de Levallois-Perret a visité l’Afrique centrale et élargi le cercle de ses relations, de Bangui (où il a rencontré en tête à tête le président Bozizé) à Lubumbashi (Katanga).

En réalité, Patrick Balkany n’est pas un blanc-bec sur le continent. Ses premiers contacts remontent aux années 90, lorsque Charles Pasqua, patron des Hauts de Seine  y entretenait des réseaux d’affaires à dominante corse. En 1992, il accompagne le boss sur l’île de Sao Tomé, au large du Gabon, pour une étonnante aventure : Charly voulait transformer ce petit Etat en zone franche (à la fiscalité très libérale), histoire d’y commercer plus tranquillement avec l’Afrique. Une mesquine intervention de la Banque mondiale contrariera ce projet humanitaire.

Deux ans plus tard, lorsque la candidature présidentielle de Balladur se précise, Balkany, là encore adoubé par Pasqua, se découvre une vocation d’ambassadeur. Il rend visite au président camerounais, Paul Biya, et à celui du Gabon, Omar Bongo. Puis, avec l’avion de ce dernier, s’en va saluer une autre grande conscience de la région : Mobutu. A cette époque, Balkany fréquente aussi deux chefs d’Etat qui doivent tout à la France : le Centrafricain Ange-Félix Patassé et le Tchadien Idriss Déby.

Nos amis les putschistes

Battu à Levallois, condamné pour avoir confondu employés municipaux et personnel de maison, celui qui se définit alors comme « l’homme le plus honnête du monde » choisit l’oubli des tropiques et se met au vert à Saint-Martin. Mais l’élection de son ami de quarante ans réveille son goût pour l’Afrique. Particulièrement pour ses régimes démocratiques, tels le mali, le Ghana, le Bénin, etc ? Non, plutôt la Libye – où l’emmène Sarko après la libération des infirmières bulgares -, le Gabon, la Centrafrique, les deux Congos, le Tchad. Des Etats qui présentent deux particularités : un sous-sol regorgeant des richesses et un régime allant de l’autoritaire au dictatorial.

Balkany, qui a écouté les discours du candidat Sarko promettant d’en finir avec les réseaux affairistes, va-t-il s’emparer de cette juste cause ? En septembre 2007, il participe à une mission parlementaire dressant le bilant de la politique africaine de la France. Selon son collègue UMP Jean-Louis Christ, « Balkany n’a pas été présent à la moindre audition ».

A la même période, notre africaniste à gros cigare rencontre un « communicant », Laurent Taïeb, directeur de la revue « L’Essentiel des relations internationales », qui édite de luxueux « numéros spéciaux » à la gloire des régimes africains. Taïeb le présente à George Forrest et à quelques autres experts (banquiers, notamment) du continent. Et il enrôle Renaud Guillot-Corail, conseiller de Balkany (voir ci-contre), dans sa revue. Cette amitié ne le dessert pas : en 2008, l’agence de Taïeb Prestige Communication est chargée par la télé publique France 24 de lui apporter des publicités africaines.

Excès d’enthousiasme ? Le griot de Levallois franchit parfois la ligne blanche. Par exemple en défendant ostensiblement les putschistes mauritaniens (qui viennent de renverser un régime pluraliste). Ou, le 17 septembre dernier, en déclarant à des représentants du président guinéen Camara (auteur, lui aussi, d’un coup d’Etat) : « Le Quai d’Orsay est à côté de la plaque (…), la candidature de Moussa Dadis Camara (à la prochaine présidentielle) ne pose pas de problème (…), les problèmes de l’Afrique ne se posent pas en termes d’élections. »

Manque de bol, onze jours plus tard, le gentil Camara fait tirer à Conakry sur la foule désarmée, tuant plus de 150 manifestants. Cette fois, devant les hurlements de Kouchner, le Président a passé un savon à Balkany. Des propos à l’emporte-pièce comme ceux du 17 septembre peuvent faire perdre beaucoup de crédit à la France. Et peut-être encore plus de contrats.

Jean-François Julliard et Hervé Liffran

 

Le quai d’Orsay de Levallois

Depuis l’élection de Sarko, des émissaires venus de la « Françafrique » se pressent à la mairie de Levallois-Perret. Le bureau de Patrick Balkany et celui de son conseiller Renaud Guillot-Corail ne désemplissent pas. « Je reçois tous les jours des Africains qui viennent passer des messages car ils savent que le maire a l’oreille de Nicolas Sarkozy », avoue ce dernier au « Canard ».

Fabien Singaye, le conseiller du président centrafricain, François Bozizé, a ainsi pris ses habitudes dans cette mairie de banlieue. Au point de demander un jour à Balkany de lui attribuer un HLM municipal pour lui servir de pied-à-terre parisien. Les représentants du président tchadien, le fervent démocrate Idriss Déby, sont eux aussi accueillis à bras ouverts. Toujours prévenant, Balkany a mis des bureaux municipaux à leur disposition pour y déménager l’ambassade du Tchad en cours de rénovation. Ces bureaux, propriété de la Semarelp (société d’économie mixte de Levallois-Perret), accueillent également Tonic Company, une boîte de parfumerie dirigée par Vanessa Balkany, fille de son père. Et aussi India Trade centre, une société présidée par Dan Oiknine, l’époux de Vanessa.

Des hommes d’affaires implantés en Afrique ont pris, eux aussi, les quartiers à l’hôtel de ville. Georges Forrest, pédégé du groupe belge du même nom et ami très cher de Balkany, compte ainsi parmi les visiteurs réguliers.

Tout ce ballet diplomatico-affairiste est censé rester clandestin. A la mairie, Renaud Guillot-Corail, supposé se consacrer exclusivement à Levallois, est toujours entre deux avions : Bangui, N’djaména, Kinshasa et Brazzaville figurent parmi ses destinations favorites.

Ce brave garçon exerce aussi ses talents dans le secteur des…farces et attrapes. Sa société Wordex International, basée à Hong-Kong et à Saint-Domingue, commercialise des gadgets fabriqués en Asie. Mais ce Talleyrand de carnaval compte peut-être fourguer en Afrique ses stocks de poudre à éternuer, de confettis et de langues de belle-mère…

Source : Le Canard enchaîné mercredi 3 février 2010

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14 janvier 2010 4 14 /01 /janvier /2010 22:04


bonne-annee


Jean-Pierre-Vidon.jpg

         Ambassadeur Jean-Pierre Vidon


Allocution de l’Ambassadeur, Haut Représentant de la République française, Doyen du Corps diplomatique, à l’occasion de la présentation des vœux à S. Exc. Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat et à Madame Monique Bozizé, Première dame de Centrafrique



Palais de la Renaissance (11 janvier 2010)

 

Monsieur le Président de la République,

Madame,

Monsieur le Ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration régionale et de la Francophonie,

Madame et Messieurs les Ambassadeurs et chefs de mission diplomatique,

Mesdames et Messieurs les Représentants des Organisations internationales,

Messieurs les Consuls,

Mes chers collègues,

 

            Le privilège m’échoit de prendre aujourd’hui la parole, au nom de l’ensemble des représentants à Bangui des Etats et des institutions internationales qui entendent manifester, par une présence permanente en République centrafricaine, l’intérêt qu’ils portent, Monsieur le Président de la République, à votre pays. Je ne saurais cependant omettre d’associer à mon intervention les représentants des Etats et des organismes internationaux qui sont accrédités en RCA sans y être résidents. Leurs échanges avec les autorités centrafricaines, en particulier lors de leurs visites, participent aussi de cet intérêt dont je suis persuadé qu’il trouve un écho favorable et justifié de la part de Votre Excellence.


            Ainsi, en notre nom à tous, il m’est particulièrement agréable de former à Votre intention, à celle de Madame Monique Bozizé, Première Dame de Centrafrique, à l’endroit de Votre famille mais aussi pour Votre gouvernement et pour le Peuple centrafricain, nos vœux très sincères de bonne et heureuse année 2010.

            Puisse ce millésime, qui ouvre la seconde décennie du siècle, voir la paix se consolider, la prospérité se dessiner et le bien-être s’accroître pour toutes et pour tous dans un esprit de concorde et de partage.

           
L’année qui vient de s’achever s’était ouverte avec une feuille de route prometteuse, celle des recommandations du Dialogue politique inclusif qui reflétaient l’ensemble des attentes exprimées tout au long des travaux. Le nombre des défis à relever était considérable. Depuis lors, nous avons suivi avec toute l’attention voulue les avancées intervenues. Il en est allé ainsi, en particulier, du processus de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion de ceux qui ont accepté de déposer les armes, et des étapes qui vont conduire aux élections présidentielles et législatives dont le peuple centrafricain attend qu’elles soient libres, transparentes et démocratiques.

           
            Des pas décisifs ont été accomplis. Ils ont nécessité volonté politique, esprit de dialogue, arbitrage parfois. Ils ont montré que les mécanismes de la démocratie avaient fonctionné. Des enjambées, Monsieur le Président de la République, n’en sont pas moins indispensables, pour les semaines qui viennent, afin que les échéances soient respectées; ces enjambées justifieront, à n’en point douter, la poursuite de votre forte implication.

 
            Nous savons combien elle a été décisive  pour que soit écartée la tentation de différer les élections en remettant en cause les exigences posées par la constitution. Nous savons aussi le prix que vous attachez à des échanges directs avec les membres du comité de pilotage du DDR et l’engagement qui a été le vôtre pour surmonter les pesanteurs qui entravaient, à moment donné, la poursuite de ce processus. Nous sommes également persuadés que votre volonté de dialoguer contribuera à convaincre ceux qui n’ont pas encore entendu les appels à la paix et dont l’écoute est essentielle pour que puissent s’accomplir les prochaines étapes du DDR.
  

           Tels sont nos espoirs alors que débute une année cruciale pour la République centrafricaine. Les partenaires que nous sommes ont pour objectif d’apporter, sous des formes diverses, notre soutien à votre pays.

            De ce soutien de la communauté internationale, vous avez eu la preuve en atteignant, le 30 juin dernier, le point d’achèvement de l’initiative « pays pauvre très endetté », ouvrant ainsi de nouvelles perspectives de développement. 

           C’est aussi avec pour ambition un appui plus efficace que le cadre multilatéral de la présence internationale évolue. Ainsi, le BONUCA devient-il, cette année, le BINUCA, c’est-à-dire le Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en République centrafricaine sous la direction de la représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies, l’Ambassadeur Sahle-Work Zewde, et avec pour objectif de mieux coordonner les activités des différents organismes du système des Nations Unies présents sur le terrain.
 

            Et c’est aussi dans un esprit d’intégration plus avancée que, désormais, une délégation de l’Union européenne dirigée par notre collègue, l’Ambassadeur Guy Samzun, assure la représentation de l’Union dans son ensemble ce qui me permet de m’effacer dans ce domaine et d’éviter, en ce qui me concerne, un cumul des mandats jusqu’alors incontournable.

             Je ne saurais conclure sur cette actualité de la représentation internationale sans rappeler que le souci d’apparaître mieux structurés a conduit les consuls à créer une association du corps consulaire, initiative pertinente qui leur permettra de mieux affirmer leur spécificité au sein des représentants internationaux. J’en félicite chaleureusement son président, le consul de Turquie, Hicham Kamach. 

           Ainsi 2010, Monsieur le Président de la République, de par ses enjeux, sera une année marquante pour votre pays. Elle lui offrira l’occasion de donner de la République centrafricaine l’image d’un Etat qui a achevé sa marche vers le retour à la paix dans le respect des valeurs de la démocratie.
 

           Puisse, cet objectif être atteint, sous votre impulsion, par les Centrafricains et les Centrafricaines. Ils méritent, pour y parvenir, notre confiance et notre soutien.


NDLR : Bozizé comprend t- il toutes  ces subtilités du langage diplomatique que manie à souhait cet ambassadeur qui devrait davantage être direct et concret dans son adresse. Par exemple, il devrait demander clairement à Bozizé de remettre l'enveloppe de 8 milliards de F CFA de la CEMAC, destinéee au financement du DDR qui, faute d'argent, est complètement à l'arrêt.
 

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