Allocution de S.
Exc. M. Jean-Pierre
VIDON,
Ambassadeur,
Haut Représentant de la République
française auprès de la République centrafricaine
Mercredi 14 juillet 2010
Monsieur le Premier
ministre,
Monsieur le Président de l’Assemblée
nationale,
Mesdames et messieurs les Membres du
Gouvernement,
Mesdames et messieurs les
Ambassadeurs, Chefs de mission diplomatique,
Représentants des organisations
internationales et Consuls,
Monsieur le Président de la Délégation
spéciale de la Ville de Bangui,
Distingués invités,
Mes chers
compatriotes,
Aujourd’hui, 14 juillet 2010, c’est
avant tout à Paris, et non pas à Bangui, que la relation franco-centrafricaine est célébrée.
C’est à Paris, en effet, qu’avec onze
autres chefs d’Etat africains, se trouve S. Exc. le Président de la République centrafricaine à l’invitation de son homologue français. Comme vous le savez, le cinquantenaire des indépendances
africaines a justifié cette rencontre dans la capitale française à l’occasion de notre fête nationale, en hommage aux pays qui ont accédé à la souveraineté en 1960.
Ce temps fort a donné lieu, dès hier,
à un déjeuner de travail offert à l’Elysée par le Président Sarkozy. L’objectif était d’échanger sur les dimensions spécifiques et sur les perspectives de la relation entre la France et les pays
invités, et d’aborder un ensemble de sujets d’intérêt commun qu’ils soient politiques, économiques, sociaux, culturels, relatifs aussi à la coopération en matière de sécurité.
A cette occasion, le Président de la
République a déclaré, je cite, "Il est des dettes qui ne s’éteignent jamais, jamais. C’est le cas de celle que la France a contractée envers vos pays, où commença à briller voici soixante-dix ans
la flamme de la France Libre et dont les fils ont versé leur sang pour libérer la France". fin de citation.
Quelques instants plus tôt, il avait
annoncé une mesure qui répondra à une très forte attente. Je cite "C’est pour témoigner de notre reconnaissance indéfectible envers les anciens combattants que nous souhaitons les voir
bénéficier, désormais, des mêmes prestations de retraite que leurs frères d’armes français. C’est une décision que nous avons prise, Monsieur le Premier ministre, ce matin, en Conseil des
ministres. Egalité parfaite." fin de citation.
Cette mesure prendra effet au 1er
janvier 2011. Les pensionnés concernés devront se manifester auprès de l’ambassade pour que soit effectué l’alignement de leur pension. Tout sera fait pour que ces formalités soient accomplies
dans les meilleures conditions; je m’y engage personnellement. Ce matin, le défilé du 14 juillet a vu la participation, aux côtés des militaires français, de 13 détachements africains. Ainsi,
pour la première fois dans l’histoire, les Forces armées centrafricaines ont été conviées à descendre les Champs-Elysées de l’Arc-de-Triomphe à la Place de la Concorde, illustrant ainsi cette
tradition qui nous est chère, celle des frères d’armes.
Des anciens combattants des différents
pays représentés ont été invités à en être les témoins; parmi eux, bien sûr, des Centrafricains. Cette manifestation exceptionnelle justifiait que puisse en bénéficier le public banguissois ;
c’est pourquoi, une retransmission en direct a été assurée par l’Alliance Française que je remercie vivement pour son concours, la présentation en différé étant maintenant d’actualité à la
résidence comme certains d’entre vous ont déjà pu le constater. Au-delà de l’événement majeur de cette célébration à Paris, ce cinquantenaire des indépendances a une ambition d’une plus grande
ampleur.
Avec cette commémoration, la France
entend témoigner de sa volonté de construire un partenariat rénové, fondé sur des liens historiques et humains privilégiés, et sur un engagement commun en faveur du développement sur ce
continent. Dans cet esprit, il y a plus d’un an, le Président de la République française a confié à l’ancien ministre Jacques Toubon le soin de coordonner les différentes réformes, initiatives et
manifestations destinées à marquer, en 2010, le renouveau des relations entre la France et l’Afrique.
Trois objectifs ont été poursuivis,
l’achèvement de la réforme des principaux instruments de notre relation tant sur le plan économique que politique, déjà amorcé par la renégociation des accords de défense; la célébration de notre
histoire commune, en particulier la contribution de l’Afrique à la libération de la France et la marche vers les indépendances; et la valorisation de la dimension humaine commune à travers la
place de l’Afrique en France et le rôle des Français d’origine africaine dans la République.
Ces fils directeurs constituent des
éléments importants pour l’orientation des actions déployées par l’ambassade. Notre désir est aussi que les autorités centrafricaines en partagent le bien-fondé. La voie a été montrée très
clairement, s’agissant des instruments de notre relation, avec l’aboutissement, le 8 avril dernier, de deux négociations importantes : celle de l’accord de partenariat de défense et celle du
document cadre de partenariat.
L’un et l’autre ont été, en effet,
signés, ce jour-là, à Bangui, par S. Exc. le ministre centrafricain des Affaires étrangères, de l’Intégration régionale et de la Francophonie et par le secrétaire d’Etat français chargé de la
Coopération et de la Francophonie. L’accord de partenariat de défense, lorsqu’il aura été ratifié, de part et d’autre, prendra le relais de l’accord sur la défense de 1960. Il répond pleinement à
la volonté exprimée par la Président Sarkozy au Cap en février 2008, celle, je cite, « d’adapter les accords existants aux réalités du temps présent et… de nouer un nouveau partenariat en matière
de sécurité » fin de citation.
S’inscrivant pleinement dans
l’architecture africaine de paix et de sécurité, il comporte notamment un volet important dédié à la formation. Le document cadre de partenariat définit, pour sa part, pour la période 2010-2013,
les priorités de la coopération franco-centrafricaine : deux secteurs dits de concentration, le développement des infrastructures (transports, électricité, voirie et drainage) et l’appui à la
reconstruction du système éducatif national ; deux secteurs hors concentration, santé et lutte contre le SIDA d’une part, protection de l’environnement et de la biodiversité d’autre part,
l’accent étant mis sur l’aménagement de la forêt; trois secteurs transversaux enfin (gouvernance, promotion de la diversité culturelle et appui à l’enseignement supérieur, coopération de
proximité en direction de la société civile avec une priorité pour la lutte contre la pauvreté). Il était naturel que cette volonté d’une relation rénovée entre la France et l’Afrique ait
profondément marqué le sommet Afrique-France qui s’est déroulé, à Nice, les 31 mai et 1er juin et auquel a participé S. Exc. le Président de la République centrafricaine, chef de
l’Etat.
Renouvelé dans sa conception, le
sommet l’a été dans sa composante politique avec le choix d’aborder les grands thèmes du moment et leurs enjeux mondiaux: la place de l’Afrique dans la gouvernance mondiale, comment contribuer
ensemble à la paix et à la sécurité, climat et développement, enfin. Ces thèmes que l’on savait difficiles ont donné lieu à des discussions franches qui ont permis d’aller au-delà de propos
convenus et de poser la question essentielle de savoir ce que l’Afrique et la France pouvaient faire ensemble dans le monde globalisé du XXIème siècle. Tout aussi novatrice a été l’idée d’une
composante économique avec un triple objectif : valoriser l’entreprise privée comme acteur clef du développement, rappeler aux Etats africains les conditions de l’essor du secteur privé
(notamment en matière d’environnement des affaires) et enfin valoriser les bonnes pratiques. A cet effet, cinq ateliers ont réuni une centaine de ministres ainsi que les représentants de quelque
300 entreprises africaines et françaises et des personnalités qualifiées appartenant notamment aux institutions financières internationales et aux grandes centrales syndicales.
La République centrafricaine a
participé, en particulier, à l’atelier sur l’environnement juridique des affaires, avec la présence de S. Exc. la ministre du commerce et de l’industrie, et d’un chef d’entreprise. La nécessité a
été soulignée, lors de cet atelier, de promouvoir un droit des affaires stable et prévisible afin de créer un climat de confiance indispensable au développement économique. De même a été évoquée
l’importance des cours d’arbitrage et de la stricte application de leurs sentences ainsi que l’importance de disposer d’un cadre juridique harmonisé.
Parmi les avancées significatives, il
convient de mentionner l’annonce, par la présidente du MEDEF, de la création d’une structure commune associant les patronats africains et français. Il est à noter aussi que les entreprises
françaises ont adopté une charte reprenant leurs engagements dans les domaines de la création de richesses et d’emplois, de la formation professionnelle et de la responsabilité sociale et
environnementale.
Les chefs d’Etat et de gouvernement
ont reconnu, dans le communiqué final, qu’il s’agissait là d’un des exemples de bonnes pratiques de gouvernance d’entreprise. Ainsi nos entreprises réaffirment-elles leur engagement de respecter
un ensemble de règles de jeu qui, au demeurant, devrait l’être par l’ensemble des opérateurs économiques. Je ne doute pas que les grands groupes français présents en Centrafrique adhèrent
pleinement à cette charte, sachant que leur attente est précisément de voir leurs concurrents, quelle que soit leur nationalité, respecter les mêmes règles du jeu.
Un développement économique harmonieux
est à ce prix. Faisant mention de nos grands groupes, je saisis ce moment pour saluer l’une de leurs actions, une action qui, certes, ne relève en rien de cette charte, celle d’apporter un
soutien financier essentiel à la réception qui nous réunit. A un moment où les budgets publics sont particulièrement contraints, ce partenariat public-privé mérite d’être chaleureusement
salué.
Second volet de l’initiative du
cinquantenaire, la célébration de notre histoire commune justifie des événements spécifiques venant soutenir l’action essentielle et continue qui revient notamment, en RCA comme dans mon pays,
aux enseignants mais que cultive aussi cette ambassade en rappelant régulièrement l’engagement courageux des fils de l’Oubangui Chari dans les grands conflits du XXème siècle lorsque la France a
fait appel à eux.
Réalisée par le ministère français de
la Défense, l’exposition pédagogique sur la "Force noire" s’inscrit parfaitement dans ce contexte. Elle sera présentée à Bangui fin octobre-début novembre; autour de cette exposition, des
manifestations spécifiques pourront être organisées grâce à la venue de ceux qui l’on conçue. La place de l’Afrique en France, le rôle des Français d’origine africaine dans la République,
troisième et dernier volet, est un thème que j’avais abordé, souvenez-vous en, en concluant mon propos de l’an dernier et en appelant celles et ceux qui ont en partage la nationalité de nos deux
pays à jouer un rôle majeur dans la relation entre les deux nations.
J’ajouterai, aujourd’hui, que nous
devons compter sur celles et ceux, parmi eux, qui résident en France, qui exercent des responsabilités significatives, en particulier, comme élus locaux, et qui sont particulièrement bien placés
pour donner de l’impulsion à la coopération décentralisée. Plusieurs d’entre eux sont présents parmi nous aujourd’hui. Je tiens à les saluer et à les féliciter pour leur
engagement.
Encore timide jusqu’à présent si on la
compare avec les actions déployées ailleurs dans les pays d’Afrique francophone, cette coopération décentralisée commence maintenant à prendre de l’élan comme en témoigne, notamment, le
partenariat qui se noue entre Bangui et Chécy dans le Loiret. Dans cet esprit, l’ambassade a pris l’initiative de réunir à Bangui, du 25 au 27 septembre prochain, les premières assises de la
coopération décentralisée. Qu’il me soit permis aussi de faire mention, parmi les initiatives individuelles, de celle de Georges Mouillac, né d’un père français, militaire au camp Kassaï à
l’époque coloniale, et d’une mère centrafricaine, fille du chef Kadamé.
En hommage à cette dernière il a créé
l’ONG "Pauline Femme centrafricaine" avec l’objectif, aujourd’hui réalisé, de créer, à Ouango, dans le quartier Gbangouma-Mala, une maison de la femme, projet auquel la coopération française
apporte tout son soutien. Puissent de tels gestes se multiplier. Ainsi est décliné, de manière très construite, mais parfois aussi, comme M. Jourdain faisait de la prose, cet ensemble d’objectifs
mis en avant à la faveur de ce cinquantenaire.
Au moment du lancement de sa mission,
Jacques Toubon avait insisté sur le fait que cette célébration devait reposer autant sur les propositions des pays que sur celles de la France. Ce message mérite toujours d’être entendu alors que
vient de commencer la seconde moitié du millésime 2010. Puisse ce second semestre être mis à profit pour que nous agissions de concert afin de donner tout le relief voulu à ce moment marquant de
la relation entre la RCA et la France pour que vive la coopération franco-centrafricaine.
Je vous
remercie