Par Myriam
Berber RFI mardi 21 décembre 2010
Un vaste chantier économique attend le nouveau président de la Guinée, Alpha Condé. Malgré ses ressources en matières premières, or, fer, bauxite et diamant, la Guinée reste l’un des pays les plus pauvres
d’Afrique.
Alpha Condé, le premier président démocratiquement élu en Guinée,
hérite d’une économie en faillite. Avec un marasme social et une croissance négative à moins 0,3% en 2009, le pays occupe la 170e place sur 182 au dernier indice publié par les Nations unies sur
les conditions de vie dans le monde. La dette extérieure est estimée à près de trois milliards de dollars et le pays est miné par la corruption.
Dans ce pays de 10 millions d’habitants, 50% de la population vit actuellement sous le seuil de pauvreté, avec moins de
1,25 dollar par jour. Et les hausses des prix du pétrole, du riz et du blé, ont encore accentué la pauvreté dans le pays. Et pourtant, la Guinée dispose de vastes étendues cultivables qui
devraient lui permettre d’être un grand pays producteur, voire exportateur de vivres, surtout de riz, aliment de base du pays.
Fabuleux potentiel minier
Son sous-sol contient également d’immenses ressources énergétiques, mais aussi et surtout un exceptionnel capital
minier. La Guinée possède les deux tiers des réserves mondiales de bauxite, un minerai servant à fabriquer l’aluminium. La Guinée possède aussi des réserves considérables d’or, de diamant, de
fer, de nickel et d’uranium. Le secteur minier contribue pour plus de 60% aux exportations du pays, et pourtant il n’assure que 25% des recettes intérieures de l’Etat.
Les contrats miniers signés sous l’ère du président Lansana
Conté, et par ses successeurs sont, en effet, jugés trop favorables aux multinationales. Selon le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), l’apport annuel des
entreprises minières aux finances publiques était estimé seulement à 120 millions de dollars en 2007 alors qu’il pourrait être au moins dix fois supérieur.
Un déficit en infrastructures
C’est pourquoi depuis 2008, le gouvernement a mis en place une commission interministérielle chargée de renégocier les
contrats miniers. Cette situation n’inquiète pas les géants miniers qui continuent à investir. Le conglomérat anglo-australien Rio Tinto, associé au groupe chinois Chinalco a ainsi promis des
investissements à hauteur de 2,9 milliards de dollars pour exploiter Simandou, une importante mine de fer dans le sud-est du pays.
A terme, l’objectif pour le gouvernement guinéen est de cogérer l’exploitation des ressources minières au lieu de se
contenter uniquement d’encaisser les recettes. Ces nouveaux revenus devraient servir notamment à rembourser la dette extérieure et à financer des programmes d’infrastructures du
pays.
Tout manque : routes, rails, ports…L’électricité et l’eau manquent aussi, en dépit d’un potentiel hydro-électrique très
prometteur. Les Guinéens espèrent que l’arrivée de la Chine dans ce secteur permettra de renverser la tendance. Dernier exemple en date : la société China Hyway Group s’est engagé en septembre
dernier à construire des barrages hydrauliques contre l’exploitation de sites de bauxite et de fer.
A la Une : un grand jour pour la Guinée
mardi 21 décembre 2010
Par Frédéric Couteau RFI
A l’heure où Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara continuent de se déchirer pour le pouvoir, en Guinée voisine, le processus électoral arrive à son aboutissement avec l’intronisation ce
mardi d’Alpha Condé. « Le jour de gloire est arrivé », s’exclame le site d’information Guinée Conakry Infos. « Ce mardi 21 décembre 2010, tous les projecteurs de par le monde entier
seront braqués sur la salle des congrès du Palais du Peuple, épicentre de cet évènement historique pour tous les Guinéens. (…) Ils seront plus d’une centaine de personnalités, venant des quatre
coins du monde, qui rallieront la capitale de Guinée, Conakry. Dont plus d’une dizaine de présidents des pays frontaliers et amis de la Guinée ».
Alors hier, Alpha Condé a été aperçu en ville, à Kaloum, l’une des cinq
communes de Conakry. Le site Tam-tam Guinée raconte la scène : « il est 15h45 quand le cortège du président élu, le
Pr Alpha Condé, s’immobilise contre toute attente devant le siège d’une banque. (…) Les curieux ont déjà envahi les lieux. Subitement, Alpha Condé sort de sa Hummer jaune et lève sa main pour
saluer les dizaines de curieux. (…) "Prési ! Prési !", entendait-on de ces jeunes, se bousculant pour serrer la main du premier président démocratiquement élu en Guinée depuis 52 années de
libération du joug colonial ».
Au travail !
Voilà, une scène qui augure bien de la liesse populaire attendue aujourd’hui dans les rues de Conakry. Toutefois, la
fête sera de courte durée pour le nouveau président guinéen qui va devoir se mettre rapidement à la tâche. « Les défis vont commencer pour
Alpha Condé à la minute précise où il aura fini de jurer dévouement à son pays et à sa constitution, relève le Républicain
à Bamako. (…) La Guinée des paradoxes, qu’il le sache, ne lui
réservera que des servitudes. L’eau courante et l’électricité manquent encore à ce château d’eau du continent à l’incroyable potentiel hydroélectrique. Les ressources minières dont son
sous-sol regorge n’ont pas permis le décollage économique d’un pays qui a tout pour être une des locomotives de la sous-région. Ses perspectives agro-industrielles sont décapantes tout comme son
potentiel touristique ».
En effet, renchérit le site d’information Fasozine, « pour le président Alpha Condé qui prend les rênes de la République en ce mardi historique, il s’agira
moins de jouir d’un pouvoir pour lequel il s’est battu pendant plusieurs années que de construire un véritable Etat. (…) Parce qu’il hérite d’un pays où tout est à faire ou à refaire, le nouveau
président n’a plus droit à l’errance ».
« Premier chantier incontournable, remarque pour sa
part L’Observateur au Burkina, la réconciliation des cœurs. Au-delà de la Commission vérité et réconciliation que le nouveau président veut installer, il lui faudra rassembler large, car, au
vu du verdict des urnes, un Guinéen sur deux ne se reconnaît pas en lui ; sans occulter le fait que, depuis des années, des familles meurtries et endeuillées attendent des réparations
auxquelles l’avènement d’une justice impartiale devra s’atteler tout en évitant la chasse aux sorcières. Autrement dit, l’impunité doit cesser en Guinée ».
Autre grand chantier prioritaire pour L’Observateur : la réforme de l’armée qui « n’a d’armée que le nom, relève le journal, et est plus putschiste que
républicaine ».
Enfin, note L’Observateur, « l’équipe de combat que devra mettre en place Alpha Condé doit immédiatement se mettre à labour. Ce
gouvernement "d’union nationale" (…) doit poser rapidement des actes à même de remettre en marche ce pays sur cale depuis des lustres ».
Des solutions !
La Côte d’Ivoire à présent… Le bras de fer se poursuit sur le plan intérieur et sur le plan extérieur, avec l’ONU qui a prolongé le
mandat de sa force sur place. Mais, la question qui agite les commentateurs ivoiriens ce matin, c’est comment en sortir ? Quelles solutions trouver à la crise... « L'enjeu de cette bataille pour chacun des protagonistes, c'est de vaincre à tout prix », constate Soir Infos. Alors, la seule solution, estime-t-il,
est la discussion : « dans ce duel entre les deux protagonistes qui risque de faire de nombreuses victimes, il est préférable pour ces
deux frères d'engager le dialogue », affirme le journal.
L’Intelligent, lui, n’y croit pas :
« engager une médiation ? Cela n’est pas à l’ordre du jour, aux dires du Président Alassane Ouattara, affirme-t-il,
qui n’envisage pas de discuter avec son adversaire pour l’instant ».
Alors, pour L’Inter, autre quotidien abidjanais, « il ne reste plus qu’un schéma pour sortir de l’imbroglio dans lequel est
plongé la Côte d’Ivoire : la reprise totale du 2e tour du scrutin présidentiel. (…) Cette solution, estime le journal, a
le mérite de ne favoriser aucun des deux camps, comme celle du partage du pouvoir qui n’emballe pas les protagonistes ou la reprise partielle du scrutin dans les zones litigieuses du nord
également balayée du revers de la main ».
Et pour L’Inter, il faudrait écarter la CEI et le Conseil constitutionnel, « deux organes, qui n’inspirent plus confiance ni à Laurent Gbagbo ni à Alassane Ouattara ». Et installer en lieu et place, un autre
organe consensuel, comme en Guinée, justement, où les « candidats, rappelle L’Inter, étaient tombés d’accord sur le choix du général malien Siaka Sangaré pour conduire la Commission électorale nationale
indépendante ».