par Chronakis 03/05/2011 - 22:36 LeMatin.ch (http://www.lematin.ch)
Jusqu’à présent, seul le transfert de la mer Noire vers la Méditerranée du porte-avions américain «USS Enterprise» a véritablement fait la une des médias. Mais le déploiement naval dans les eaux internationales de la Libye rassemble déjà près de quarante bâtiments de guerre de douze pays.
La France a par exemple envoyé son bâtiment de projection et de commandement «Mistral» ainsi que les frégates «Georges-Leygues» et «Tourville». L’Allemagne a dépêché sur la zone deux frégates, ainsi qu’un pétrolier ravitailleur «Berlin». La marine italienne a, elle aussi, mobilisé d’importants moyens, avec cinq navires.
D’autres bâtiments sont venus de beaucoup plus loin, détachés de leur mission de la lutte contre la piraterie au large de la corne d’Afrique. C’est le cas de la frégate chinoise «Xuzhou» et du destroyer lance-missiles sud-coréen «Choi-Young». Pour sa part, l’Inde a décidé de déployer deux frégates de Delhi, ainsi que le transport de chaland de débarquement «Jalashiva».
Cette impressionnante armada a pour mission première de permettre l’évacuation des réfugiés arrivés en Tunisie, où la situation devient critique: 100.000 personnes sont sur place, 10 000 à 15 000 arrivent chaque jour mais dans le même temps, seulement 3000 en repartent. Une partie des moyens navals engagés doit servir à rapatrier ces réfugiés par la mer, notamment en Egypte.
Toutes les options ouvertes
Reste que la puissance de feu déployée par la coalition internationale qui est en train de se mettre en place – un porte-avions, deux porte-hélicoptères, six destroyers, etc. –, paraît disproportionnée pour une opération en Tunisie ou à l’Est de la Libye seulement.
«Pour ce genre de mission, on pourrait se contenter d’affréter des ferries», estime l’expert militaire Alexandre Vautravers. L’instauration d’un embargo sur les armes ou d’une no-fly zone ne justifie pas non plus un tel déploiement. Selon le directeur du Département de Relations Internationales de l’Université Webster, à Genève, on se prépare à l’ouverture de force d’un corridor humanitaire en Libye. «L’engagement de bâtiments comme Kearsarge ou le Mistral, coûte très cher. S’ils ont été déployés, c’est pour parer à toute éventualité.»
Le «BPC Mistral», par exemple, est une véritable «ville flottante». Long de 199 mètres, il peut emporter jusqu’à 16 hélicoptères et transporter des chalands de débarquement (4 CTM pour le Transport de Matériel ou 2 LCAC, engins de débarquement sur coussin d’air). Quant au porte-hélicoptères «USS Kearserge», il héberge actuellement 48 hélicoptères et quelque 800 marines capables d’établir une tête de pont en Libye. En outre, d’autres navires, actuellement engagés dans une mission d’entraînement de l’OTAN en Espagne, devraient rejoindre la zone.
En cas d’affrontement direct, l’armée libyenne ne ferait pas le poids. Officiellement, elle compte certes 76 000 hommes, mais personne ne peut dire précisément combien ont déserté. Quant à ses 370 avions de combat selon les estimations les plus élevées, il faut savoir que la plupart sont délabrés. «Il serait déjà étonnant que la moitié soit en mesure de voler», explique Alexandre Vautravers. «Seule une trentaine d’avions sont opérationnels», estime pour sa part Albert Stahel, directeur de l’Institut pour les études stratégiques de Wädenswil.
Des militaires britanniques pour conseiller les insurgés
Le plus grand danger pourrait donc venir des missiles sol-air et sol-mer de fabrication russe, française et chinoise dont disposent les troupes loyales au colonel Kadhafi. Pour les neutraliser, une intervention plus massive, au sol, serait nécessaire.
Seulement voilà, il semble exclu que des soldats occidentaux s’engagent de façon durable en Libye. Il faut donc soutenir autant que possible l’opposition. Selon le Guardian de samedi, des experts britanniques dépêchés à Benghazi encadreraient déjà le commandement des forces rebelles.
Mais pour Albert Stahel, le coup de pouce décisif viendra d’ailleurs: «Des missiles de croisière seront tirés par les sous-marins français et américains sur les QG de Kadhafi, c’est couru d’avance.»