Dotée d’un nouveau président, la Centrafrique sombre dans la crise
Cinq mois après avoir renversé le président de la République de la Centrafrique (RCA) François Bozizé, Michel Djotodia a prêté serment dimanche 19 août pour devenir le sixième président de ce pays d’Afrique centrale
CETTE PRESTATION DE SERMENT RÉTABLIT-ELLE LA LÉGALITÉ ?
En jurant dimanche 19 août à Bangui « de garantir l’indépendance et la pérennité de la République, de sauvegarder l’intégrité du territoire, de préserver la paix, de consolider l’unité nationale, d’assurer le bien-être du peuple centrafricain, de remplir consciencieusement les devoirs de la charge, sans aucune considération d’ordre ethnique, régional, religieux et professionnel », Michel Djotodia est devenu le sixième président de la République de la Centrafrique (RCA).
Cette cérémonie entend donner un cadre légal au pouvoir exercé par l’ancien chef de la rébellion Séléka qui a renversé le président François Bozizé le 24 mars. Elle s’inscrit dans le dispositif institutionnel préparé au mois d’avril par les chefs d’État de la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC) afin de doter le nouveau régime d’une assise juridique stable.
Cette prestation fait suite à la création d’un Parlement provisoire et d’une Cour constitutionnelle de transition. Selon le dispositif mis en place par la CEEAC, cette prestation de serment ouvre une période de transition de 18 mois qui devrait s’achever par des élections générales.
DANS QUEL CONTEXTE S’EST-ELLE DÉROULÉE ?
Les combattants issus de la Séléka agissent sans contrôle dans le pays. Selon l’ONU, la population vit dans un « climat permanent de peur ». La semaine dernière, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a demandé au Conseil de sécurité d’envisager des options afin de mettre fin à l’impunité pour les auteurs d’exactions.
Les membres du Conseil de sécurité se sont inquiétés également de la « recrudescence des opérations de la LRA », l’Armée de résistance du Seigneur, une milice pourchassée par les États d’Afrique centrale.
Par ailleurs, un rapport du Pentagone daté du 2 juillet, que l’hebdomadaire Jeune Afrique s’est procuré, s’alarme de ce qu’il perçoit comme une influence soudanaise sur l’ex-rébellion Séléka, au point de prédire l’apparition d’une « plate-forme de subversion au cœur de l’Afrique ».
À cet environnement s’ajoute la menace d’une crise humanitaire et sanitaire majeure après les pillages généralisés des stocks alimentaires et des centres de santé. Selon l’ONU, 1,6 million de Centrafricains (sur une population de 4,5 millions d’habitants) ont besoin d’une aide d’urgence et 206 000 ont été déplacées.
LAURENT LARCHER
Centrafrique: tensions à Bangui dans le quartier de Boy-Rabe
RFI mardi 20 août 2013 à 00:17
Panique dans le quartier de Boy-Rabe, situé dans le 4e arrondissement de Bangui, un jour seulement après la prestation de serment de Michel Djotodia. En effet, la majorité des habitants du quartier ont déjà évacué la zone, à cause des rumeurs d’attaque des hommes de la coalition Seleka. Des tirs à l’arme automatique et légère ont été entendus dimanche dans la matinée de la prestation de serment de Michel Djotodia à la tête de la transition. Les ex-rebelles de la Seleka et les jeunes de Boy-Rabe se rejettent la responsabilité. A l’issue d’une réunion tenue lundi 19 août, les nouveaux maîtres de Bangui promettent des représailles, afin de restaurer l’autorité de l’Etat dans le quartier. Boy-Rabe est reconnu comme l’un des quartiers les plus agitateurs de Bangui.
Officiellement, l’accès au quartier de Boy-Rabe a été fermé, à cause de la prestation de serment du président de la transition Michel Djotodia, le 18 août à Bangui. Mais le garrot est resté serré jusqu’à ce mardi matin. La coalition Seleka a déployé un important dispositif militaire à l’entrée du quartier, afin de filtrer la circulation.
Les véhicules et autres engins à deux roues n’ont toujours pas pénétré la zone. Tous les passants sont systématiquement fouillés. Une psychose généralisée gagne la population. Les trois quarts des habitants de ce quartier, réputé proche de l’ancien président François Bozizé, ont déjà évacué le périmètre, à cause des rumeurs d’attaque des éléments de la Seleka.
Un quartier qui regorge d’armes
Dans une réunion tenue lundi à Bangui, le ministre d’Etat à la Sécurité publique, Noureddine Adam, n’a pas caché sa colère face au comportement des jeunes de Boy-Rabe. Pour lui, Boy-Rabe regorge d’armes distribuées par l’ancien régime. Par conséquent, il doit être désarmé.
Un ultimatum a été donné à cet effet aux chefs de quartier : ils doivent dénoncer les infiltrés. Sinon, « l’armée prendra ses responsabilités et ce, sans concession », a dit le ministre.
Déjà en avril, plus de 25 personnes ont été tuées par la Seleka dans une opération dite de désarmement, dans le seul quartier de Boy-Rabe, en deux jours. Depuis lors, l’ancien chef de la Seleka, Michel Djotodia, a promis de ne pas entrer dans Boy-Rabe. Même si, a-t-il dit, « nous savons que Boy-Rabe regorge d'armes ».