ALLIANCE DES FORCES DEMOCRATIQUES POUR LA TRANSITION (AFDT)
(ASD-CRPS-MCP-MDES-MLPC-RDC-UDECA)
COMMUNIQUE DE PRESSE N° 15
L’Alliance des Forces Démocratiques pour la Transition (AFDT) informe l’opinion nationale et internationale qu’elle a saisi le 24 juin 2015 :
1°/ Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies
2°/ Madame la Haute Représentante de l’Union Européenne
3°/ Madame la Secrétaire Générale de l’Organisation Internationale de la Francophonie, aux fins de la désignation d’un Collège de 03 constitutionnalistes de réputation internationale, lesquels auront pour mission de donner un avis sur le champ d’application de l’article 106 de la Charte Constitutionnelle de transition de la Républicaine Centrafricaine relative à la clause d’inéligibilité des principaux acteurs de la transition.
En effet, à l’approche des élections groupées présidentielle et législatives de 2015, deux courants se dégagent, l’un pour une application stricte de la clause d’inéligibilité aux seuls acteurs en fonction de la transition et l’autre, pour une application extensive aux anciens dirigeants de ladite transition.
La question est d’une double importance : d’abord le respect scrupuleux de la loi fondamentale qui régit la transition et ensuite l’exigence d’élections inclusives et plurielles afin d’éviter une crise politique majeure.
Si les partisans d’une application extensive se perdent en conjectures, l’AFDT plateforme politique structurée ayant accompagné le processus de transition depuis l’accord politique de Libreville du 11 janvier 2013 jusqu’à ce jour, inscrit sa démarche dans une perspective conforme à la lettre et à l’esprit de la Charte.
1/Justification de la clause d’inéligibilité
La finalité de la clause d'inéligibilité réside exclusivement dans l'exigence démocratique de garantir des élections transparentes, justes et équitables, sans pression des autorités en charge des affaires de l'Etat. C'est pour cette raison que les acteurs majeurs de la transition ne peuvent être candidats afin d'éviter qu'ils n'utilisent les moyens de l'Etat et n'exercent des pressions de nature à porter atteinte à l'impartialité et à la sincérité du scrutin.
Contrairement à certaines allégations dénuées de tout fondement, c’est l’ancienne opposition démocratique au régime de BOZIZE qui, dans un mémorandum assorti d’une « Proposition de sortie de crise…aux négociations de Libreville » avait été la première force politique à revendiquer l’inéligibilité des acteurs de la transition en ces termes : « Les responsables des Institutions de la Transition (Président de la République de la Transition, Président de l’Assemblée Nationale de Transition et Premier Ministre du Gouvernement de Transition) s’engageront à ne pas participer aux élections présidentielles préparées par elles »
Cette proposition de sortie de crise a été rendue publique : cf.
- le quotidien « Le Confident » N° 3130 du 11 janvier 2013
- le quotidien « Le Démocrate » N° 2863 du 11 janvier 2013
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Cette règle d’inéligibilité dont l’ancienne opposition démocratique revendique la paternité avait été incorporée dans l’accord politique de Libreville du 11 janvier 2013. Il s’agit d’une vérité historique incontournable, vérifiable et qui ne saurait être occultée.
L’esprit du texte vise à écarter des élections ceux qui, au pouvoir, ne sauraient être à la fois juges et parties.
Ce rappel est nécessaire pour la compréhension des textes qui ont été ultérieurement édictés sur la clause d’inéligibilité.
C'est pourquoi les principaux acteurs de la transition qui ne sont plus en fonction depuis plus d’un an et qui ne le seront pas au moment des élections ne peuvent être concernés par cette clause.
2/ Symétrie des droits et obligations découlant de cette clause
Il est important de relever que l'inéligibilité dans le cadre de la transition n'est nullement une déchéance des droits politiques et civiques. Il s'agit d'une renonciation volontaire à un droit constitutionnel fondamental qui est celui de l'exercice d'une charge publique élective pendant une période de cinq (5) ans. Cette renonciation, qui est un sacrifice politique, créé une obligation dont la contrepartie est le droit de rester en fonction jusqu'à la fin de la transition.
C’est une constante qu'on retrouve dans tous les actes fondateurs de la transition actuelle dans ses différentes phases : Accord politique de Libreville du 11 janvier 2013, Déclaration de N'Djamena du 18 avril 2013 et Charte Constitutionnelle de Transition du 18 juillet 2013. Tous ces textes qui constituent le socle de la transition consacrent l'inséparabilité et l’indissociabilité des droits et des obligations dont les uns ne peuvent se concevoir sans les autres.
a) Accord politique de Libreville du 11 janvier 2013
Cet accord a prévu qu'en contrepartie de l'inéligibilité du Chef de l'Etat et du Premier Ministre, ces derniers restent en fonction jusqu'aux élections de 2016. Ainsi, l’article 1er indique que « le Président de la République demeure en fonction jusqu’au terme de son mandat en 2016. Il ne peut se présenter pour un autre mandat ».
L'article 3 dispose: « Le Gouvernement ne peut être révoqué par le Président de la République pendant la période de la transition » tandis que l'article 6 énonce: « Le Premier Ministre ainsi que les autres membres du Gouvernement ne peuvent être candidats à la prochaine élection présidentielle ».
b) Déclaration de N'Djamena du 18 avril 2013
Les mêmes dispositions sont reprises dans la Déclaration susvisée avec une extension aux membres du Bureau du Conseil National de Transition (CNT). Ainsi, l'article 5 de cette Déclaration dispose : « Le Chef de l'Etat, le Premier Ministre et les Ministres membres du Gouvernement de transition, ainsi que le Président et les membres du Bureau du CNT ne peuvent se présenter aux prochaines élections ».
L'article 6 affirme aussi que « Le Premier Ministre dispose de pouvoirs étendus. Il ne peut être révoqué par le Chef de l'Etat pendant la durée de la transition ».
c) Charte Constitutionnelle de Transition
L’article 34 alinéa 2 dispose que le Premier Ministre : « ne peut être révoqué par le Chef de l’Etat de transition ni par le Conseil National de transition pendant la durée de la transition ».
L'article 104 alinéa 2 stipule que « le Premier Ministre reste en place jusqu'à la nomination de son successeur par le futur Président élu démocratiquement».
L'article 106 alinéa 1er dispose: «Le Chef de l'Etat de Transition, le Premier Ministre de Transition, les membres du Gouvernement de Transition et les membres du Bureau du Conseil National de Transition sont inéligibles aux élections présidentielle et législatives organisées à l'issue de la Transition ».
Il est aisé de relever que tous les actes fondateurs de la transition ont affirmé de manière non équivoque que l'obligation résultant de l'inéligibilité est étroitement liée au droit d'exercer les fonctions jusqu'à la fin de la transition.
Les dispositions créant une obligation (inéligibilité) sont toujours accompagnés d'un droit (maintien en fonction jusqu'à la fin de la transition).
L'exercice de ce droit et le respect de l’obligation qui lui est inhérente sont indissociables et constituent les deux facettes d'une même réalité juridique. Ainsi, la perte de ce droit par son titulaire entraîne corrélativement la décharge de l'obligation qui lui est dialectiquement, étroitement et intimement liée. C'est le principe de l'extinction d'une obligation liée à la perte d'un droit.
Dès l'instant où il a été mis fin à ces fonctions avant leur terme, en violation flagrante des textes susvisés, leurs titulaires sont juridiquement, politiquement et moralement déliés de l'obligation relative à l'inéligibilité. Soutenir le contraire, c'est admettre une exclusion qui ne repose sur aucun fondement légal ; c'est prononcer une peine de déchéance de leurs droits politiques et civiques alors qu’une telle sanction relève exclusivement de la compétence du juge pénal ; c’est sacrifier le respect de la légalité républicaine sur l’autel de l’arbitraire et de l’injustice.
3/ Application de la Charte constitutionnelle de la Transition aux seuls acteurs en fonction
Tous les droits et obligations découlant de la Charte Constitutionnelle de Transition ne concernent que les acteurs de la transition en fonction. Il s’agit d’une réalité juridique confirmée par les dispositions de l’article 104 de la Charte dont la clarté ne saurait souffrir d’une quelconque interprétation.
Ainsi, s’agissant de l’Exécutif, ce texte énonce :
« Le Chef de l’Etat de la Transition ne porte pas le titre de Président de la République. Il reste en place jusqu’à la prise de fonction effective du Président de la République, Chef de l’Etat » (article 104 alinéa 1er).
« Le Premier Ministre reste en place jusqu’à la nomination de son successeur par le futur Président élu démocratiquement » (article 104 alinéa 2).
Il n’existe dans la Charte aucune disposition relative aux anciens dirigeants de la transition (Anciens Chefs de l’Etat de Transition, Anciens Premiers Ministres de Transition, Anciens membres du Gouvernement de Transition etc…) sur qui doit peser une quelconque obligation. Au contraire l’article 104 est la parfaite illustration de l’inexistence de cette catégorie d’acteurs.
4/ Délimitation du champ d’application de l’article 106 alinéa 1er de la Charte
Cette disposition déjà citée est ainsi libellée :
« Le Chef de l’Etat de la Transition, le Premier Ministre de Transition, les membres du Gouvernement de Transition et les membres du Bureau du Conseil National de Transition sont inéligibles aux élections présidentielle et législatives organisées à l’issue de la Transition ».
La question qui se pose est la suivante : cette clause est-elle applicable aux anciens acteurs majeurs de la transition ?
Pour y répondre, il faut définir leur statut.
Débarqué par le 6ème Sommet Extraordinaire des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la Communauté Economique des Etats l’Afrique Centrale (CEEAC) à N’Djamena le 10 janvier 2014 en même temps que l’ancien Chef de l’Etat de transition Michel DJOTODIA, le Premier Ministre Nicolas TIANGAYE avait remis sa démission ainsi que celle de son Gouvernement à Bangui le 14 janvier de la même année au Président du Conseil National de Transition.
Il n’est pas et n’est plus le Premier Ministre de Transition tel que visé par l’article 106 alinéa 1er. Son statut actuel est celui d’un ancien Premier Ministre. Il en est de même des anciens membres du Gouvernement.
Or, la règle d’inéligibilité étant une dérogation à un droit constitutionnel fondamental, celle-ci doit être appliquée restrictivement aux autorités limitativement désignées. En conséquence, l’extension de son champ d’application à des personnalités qui ne sont pas expressément visées constitue indéniablement une violation flagrante de la Charte constitutionnelle de transition.
Les anciens responsables de la transition ne sont nullement dans la posture de dirigeants qui, par esprit de fraude et de contournement de la loi, démissionnent de leurs fonctions par calcul personnel à la veille des élections pour se porter candidats. Si une telle hypothèse se présente, la Cour Constitutionnelle de Transition, juge de l’éligibilité, dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation pour se prononcer sur la validité intrinsèque de telles candidatures.
5/ Intangibilité et immutabilité de l’article 106 de la Charte
Seule une révision des articles 104 et 106 de la Charte peut offrir une opportunité d’extension du champ d’application de la clause d’inéligibilité aux anciens dirigeants de la Transition.
D’une part une telle révision impliquera la suppression pure et simple de l’article 104 désormais sans intérêt en raison de sa violation répétée et d’autre part la reformulation de l’article 106 en vue d’englober les anciens acteurs de la Transition.
Le nouvel article 106 alinéa 1er peut être ainsi libellé :
« Le Chef de l’Etat de la Transition et les anciens Chefs de l’Etat de la Transition, le Premier Ministre de Transition et les anciens Premiers Ministres de Transition, les membres du Gouvernement de Transition et les anciens membres du Gouvernement de Transition, les membres du Bureau du Conseil National de Transition et les anciens membres du Bureau du Conseil National de Transition sont inéligibles aux élections présidentielle et législatives organisées à l’issue de la Transition ».
Mais une telle démarche se heurtera frontalement au verrou dirimant de l’article 101 de la Charte qui dispose :
« Sont expressément exclus de la révision : …l’inéligibilité du Chef de l’Etat de la Transition, du Premier Ministre de Transition, des membres du Gouvernement de Transition et des membres du Bureau du Conseil National de Transition aux élections présidentielle et législatives organisées durant la Transition… le présent article ».
Devant l’impossibilité d’une extension de la clause d’inéligibilité aux anciens responsables de la Transition, et face à la persistance de la divergence sur la question, l’AFDT réunie en session extraordinaire le 23 juin 2015, a décidé à l’unanimité de solliciter l’éclairage de 3 constitutionnalistes de renommée internationale désignés respectivement par l’Organisation des Nations Unies, l’Union Européenne et l’Organisation Internationale de la Francophonie. Ce collège d’experts indépendants qui ne sauraient être suspectés de partialité, donnera un avis dont l’autorité scientifique s’imposera aux uns et aux autres.
Bangui, le 25 juin 2015
Le Président de la Conférence des Présidents
Maître Nicolas TIANGAYE
Pièce jointe : - proposition de sortie de crise