La république centrafricaine a été un véritable enfant malade de l’Afrique pendant ces trois dernières années. Tout est parti du renversement de l’ancien Président François Bozizé le 24 mars 2013 par Michel Djotodia avec l’aide de la milice d’obédience musulmane Séléka. Le nouvel homme fort s’installe au pouvoir promettant de réformer l’armée nationale en veillant à l’équilibre régional au sein de la grande muette. Il promet aussi de diriger le pays autrement en donnant des chances égales à tous les Centrafricains et à toutes les Centrafricaines. François Bozizé n’a pas eu d’autres choix que de prendre le chemin de l’exil. Non content du putsch l’ayant renversé, les anti-balaka, milice chrétienne pro-Bozizé prennent à leur tour les armes contre les Séléka. Ainsi le pays s’engage dans un cycle infernal de violences interreligieuses entre les Séléka et les Anti-balaka. Mais Michel Djotodia, le « nouveau messie » des Centrafricains a très tôt étalé toute son incapacité à faire face à la situation. Chaque jour, des morts se comptent par dizaines. Devant la situation chaotique, Djotodia a été contraint à la démission par les Chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale le 10 janvier 2014. C’est ainsi que le 23 janvier, Catherine Samba-Panza a été élue comme Présidente de la transition par le Conseil national de la transition, le parlement provisoire. Le calendrier de la transition est connu avec des élections générales prévues pour la fin de l’année 2015. C’est alors que le plus dur commence et la Centrafrique bascule dans la violence interreligieuse et une guerre civile insidieuse.
Le long chemin de la transition
La conduite de la transition a été pour Catherine Samba-Panza, plus un véritable chemin de croix. Les violences n’ont pas cessé, bien au contraire. Tous les mois pratiquement, il y avait des accrochages sanglants entre Séléka et Anti-balaka sous les regards impuissants des soldats français de l’opération Sangaris, ceux de la force européenne (EUFOR) et de la mission onusienne en Centrafrique (MINUSCA). La violence a été exacerbée par la multiplication de groupes armés sur toute l’étendue du territoire centrafricain. Des éléments de l’armée de résistance du seigneur(LRA), rébellion ougandaise était aussi active en Centrafrique. Même les français de l’opération Sangaris ne sont pas à l’abri des attaques de groupes armés. La France, ne voulant pas que la transition se prolonge, a pesé de tout son poids pour que rapidement une solution soit trouvée à la crise. La Communauté économique des Etats d’Afrique centrale(CEAC) a aussi joué un rôle capital. Ainsi, un accord de cessation des hostilités par les belligérants à Brazzaville, capitale congolaise a été conclu le 23 juillet 2014. Une paix précaire sera obtenue aux forceps mais perturbée par des violences sporadiques entre les Séléka et les Anti-balaka. Le 28 janvier 2015, un accord de cessez-le-feu sera signé à Nairobi entre les différentes milices.
Cet accord ne sera pas respecté car quelques groupes se sentent marginalisés. Des scènes de violence et de pillage s’enchaînent. Un forum de réconciliation et de désarmement est organisé en mai 2015. Mais Même après le forum de Bangui, des scènes de violences ont été encore enregistrées dans le pays. Là encore, il faut signaler que le diktat des groupes armés n’était pas à son terme. La fin de l’année 2015 a aussi été marquée par une série de violences meurtrières. La situation a conduit à proroger la transition de trois mois c'est-à-dire jusqu’en fin mars 2016. C’est d’ailleurs la situation sécuritaire très peu favorable qui a conduit à l’annulation des résultats des législatives du 13 décembre 2015 et à deux reports du second tour des présidentielles. Pour que le pays parvienne à l’ordre constitutionnel, il a fallu la mobilisation à son chevet des pays de l’Afrique centrale et de toute la communauté internationale.
Aux antipodes de la transition burkinabè
La transition centrafricaine, débutée avant celle du Burkina, a bien de leçons à recevoir de cette dernière. Au Faso, la transition, commencée en octobre 2014 avec la fuite de l’ancien président Blaise Compaoré, a connu une brutale interruption avec le coup d’Etat de septembre 2015. La seule modification connue par le calendrier de la transition est le report du scrutin présidentiel d’octobre 2015 à novembre 2015, soit d’un mois. Malgré ce bégaiement, les Burkinabè ont pu se prendre en charge et donné rapidement une issue honorable à leur transition par les élections libres, transparentes et crédibles le 29 novembre 2015. Ce n’est évidemment pas le cas en Centrafrique. Pourtant la transition centrafricaine était en cours avant celle du Burkina. Mais cette dernière a débuté après et a pris fin bien avant avec un résultat apprécié de tous. Si ce n’est la mobilisation générale au chevet de « l’enfant malade » de l’Afrique centrale, la transition aurait sombré dans un cycle interminable tel un piège sans fin.
Le nouveau départ
Après la sortie de la pénible et douloureuse période transitoire qui s’est achevée avec la tenue des élections générales ( législatives et présidentielles) ayant abouti à l’élection de Faustin Archange Touadéra à la tête du pays et la mise en place progressive du nouveau Parlement, la Centrafrique revient de loin, de très loin même. Le nouveau président élu Faustin Archange Touadéra prête serment ce mercredi 30 mars 2016 à Bangui. Un espoir renaît pour ce pays après trois ans passés à la quête de la paix. Mais pour réussir sa mission, il est des chantiers urgents auxquels le nouveau président élu de la république devra faire face. En effet, il est impérieux de travailler à la consolidation de la sécurité. Il faudra rapidement donner un contenu réel au programme de désarmement, de démobilisation, de réinsertion et de rapatriement. Il faut veiller à l’équilibre régional au sein des forces de défense et de sécurité du pays. Ensuite, une conférence nationale de réconciliation s’impose. Cela participe de la cohésion sociale. Elle passe nécessairement par la mise en œuvre d’un programme de développement équilibré dans le pays.
Il faut rappeler que l’investiture de ce 30 mars 2016 vient définitivement fermer la sombre page de trois ans d’instabilité politique sur fond de violences interreligieuses dans le pays. Le bilan de ces trois ans de crise oscille entre 3000 et 6000 morts ou de mutilés et 438 mille 300 réfugiés au Cameroun et au Tchad selon l’ONG Human Rights watch.
Christophe SESSOU