Un puissant chef des milices antibalaka arrêté en 2015 en Centrafrique a été condamné lundi aux travaux forcés à perpétuité par la justice centrafricaine.
Jugé par la Cour d'appel de Bangui, Rodrigue Ngaïbona, alias "général Andjilo" est reconnu coupable d'assassinats, d'association de malfaiteurs, de détention illégale d'armes et munitions de guerre et de séquestration.
En plus des travaux forcés à perpétuité, il devra aussi verser des amendes et dommages intérêts de plus de 130 millions de francs CFA.
Avant le verdict, le président de la cour a donné la parole à l'accusé pour son dernier mot. Le chef anti-balaka, âgé aujourd'hui de 25 ans, a dans une adresse d'une dizaine de minutes, fait savoir qu'il avait pris les armes pour sauver son pays, la RCA, "envahie par des mercenaires étrangers en 2013".
Avant de remettre son sort entre les mains de Dieu et de la justice, le général Andjilo a remercié tous ses "compagnons de lutte" pour leur courage.
Ce verdict est une vraie satisfaction pour les avocats de la partie civile et pour le parquet général, qui a requis une peine de travaux forcés à perpétuité.
Ses avocats bien que déçus, ont trois jours à compter de lundi pour interjeter l'appel.
À Bangui, les avis divergent sur cette décision de la justice.
Divers ONG de défense des droits de l'homme, dont la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), se sont félicitées dans un communiqué commun de la condamnation du "général Andjilo" et espèrent que la CPS permettra "de faire la lumière sur d’autres crimes commis par Andjilo et ses éléments".
#RCA: Condamnation d'#Andjilo à perpétuité: «il est possible qu'Andjilo soit ensuite appelé à répondre d’autres faits, qualifiables le cas échéant de crimes de guerre et crimes contre l’humanité, devant la Cour Pénale spéciale» Lire CP #FIDH #LCDH #OCDH https://t.co/89y7IWTbWh pic.twitter.com/4hasQHkpTD
— Samuel Press FIDH (@Sam_hanryon) 22 January 2018
"Je ne redoute rien, qu'on nous amène devant la CPS, et même devant la CPI (Cour pénale internationale), nous nous défendrons", a réagi Me Gonenzapa, avocat de la défense, qui a annoncé qu'il ferait appel.
Lors du procès, la défense avait rejeté toutes les accusations, les qualifiant de "château de carte". Selon M. Gonenzapa, son client n'a fait que "défendre sa patrie contre des envahisseurs", n'a pas détenu d'armes de guerre mais des armes de chasse et ne se trouvait pas à l'endroit des assassinats dont il est accusé.
La Cour d'appel de Bangui a également jugé par contumace deux membres de l'ex-Seleka, Malam Oumar, alias "Oumar Saïd", et Bolowane Bienvenu Junior, accusés d'assassinat.
Au nombre de deux par an, les sessions criminelles des trois cours d'appel de RCA traitent des crimes "ordinaires", et n'exemptent pas les personnes qui y sont jugées de passer un jour devant d'autres juridictions, pour d'autres crimes.
Rodrigue Ngaïbona, dénommé Général Andjilo avait été arrêté mi-janvier 2015 par la Minusca à Bouca. Il était à la tête d'une puissante faction anti-balaka de plus de 3 000 hommes, qui ont marché sur Bangui le 5 décembre 2013.
Freeman Sipila, correspondant à Bangui
COMPTE RENDU
Centrafrique : un ancien chef de guerre condamné à la perpétuité
Le Monde.fr avec AFP Le 22.01.2018 à 17h56 • Mis à jour le 22.01.2018 à 18h00
Rodrigue Ngaibona était l’un des principaux chefs de milice anti-balaka à Bangui. Il était jugé pour des crimes commis entre octobre 2014 et janvier 2015.
L’ex-chef de guerre anti-balaka Rodrigue Ngaibona, arrêté en 2015 en République centrafricaine (RCA), a été condamné lundi 22 janvier aux travaux forcés à perpétuité par la Cour criminelle de Bangui. Surnommé « général Andjilo », il a été reconnu coupable des cinq chefs d’accusation - assassinat, association de malfaiteurs, vols aggravés, séquestration, détention illégale d’armes et de munitions de guerre - pour une série de crimes commis à Bangui et sur la route de Bouca (300 km au nord de Bangui) entre octobre 2014 et janvier 2015.
Rodrigue Ngaibona était l’un des principaux chefs anti-balaka à Bangui avant d’être arrêté en 2015 par l’ONU dans le nord-ouest de la RCA. Il est notamment accusé d’avoir été l’un des meneurs des miliciens qui avaient lancé les massacres de musulmans en décembre 2013 à Bangui.
« Il ne s’agit probablement que d’une première condamnation pour le Général Andjilo, l’accusation n’ayant couvert qu’une partie des crimes dont il est suspecté », a rappelé Me Mathias Morouba, président de l’Observatoire centrafricain pour les droits de l’Homme (OCDH). « Il n’est pas impossible qu’Andjilo puisse être appelé à répondre d’autres faits, qualifiables le cas échéant de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, devant la Cour pénale spéciale », a-t-il ajouté. La CPS - en cours d’installation - est une juridiction spéciale composée en partie de juges internationaux et chargée, à terme, de juger les crimes les plus graves commis en RCA depuis le 1er janvier 2013.
La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), la Ligue centrafricaine pour les droits de l’Homme (LCDH) et l’Observatoire centrafricain pour les droits de l’Homme (OCDH) se sont félicités de cette condamnation qu’elles qualifient de « premier pas décisifs en attendant le jugement d’autres chefs de guerre ». L’avocat de la défense, Me Gonenzapa, a annoncé son intention de faire appel du jugement.
Depuis un an, la République centrafricaine est de nouveau le théâtre d’un regain de violences exercées par des groupes armés. « Issus de l’ex-rébellion Séleka qui avait renversé le pouvoir en avril 2013, ou des groupes d’autodéfense anti-balaka constitués pour les combattre, ces groupes continuent de contrôler une large partie du territoire centrafricain, et de commettre des violations graves des droits humains », s’inquiète la FIDH.
Centrafrique: reddition d'un chef antibalaka à Bangassou
https://afrique.tv5monde.com 22 JANVIER 2018 à 15:00par AFP
Un chef d'un groupe autoproclamé d'"autodéfense" de Bangassou, ville de l'est de la Centrafrique, s'est rendu samedi à la mission de l'ONU dans le pays, la Minusca, a déclaré lundi à l'AFP le porte-parole de la Minusca Vladimir Monteiro.
"Il se sentait en danger. Ça ne le dédouane pas d'éventuelles poursuites judiciaires", a expliqué à l'AFP M. Monteiro.
Le chef "Bérébéré" était l'un des chefs des antibalaka (milices dites "d'autodéfense" qui affrontent dans les localités environnantes des groupes armés rivaux, peuls ou promusulmans) qui règnent en maître sur Bangassou depuis mai 2017.
D'intenses luttes de pouvoir interne pour le leadership se jouent à Bangassou entre les différents chefs antibalaka. Fin 2017, ils n'étaient plus que deux chefs, "Bérébéré" et "Pinopino", à contrôler les éléments antibalaka de la ville, après la mort ou la fuite d'autres, selon des sources concordantes à l'AFP.
"Général" autoproclamé, "Bérébéré" est l'un des responsables de l'attaque de la ville par les antibalaka, le 13 mai, qui avait fait 76 morts selon l'ONU. La ville vit depuis lors sous leur coupe, au rythme des violences, des caprices de la soldatesque et des rivalités entre ses chefs.
La Minusca et quelques missionnaires sont les seuls étrangers qui restent à Bangassou, ville de 35.000 habitants, frontalière de la RDCongo, après le départ de l'ONG Médecins sans frontières (MSF) en novembre dernier, à la suite d'un braquage à main armée.
Ces mêmes Casques bleus - gabonais, marocains et sénégalais notamment - tentent aujourd'hui de prévenir l'attaque par les antibalaka d'environ 2.000 déplacés musulmans qui ont trouvé refuge dans un séminaire catholique car sous la menace permanente des antibalaka.
Dimanche, des tirs ont été échangés autour du camp, selon une source onusienne. Des personnes non identifiées ont ouvert le feu en direction du camp, entrainant une réplique des Casques bleus.
"Bérébéré" est aussi, avec les autres chefs antibalaka de la ville, responsable des attaques dans la région contre les villes de Gambo, Kembe et les villages alentours, qui ont fait des dizaines de morts.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, s'était rendu fin octobre à Bangassou, où neuf Casques bleus ont été tués entre mai et juillet.
Plus de 600.000 personnes sont déplacées en Centrafrique et 500.000 sont réfugiées dans des pays voisins. Environ 2,4 millions de Centrafricains, soit la moitié de la population, dépendent de l'aide internationale.
@ 2018 AFP