décembre 25, 2018 à 12:45 APA-Bangui(Centrafrique) De notre correspondant : Pierre Koutoukpe –
L’Archevêque métropolitain de Bangui, le Cardinal Dieudonné Nzapalaïnga, a exhorté les Centrafricains à s’engager dans « un dialogue sincère», seule voie à ses yeux capable d’éviter au pays de retomber dans ses heures sombres et de sortir définitivement de la crise militaro-politique.
« Un dialogue sincère, franc, sans esprit dominant des uns et des autres » doit s’instaurer afin « que la paix revienne dans le pays », a notamment dit Le Cardinal Nzapalaïnga, lors de son homélie prononcée lundi soir à l’occasion de Noël.
Selon le Cardinal, par ailleurs Président de la Conférence épiscopale de Centrafrique (Ceca), tous les Centrafricains doivent œuvrer pour la tenue de ce dialogue s’ils ne veulent pas voir leur pays « connaitre encore des moments sombres ».
Pour le prélat, si les dialogues antérieurs n’ont pas produit les effets escomptés c’est parce que « les parties prenantes n’ont pas discuté sincèrement et ont mis en avant leurs intérêts égoïstes en cherchant à avoir des positions dominantes sur les autres ».
Ainsi, au lieu d’être le produit de « consensus », ces dialogues « ont été le fruit des calculs politiciens », a déploré le Cardinal avant d’exhorter les Centrafricaine à profiter de la lumière qu’apporte la naissance de Jésus-Christ pour se parler. « Cette lumière, a-t-il souligné, doit illuminer les Centrafricains à engager un dialogue franc et sincère pour ramener la paix dans le pays ».
Dans son homélie, le Cardinal a eu également une pensée pour ses compatriotes qui n’ont pas pu participer à la messe de Noël à cause de l’insécurité qui règne encore dans le pays et qui les place dans « une misère indescriptible ».
NOËL DU 25 DECEMBRE 2018
(Is 52,7-10; Ps 97; He 1,1-6; Jn 1,1-18)
HOMELIE
« D’un bout à l’autre de la terre, les nations verront le salut de Dieu » (Isaïe 52,10b)
Chers frères et sœurs joyeux Noël !
Dans la première lecture (Is 52,7-10), le prophète Isaïe annonce l’avènement du salut sur toute la terre.
Malheureusement cette année, Noël qui est la fête de la venue de notre Sauveur Jésus Christ, n’est pas célébré partout dans notre pays, à cause des groupes armés qui règnent encore en maîtres entre autres, à Kembé, Kongbo, Mingala, Zangba, Zacko, Batangafo…où il n’y a plus de prêtres.
À Bangui, des enfants et certains adultes ont la chance de recevoir des cadeaux. Mais Noël n’est pas simplement une fête d’enfants. De plus, le don de cadeaux composés parfois de jouets inutiles, n’est pas suffisant pour une bonne célébration de Noël. Chers frères et sœurs, en réalité, la solennité de Noël nous met en face de l’œuvre merveilleuse du Dieu et nous interpelle à la foi et à la responsabilité. Les textes évangéliques des premières Messes (célébrations eucharistiques) de la Nativité du Seigneur, nous parlent de la naissance de Jésus, du chant des anges, et de la visite des bergers au Nouveau-né (Lc 2,1-14 ; 2,15-20).
Quand la Vierge Marie met au monde le Divin Enfant, la terre offre seulement une mangeoire au Fils De Dieu. Comment ne pouvons-nous pas être bouleversés par l’opposition entre la grandeur de Dieu et l’humilité de la naissance de son Fils unique à Bethléem. Les anges ne pouvaient pas contenir leur joie devant cette merveille. Ils ont chanté la gloire du Nouveau-né avec les anges : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime » (Lc 2,14). Le texte de l’évangile selon saint Jean que nous venons d’écouter (Jn 1,1- 18), ne nous parle plus d’apparition d’anges, ni de la visite des bergers.
Mais il révèle l’identité profonde de celui que nous célébrons à Noël. Jean nous aide aussi à comprendre la portée et la signification de ce que nous confessons, à savoir que Dieu est avec nous et pour nous en Jésus Christ (Emmanuel). En disant, « Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu…» (Jn 1,1a), l’évangéliste souligne la relation intime entre Verbe et Dieu. L’expression « au commencement » n’indique pas un point initial dans le temps, mais elle oriente au-delà du temps. Elle nous introduit dans le mystère de la sphère divine où il n’y a pas de commencement, ni de mutation.
Cette expression évoque aussi le récit de la création du ciel et de la terre en Gn 1,1-2,4a pour montrer qu’avec Jésus commence une nouvelle création. Si un monde nouveau commence avec Jésus, le couronnement de la liturgie de Noël pour nous, est notre engagement à construire une nation où règnent la justice, l’amour et la paix. Sans cet engagement à transformer les conditions de vie des pauvres, des malades, des opprimés, Jésus n’est pas encore né dans notre cœur. 3 L’évangéliste dit aussi « Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous… » (Jn 1,14). Chers frères et sœurs, Dieu ne réside pas en quelque ciel inaccessible.
En Jésus, Dieu est proche, il est avec nous. D’ailleurs, dans l’évangile, le terme « chair » met l’accent sur l’aspect concret, visible, palpable et vulnérable du Verbe incarné. Jésus qui vient de naître pauvre, fragile, dépendant des soins de sa mère est le Fils de Dieu. Dieu a finalement décidé de nous parler par son Fils. Par sa présence, le divin Enfant nous parle de l’amour de Dieu et de son projet de salut pour toute l’humanité. Désormais, la vie humaine est le lieu de la vie de Dieu, la demeure de Dieu pour toujours. Si Dieu est avec nous en Jésus Christ, le chemin vers Dieu devient l’homme.
Aussi, qui cherche le bien-être intégral de l’homme, cherche Dieu. Qui connait la profondeur de la condition humaine et collabore au bonheur de l’homme trouve Dieu. Qu’en est-il de nous ? Que cherchons-nous ? Malheureusement, ceux qui n’ont pas encore compris le message de Noël, continuent à tuer, à incendier les maisons, à se renforcer en engins de mort. Aujourd’hui, ayant le courage de demander à l’Enfant Jésus de désarmer notre cœur de la folie humaine, de la fausseté et de la haine qui nous maintiennent dans les ténèbres. Jésus est la « Lumière qui luit dans les ténèbres…» (Jn 1,5). Nous savons tous l’importance de la lumière dans notre vie.
Quand l’ENERCA nous fournit la lumière, ce service n’est pas gratuit, mais il a un coût qu’il faut payer.
En Jésus, Dieu nous donne la Lumière véritable gratuitement. Malheureusement, le monde qu’il a créé, résiste à sa présence et à son action illuminatrice. En Centrafrique, nous n’avons même plus peur des ténèbres qui symbolisent les puissances du mal, les luttes, l’ignorance, la 4 méchanceté, la haine, la jalousie, la convoitise. Les ténèbres semblent nous arranger. Les jeunes et même les adultes se laissent facilement séduire par de « fausses lumières », les fausses conceptions de la religion et de la politique, de la vie en famille et de la vie en société, du gain et de la nation. Beaucoup d’entre nous ne deviennent pas ce qu’ils sont capables d’être à cause du rejet de la Lumière et de la préférence des ténèbres (indiscipline et paresse).
Chers frères et sœurs,
Jésus-Lumière véritable brille dans nos ténèbres pour révéler les choses dans leurs vrais caractères et leurs vraies valeurs, et nous aider à ne pas sombrer dans le chaos, mais à avancer en sachant où nous allons et avec qui poursuivre la marche. Jésus est venu pour que nous ayons la vie en abondance (Jn 10,10). Sa Parole nous éloigne du doute sur Dieu, du désespoir et du mal. L’Évangile donne à tous la possibilité d’appartenir à la famille de Dieu et de devenir des enfants que Dieu aime. « Mais à ceux qui l'ont reçu, à ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu » (Jn 1,12).
Aujourd’hui, ceux qui ont reçu le Christ favorablement n’ont pas besoin d’attendre la fin des temps pour être faits enfants de Dieu par adoption. Nous sommes déjà régénérés par Dieu qui nous appelle à devenir des témoins véridiques de la Lumière comme Jean-Baptiste. Jean-Baptiste est envoyé par Dieu avec une mission spéciale de type prophétique. Il voit en profondeur et est capable de comprendre, avec l’aide de Dieu, qui est Jésus.
Sa mission consiste à rendre témoignage à la Lumière, c’est-à-dire, annoncer Jésus à qui ne le voit pas et ne le comprend pas afin de l’aider à devenir disciple du Fils de Dieu. Il apprécie sa mission de « témoin » et ne cherche pas 5 à prendre la place du Messie Sauveur de l’humanité qui revient à Jésus seul. Comment portons-nous la Lumière véritable à nos frères et sœurs ? Chers frères et sœurs, autour de Noël, il y a un cycle de fêtes en lien avec le mystère principal de l’Incarnation :
1) les saints Innocents ;
2) la sainte Famille ;
3) Sainte Marie Mère de Dieu ;
4) l’Épiphanie ;
5) le Baptême du Seigneur Jésus. Que la Lumière du Christ se répande dans notre esprit et dans notre cœur pour faire de nous les bâtisseurs d’un monde nouveau où règne la justice et la paix.
« Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime ».
S.Em. Card. Dieudonné NZAPALAINGA