RCA: la confusion autour du nouveau gouvernement inquiète la société civile
Par RFI Publié le 06-03-2019 Modifié le 06-03-2019 à 02:43
En Centrafrique, le nouveau gouvernement nommé dimanche ne fait pas l’unanimité. Les démissions s’enchaînent et déjà certains groupes armés déclarent se retirer des accords de paix de Khartoum. La situation est confuse. Les organisations de la société civile commencent à s’inquiéter de la tournure des événements.
Le Groupe de travail de la société civile a tenu une conférence de presse mardi à Bangui. Pour cette organisation, le nouveau gouvernement n’est pas satisfaisant. Il faut donc en constituer un nouveau.
« Ce qui s’est passé, ce n’est qu’un réaménagement technique, soutient Beninga Crescent, porte-parole du GTSC. Il va falloir dissoudre ce gouvernement, on aura un gouvernement Ngrebada I et un gouvernement Ngrebada II. Dans un gouvernement normal, la société civile n’a pas sa place, mais dans un gouvernement d’union nationale, dans un gouvernement de sortie de crise où toutes les forces vives de la nation doivent être représentées, cela va de soi. »
Toutes les organisations de la société civile ne vont pas si loin. Mais elles espèrent que le malaise va se régler dans le calme. « Les civils en ont marre. A chaque fois, ce sont les civils qui paient les pots cassés alors que les gens vaquent à leurs occupations pour s’occuper de leurs familles, souligne Evrard-Armel Bondade, secrétaire général de l’Organisation centrafricaine des droits de l’homme. Il faut que l’on puisse épargner les civils. C’est notre souhait le plus absolu. Que les gens vaquent librement à leurs occupations. Nous ne voulons pas retomber à la case départ. Nous appelons les uns et les autres à la retenue et qu’une solution soit trouvée à travers les voies de recours qui sont prévues à cet effet. »
L’article 34 de l’accord de Khartoum prévoit qu’en cas de litige, les parties s’engagent à saisir les garants et facilitateurs de l’accord aux fins d’actions idoines de conciliation et à défaut d’arbitrage.
RCA : Le Premier ministre Firmin Ngrébada appelle les signataires de l'accord à la retenue
https://www.radiondekeluka.org/ mercredi 6 mars 2019 05:00
Suite à la protestation d'une partie des groupes armés enregistrée au lendemain de la formation du gouvernement "inclusif", le Premier ministre Firmin Ngrébada joue à l'apaisement et appelle les groupes armés à la retenue. C'est ce qui ressort de sa déclaration faite ce 4 février à Bangui.
Ces protestations exprimées ce lundi à Baboua et à Ndélé suite à la publication du gouvernement ne sont pas de nature à rassurer selon le nouveau Premier ministre. En réponse, Firmin Ngrébada tente de convaincre. Selon lui, la mise en place du gouvernement n'est pas la fin du processus.
"La formation du gouvernement est le début du processus. la seconde phase consistera à élargir la base en nommant dans les services clés les éléments des groupes afin qu'ils participent à la gestion de la chose publique. Donc j'en appelle au sens patriotique des uns et des autres pour que nous puissions rester dans cette dynamique lancée par la formation de ce gouvernement" a indiqué Firmin Ngrébada.
Le chef du gouvernement engage les groupes armés à renoncer à tout acte de violence.
"Il est temps pour les groupes armés de se référer à l'article 34 de l'accord qui prévoit les mécanismes de règlement de différends. Il faut éviter des actes qui sont de nature à recourir à des violences" a-t-il insisté.
Il n'y a pas que les groupes armés dans cette situation. Le gouvernement enregistre d’ores et déjà sa première défection. Bertin Béa du KNK ne siégera pas selon un communiqué de presse de ce parti politique. Contacté par RNL, le concerné dit observer la discipline de son parti.
Cependant, la société civile exige une discussion avec les sensibilités sur ce problème lié à la formation du gouvernement.
Centrafrique : le parti de l'ex-président Bozizé s'oppose à la nomination d'un de ses militants au gouvernement
French.china.org.cn | Mis à jour le 06-03-2019
Le parti politique de l'ancien président centrafricain François Bozizé, KNK (acronyme de "Kwa Na Kwa", qui signifie "travail" en Sango, la langue nationale de la Centrafrique), a intimé l'ordre à l'un de ses cadres, Bertin Béa, nommé dimanche dernier au poste de ministre de la Fonction publique, de renoncer à l'offre, a appris Xinhua ce mardi de ce parti.
Interrogé ce mardi sur la question, M. Béa a dit obéir aux injonctions de son parti. Il est présentement député de la nation pour le compte de la circonscription électorale de Boali, localité centrafricaine située à 96 kilomètres à l'ouest de la capitale centrafricaine Bangui,
Un nouveau gouvernement a été formé dimanche dernier par le Premier ministre centrafricain Firmin Ngrébada, faisant suite à la signature d'un accord de paix il y a un mois entre l'Etat centrafricain et les groupes armés, prévoyant un partage du pouvoir avec les ex-rebelles dans un gouvernement inclusif.
Or, la majorité des membres du gouvernement sortant ont été reconduits. Les titulaires des portefeuilles de l'Economie, des Finances, des Affaires étrangères, de l'Intérieur et de la Défense demeurent en poste.
Cette nouvelle formation du gouvernement dit "inclusif" a suscité des mouvements de colère de la part de certains groupes armés dont les représentants ne font pas partie, reprochant les autorités de ne pas respecter les engagements de l'accord de paix.
Dans une brève déclaration à la presse lundi, le Premier ministre a signalé qu'au-delà de la formation du gouvernement, un mécanisme élargi devrait par ailleurs permettre aux responsables des groupes armés de participer à la gestion des affaires publiques, à travers des responsabilités dans les préfectures, sous-préfectures et communes.
L'ex-président Bozizé a été chassé en 2013 par l'ex-coalition séléka. Son pays est plongé dans une crise socio-sécuritaire depuis. F
Source: Agence de presse Xinhua
Centrafrique, un nouveau gouvernement ingouvernable
Laurent Larcher (Journal La Croix) le 04/03/2019 à 18h33
Dimanche 3 mars, un nouveau gouvernement a été nommé en RCA. L’unité affichée par la nouvelle équipe, née de l’accord de paix du 6 février, s’effrite déjà. Un revers géopolitique pour le parrain de cet accord, la Russie.
« Seul un fou cherche une porte là où il n’y a qu’un mur », dit un proverbe centrafricain, illustrant à merveille la voie sans issue dans laquelle Bangui s’est une nouvelle fois engagée avec la nomination, dimanche 3 mars, d’un nouveau gouvernement un mois après la signature de l’accord de paix de Khartoum.
Une armée de ministres armés
Le nouveau gouvernement dévoilé, dimanche 3 mars, par le nouveau premier ministre Firmin Ngrébada, ne compte pas moins de 36 membres. Une armada pour un pays de 4,5 millions d’habitants dans laquelle est reconduite, pour l’essentiel, l’équipe sortante mise en place en 2017 par Simplice Mathieu Sarandji. Firmin Ngrébada a maintenu une vingtaine de ministres, en premier lieu ceux chargés de l’économie, des finances, de la défense, de la justice et des mines. À leur côté, une dizaine de représentants des groupes armés qui balkanisent la RCA. Parmi eux, Maxime Mokom, un des leaders des anti-balaka, est nommé ministre chargé du désarmement, démobilisation, réinsertion et rapatriement (DDR) et Souleima Daouda de l’UPC (Unité pour la Paix en Centrafrique), une des deux principales branches de l’ex-seleka, reçoit le portefeuille de l’élevage. On y trouve aussi des personnalités proches des anciens présidents Djotodia et Bozizé comme Bertin Béa, secrétaire général du Kwa Na Kwa, le parti de François Bozizé.
Une unité déjà brisée
Il n’a pas fallu beaucoup de temps pour que ce gouvernement d’unité nationale dévoile son véritable visage, celui de la désunion. Dès dimanche, le deuxième groupe armé le plus important issu de l’ex-seleka, le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FRPC), annonçait son retrait du gouvernement alors qu’il avait reçu le ministère du développement, de l’énergie et des ressources hydrauliques, ainsi que celui des Eaux et forêts. Lundi 4 février, trois autres groupes armés signataires de l’accord de paix ont dénoncé la composition de ce gouvernement. En premier lieu, le Mouvement patriotique pour la Centrafrique (MPC), une autre branche issue de l’ex-seleka dont l’un des membres fondateurs avait pourtant été nommé ministre de la Modernité. Le Front démocratique du peuple centrafricain (FPDC) et le Mouvement des libérateurs centrafricains pour la justice (MLCJ) ont également annoncé leur retrait du processus de paix en raison de la composition du gouvernement de Firmin Ngrébada.
Un échec pour Firmin Ngrébada
Une semaine après avoir été nommé premier ministre, l’ancien directeur de cabinet du président Faustin-Archange Touadéra, Firmin Ngrébada, a essayé de former un gouvernement « inclusif », comme le voulait l’accord de paix, signé le 6 février. Mais il semble qu’en moins de 24 heures, cet accord vient de s’auto-torpiller. Un revers pour le nouveau premier ministre mais aussi pour la puissance qui avait parrainé cet accord de paix : la Russie.
Un revers pour Moscou
Depuis le début de l’année 2018, Moscou a pris pied en RCA. Cet été, elle avait déjà tenté à deux reprises de réunir à Karthoum, les groupes armés et le gouvernement centrafricain pour obtenir un accord de paix, parasitant les négociations entreprises par l’Union africaine et la France. Parmi les relais de Moscou auprès du président Touadera, son directeur de cabinet Firmin Ngrébada. Ce dernier a négocié, au nom de la RCA, l’accord de coopération militaire avec la Russie, signé le 22 août 2018 et ratifié le 14 décembre 2018 : près de 60 ans après le traité de coopération entre l’Union soviétique et le président David Dacko. Et c’est encore Firmin Ngrébada qui a négocié au nom du pouvoir avec les 14 groupes armés l’accord de paix signé au Soudan.
Pivot de la Russie dans la région
Le Soudan est la porte d’entrée privilégiée et le pivot de la Russie dans la région. Les liens entre Karthoum et Moscou ne cessent de se resserrer depuis quelques années au moment où la diplomatie russe fait son retour en Afrique, après la Chine au début des années 2000. Dans sa ligne de mire, des pays fragiles comme la Libye, le Burundi et la RD-Congo : avec comme stratégie, prendre le contre-pied de la diplomatie occidentale. Mais voilà qu’à son tour, après la France, le Tchad, l’Afrique du Sud, les Nations unies, l’Union africaine, l’Union européenne, la communauté catholique Sant’Egidio, la Russie connaît son premier grand échec diplomatique dans ce pays éclaté.
Laurent Larcher (Journal La Croix)