NAIROBI (AFP) - dimanche 13 avril 2008 - 17h20 - Le président kényan Mwai Kibaki a annoncé dimanche la nomination du
chef de l'opposition au poste de Premier ministre, en rendant publique la composition d'un gouvernement de coalition devant régler la sanglante crise post-électorale qui a ébranlé le pays.
Ce gouvernement de "grande coalition", selon l'expression de M. Kibaki, devra s'attacher selon lui à "construire un nouveau Kenya",
après les violences politico-ethniques qui ont suivi la contestation par l'opposition de l'élection présidentielle du 27 décembre, entachée de graves irrégularités.
"Construisons un nouveau Kenya où la justice est notre bouclier (...) et où la paix, la justice et l'abondance existeront à travers
notre pays", a ajouté M. Kibaki lors d'une allocution retransmise en direct par les télévisions kényanes depuis la présidence à Nairobi, en présence notamment de M. Odinga.
Dans le cadre du gouvernement de coalition, Uhuru Kenyatta - fils du premier président du pays Jomo Kenyatta et représentant le camp
présidentiel - et Musalia Musavadi, représentant le Mouvement démocratique orange (ODM) de M. Odinga, ont également été nommés vice-Premiers ministres.
Le camp présidentiel et l'ODM se répartissent les porte-feuilles ministériels dans ce cabinet, conformément à un accord conclu le 28
février entre MM. Kibaki et Odinga, sous la médiation de l'ancien secrétaire général des Nations unies Kofi Annan, pour mettre fin aux violences politico-ethniques.
La contestation par l'opposition de la réélection de M. Kibaki a plongé le Kenya - pays jusque lors considéré comme un modèle de
stabilité dans une région particulièrement troublée - dans une crise politique majeure, qui a fait 1.500 morts et plus de 300.000 déplacés, essentiellement dans les semaines qui ont suivi le
scrutin.
Depuis la signature de cet accord, les négociations entre les deux camps avaient été marquées par la méfiance et les accusations
réciproques de vouloir saboter l'application du texte.
L'accord avait certes été entériné à l'unanimité par le Parlement le 18 mars, mais les tractations sur la formation du gouvernement
s'étaient ensuite enlisées.
MM. Kibaki et Odinga avaient finalement affirmé le 3 avril être tombés d'accord sur la taille et la composition de ce gouvernement
prévoyant la création d'un poste de Premier ministre destiné à M. Odinga.
Mais deux jours plus tard, leurs deux camps avaient une nouvelle fois affiché leurs désaccords profonds sur l'attribution des postes
clés du gouvernement, entraînant une suspension des discussions.
Face à la perspective d'un nouveau blocage politique susceptible de provoquer d'autres violences, la communauté internationale avait
multiplié ces derniers jours les pressions sur les dirigeants kényans pour qu'ils trouvent un terrain d'entente sur le partage des porte-feuilles ministériels.
Les craintes de nouvelles violences avaient été ravivées par des manifestations fustigeant les retards dans l'annonce du
cabinet.
Ces manifestations ont éclaté en début de semaine à Nairobi dans le bidonville de Kibera, fief de M. Odinga où les affrontements
politico-ethniques et la répression policière du début de l'année avaient été particulièrement meurtriers.
En début de semaine, Washington, allié traditionnel du Kenya, avait réclamé la formation "sans plus de délai" d'un gouvernement de
coalition.
En l'absence d'un tel gouvernement, les Etats-Unis "établiront leur propre jugement sur les responsabilités ayant conduit à l'échec
dans la mise en oeuvre de cet accord et agiront en conséquence", avait prévenu la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice.
Kibaki nomme le gouvernement kényan de coalition mené par Odinga
Par Daniel Wallis
NAIROBI 13 avril 08 - (Reuters) - Le président kényan Mwai Kibaki a désigné dimanche Raila Odinga, son rival malheureux à l'élection
présidentielle du 27 décembre dernier, à la tête d'un gouvernement de coalition nationale, conformément au compromis qu'ils avaient accepté en février.
Conclu sous l'égide de l'ancien secrétaire général des Nations unies Kofi Annan, ce compromis était censé mettre fin aux émeutes à
caractère ethnique qui avaient éclaté après la proclamation controversée de la réélection de Kibaki, faisant plus de 1.200 morts.
La formation de ce gouvernement de coalition de 40 membres, au sein duquel les deux camps sont représentés à parité, était retardée
depuis plusieurs semaines en raison de désaccords sur l'attribution de certains portefeuilles ministériels.
Il a fallu une ultime tête-à-tête samedi entre Kibaki, 76 ans, et Odinga, de 13 ans son cadet, dans un discret pavillon de chasse
d'Etat à 100 km au nord-est de Nairobi, pour surmonter leurs derniers désaccords, qui suscitaient l'impatience croissante de la communauté internationale.
L'annonce de la formation du gouvernement de coalition, élément central de l'accord sur le partage de pouvoir convenu en février pour
enrayer la spirale de la violence, a été faite par Kibaki à la télévision, en présence de Raila Odinga.
"LE DÉFI: SE METTRE AU TRAVAIL"
"Je veux vous remercier, mes chers compatriotes, pour votre tolérance et votre patience durant cette période (...) Je ferai tout ce
qui est possible pour m'assurer que notre pays le Kenya sera conduit sur la voie de la paix, de l'unité et de la stabilité", a ajouté Kibaki.
Sous la houlette du Premier ministre Odinga, le ministre sortant des Finances, Amos Kimunya, conserve son portefeuille, tandis
qu'Uhuru Kenyatta et Musalia Mudavadi sont nommés vice-Premier ministre, le premier pour le camp présidentiel, le second pour celui du chef de gouvernement.
William Ruto, un autre haut responsable du Mouvement démocratique orange, l'alliance politique emmenée par Odinga peu apprécié par
l'entourage de Kibaki, prend le ministère de l'Agriculture.
"Je pose comme défi aux nouveaux membres du cabinet et à l'ensemble de la direction nationale à tous les niveaux de mettre de côté la
politique politicienne et de se mettre au travail", a dit Kibaki.
"Bâtissons un nouveau Kenya où la justice sera notre bouclier", a ajouté celui qu'Odinga accuse d'avoir manipulé les résultats de la
présidentielle de décembre pour se maintenir au pouvoir et lui voler son étroite victoire.
Les émeutes et massacres interethniques qui ont suivi cette contestation des résultats ont porté un coup terrible à l'image de
démocratie stable et de havre touristique dont jouissait l'ancienne colonie britannique dans une Afrique de l'Est en proie à de multiples
conflits.
Version française Marc Delteil