Cour pénale internationale une justice de riches !
(L'Humanité 17/07/2008)
Le Procureur de la CPI Ocampo Moreno
Avant que la CPI ne voie réellement le jour en 2002, Washington en particulier a exercé d’énormes pressions - suspension de l’aide économique et financière, d’avantages douaniers, etc. - à de nombreux pays afin de faire capoter sa création. Il n’empêche, les États-Unis ont trouvé le moyen de contourner la CPI : ils ont multiplié les accords bilatéraux avec des États tiers garantissant que les militaires américains coupables de crimes de guerre soient rapatriés aux États-Unis pour y être jugés. C’est le cas aujourd’hui de l’Irak et de l’Afghanistan. De cette manière, ils échappent à la juridiction internationale !
En d’autres termes, les ressortissants des États puissants sont au-dessus des lois internationales. De plus, le Conseil de sécurité qu’ils contrôlent peut annuler une procédure lancée par la CPI contre l’un de leurs ressortissants. En résumé, seuls les petits pays sont passibles de la CPI. Les puissants peuvent dormir tranquilles !
H. Z. © Copyright L'Humanité
La CPI ne vise que des dirigeants des pays pauvres
(Fraternité-Matin 17/07/2008)
La Cour pénale internationale (CPI) ne vise que des dirigeants des Etats pauvres, estime l’universitaire et homme politique nigérien Mamoudou Djibo qui qualifie de “dangereux” le mandat d’arrêt réclamé contre le président soudanais Omar el-Béchir.
Le mandat d’arrêt réclamé par le procureur de la CPI est “sélectif” et la CPI ne vise “uniquement qu’une clientèle du tiers
monde”, a déclaré à la radio Mamoudou Djibo.
“Personne n’a été ému par les massacres (des camps palestiniens au Liban) de Sabra et Chatila (...) et tout le
monde se tait sur l’embargo dans la bande de Gaza, c’est aussi du génocide !”, a-t-il dit.
M. Djibo, qui dirige un parti de la coalition au pouvoir au Niger, dénonce aussi “le silence” de la
communauté internationale sur la situation en Afghanistan et en Irak: “S’il y a une justice internationale, elle
doit être égale pour tous et ne doit pas seulement viser les chefs d’Etat des pays sous-développés”l.
Pour sa part, Issoufou Bachar, président d’honneur d’un collectif d’associations musulmanes nigériennes, accuse
“l’impérialisme américain” de mener “une lutte contre l’islam et pour le pétrole” au Soudan.
AFP
© Copyright Fraternite-Matin
La CPI: une «justice à deux vitesses », qui vise en priorité les Africains ?
(Camer.be 17/07/2008)
La demande d'inculpation formulée lundi dernier par Luis Moreno Ocampo le procureur de la Cour Pénale Internationale
(CPI) continue de défrayer la chronique au sein des médias africains et internationaux qui commentent diversement l'événement. Cette inculpation du président soudanais divise également les
Africains et la Communauté internationale. Plusieurs d’entre eux redoutent que ce mandat d'arrêt puisse constituer un obstacle face au processus de paix au Soudan et suggèrent plutôt que la CPI
soit dépolitisée pour éviter d'embraser davantage les Etats africains.
Très embarrassée, et même en colère contre le procureur Moreno-Ocampo, l’Union africaine a dépêché, le 15 juillet
dernier, un émissaire à Khartoum pour tenter de désamorcer la crise. Un panel de trois juges de la CPI doit statuer, sous trois mois, sur la requête du magistrat argentin, et l’Union Africaine
table, selon l’un de ses responsables, sur une «décision plus sage» de leur part.
Officiellement, telle que nous pouvons le lire sur le site internet de l’organisation panafricaine, elle se dit
favorable «au principe de la lutte contre l’impunité», mais à condition qu’elle ne compromette pas
«les efforts visant à promouvoir une paix durable sur le continent». Derrière la langue de bois
officielle perce la colère : «Nous essayons de rétablir la paix sur le terrain, et c’est le moment que choisit le
procureur Ocampo pour jeter de l’huile sur le feu !» déplore-t-on au sein de l’Union Africaine.
L’Union Africaine dénonce également une «justice à deux vitesses», qui vise en priorité les Africains. Quatre responsables de la République démocratique du Congo (RDC) - dont le chef de milice
Thomas Lubanga et l’ex-vice-président Jean-Pierre Bemba sont détenus à La Haye. La CPI a, par ailleurs, lancé des mandats d’arrêt contre les chefs rebelles de l’Armée de résistance du seigneur en
Ouganda. Et avait déjà lancé deux mandats d’arrêt contre deux Soudanais, dont un ministre, restés lettre morte. «A croire qu’on ne commet des crimes que sur notre continent !» grince un responsable africain. Pour lui, la compétence universelle de la CPI se limite en
somme à une compétence africaine.
Dans un communiqué rendu public mardi dernier dont Camer.be a pu s’en procurer copie, l'Union Africaine exprime
«sa profonde conviction quant à la nécessité de poursuivre la recherche de la justice de manière à ne pas
entraver ou compromettre les efforts visant à promouvoir une paix durable sur le continent.»
La force conjointe ONU-Union africaine, la Minuad, chargée de favoriser le retour à la paix au Darfour, redoutant le
pire, a décidé de retirer son personnel non essentiel dans cette province de l'Ouest du Soudan.
L'Egypte, par la voix de son ministre des Affaires étrangères a fait savoir tacitement que traiter de manière illégitime
avec le Soudan risquera d'entraver la stabilité dans la région. Idem pour Roland Marchal, chargé de recherche au CNRS, basé au CERI-Sciences Po Paris, joint par la rédaction de Le Monde, il
affirme que la demande de mandat d'arrêt international visant le président soudanais, Omar Al-Bachir, n'est pas fondée légalement et risque de remettre en cause les efforts de paix au
Darfour.
Les Américains n'ont jamais été très enthousiastes vis-à-vis de la CPI, dont ils n'ont pas voté la création.
L'administration Bush a beaucoup œuvré contre cette juridication et s'était même abstenue, avec la Chine, lors du vote [au conseil de sécurité de l'ONU de la résolution permettant la saisie de la
CPI sur le Darfour. Dans leur idée, il s'agissait simplement d'envoyer un message fort à Khartoum pour obtenir une résolution rapide du conflit. Jamais ils n'avaient imaginé que la CPI irait
aussi loin.
Sous la plume de Thomas Hofnung du journal Libération, l’on peut lire que ce mandat d’arrêt délivré par la CPI contre le
président soudanais illustre le fossé grandissant entre les Occidentaux et les Africains, également tangible sur le cas du Zimbabwe.
Quatre responsables de la République démocratique du Congo (RDC) - dont le chef de milice Thomas Lubanga et
l’ex-vice-président Jean-Pierre Bemba - sont détenus à La Haye. La CPI a, par ailleurs, lancé des mandats d’arrêt contre les chefs rebelles de l’Armée de résistance du seigneur en Ouganda. Et
avait déjà lancé deux mandats d’arrêt contre deux Soudanais, dont un ministre, restés lettre morte. «A croire qu’on ne commet des crimes que sur notre continent !» grince un responsable africain.
Pour lui, la compétence universelle de la CPI se limite en somme à une compétence africaine.
En définitive, bon nombre des personnes s'interrogent sur l'opportunité qu'il y a d'inculper un président en exercice
dans un pays en proie à la violence. Elles suggèrent que la CPI soit dépolitisée pour éviter d'embraser davantage les Etats africains.
Quid la CPI
La Cour pénale internationale (CPI), sise à La Haye, aux Pays-Bas, est le premier tribunal permanent destiné à juger les
auteurs de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Il s'agit d'une cour indépendante et non d'une instance des Nations unies. Elle a été créée par le Statut de Rome, adopté le 17
juillet 1998. Ce texte est entré en vigueur avec la ratification des 60 premiers Etats signataires le 1er juillet 2002. Le Soudan ne fait pas partie des 106 Etats Parties actuels, tout comme les
Etats-Unis, la Russie ou la Chine.
La CPI est une instance de dernier recours. Elle n'agit que lorsque des procédures ne sont pas menées par la justice nationale d'un pays, ou dans le cas où celle-ci ne le seraient pas "de bonne
foi". Elle peut juger des individus inculpés de chefs graves comme génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, commis après 2002. Le Conseil de sécurité de l'ONU peut demander
l'ouverture d'une enquête par la CPI.
Composition: les 18 juges de la CPI sont élus pour des mandats de trois à neuf ans. Le procureur en chef est l'Argentin
Luis Moreno-Ocampo, ancien magistrat qui a combattu la corruption et la junte militaire dans son pays. Le président de la cour est le Canadien Philippe Kirsch.
© Camer.be : Hugues SEUMO
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Jean-Paul Ngoupandé Ancien Premier ministre centrafricain
«Pour faire la paix en Afrique dans les régions troublées comme le Darfour, il faut parler entre ennemis. Si on utilise un moyen déloyal pour neutraliser un des belligérants, le dialogue ne sera plus possible.»
Y aurait-il une justice à 2 vitesses ? Y aurait-il une justice pour les Africains et une autre pour le reste du monde ? Ce sentiment s'est répandu comme une trainée de poudre sur tout le continent depuis la demande d'un mandat d'arrêt contre le président soudanais par la Cour pénale internationale (CPI) en début de semaine. Un sentiment d'impérialisme judiciaire de la part des Africains, comme l'explique Jean-Paul Ngoupandé, écrivain et ancien Premier ministre centrafricain.
RFI 17 juillet 2008 par Christine Muratet