L'orgueilleux et zélé T. Maléyombo
A voir l’acharnement et l’entêtement avec lesquels il a tenu à faire passer sa réforme dont les magistrats ne veulent pas et pour cause, le très zélé mais incompétent ministre de la justice de
Bozizé, Thierry Maléyombo doit purement et simplement démissionner du gouvernement après le cinglant camouflet que lui a infligé jeudi dernier la cour constitutionnelle. Or, à en croire
l’interview de ce dernier sur les ondes de la radio Africa n°1, « Le gouvernement va continuer à
prendre ses responsabilités". En clair, il ne s’avoue pas vaincu et promet de revenir à la charge. Il en fait une affaire personnelle et compte donc retourner vers les députés KNK à
l’assemblée nationale.
Cela frise l’irresponsabilité. Ce ministre qui s’est mis à dos presque tous les magistrats du pays, toutes juridictions confondues, ne se pose pas un seul instant la question de sa crédibilité qui de fait n’existe plus, ainsi que celle de son autorité désormais nulle sur une corporation aussi importante que le syndicat de la magistrature. Pourquoi lui et Bozizé tiennent-ils tant à sanctionner les magistrats ? Alors que les vraies priorités nationales se situent ailleurs, en quoi la nécessité de sanctionner les magistrats - ce qui est la principale motivation et justification de cette mauvaise réforme visant seulement à les mettre au pas - constitue-t-elle la priorité des priorités dans la phase où se trouve aujourd’hui la RCA ? De quelle respectabilité peut encore se prévaloir auprès des magistrats et du pays cet orgueilleux ministre de la justice garde des Sceaux après l’humiliation que lui et son président ont subie par la cour constitutionnelle ? Comment peut-il raisonnablement continuer à demeurer ministre de la justice alors que cette noble institution, la plus haute juridiction du pays, vient de lui faire avaler la copie de sa réforme complaisamment votée par une assemblée nationale aux ordres !
On peut disserter longuement sur le sens de l’honneur et l’orgueil des intellectuels centrafricains lorsqu’ils sont ministres. L’ancien agent de sécurité que Thierry Maléyombo fut à Montpellier ne pouvait jamais penser devenir un jour ministre. Comme bien d’autres parvenus et individus de son acabit, il doit également se dire à lui-même que « j’y suis, j’y reste ». Le sale boulot que Bozizé lui a demandé de faire devrait aussi faire comprendre à ce dernier qu’un ministre, ça sert aussi de fusible. Dans le cas présent qui nous intéresse, Il n’y a plus, en langage d’électricien, de fusible ni de disjoncteur. C’est tout le système qui risque de sauter dès lors.
C’est donc Bozizé qui est personnellement première ligne, lui qui a cru venir assister en personne jeudi dernier à l’audience de la cour constitutionnelle pour entendre pendant deux heures d’horloge - est-ce par masochisme ou pour prouver l’intérêt qu’il accorde à cette réforme - démonter pièce par pièce les éléments non conforme à la constitution de sa réforme du conseil supérieur de la magistrature qu’il a soudoyé les députés KNK pour la lui voter. Bozizé on le sait, ne porte pas les magistrats dans son cœur et cherchait depuis longtemps à régler leurs comptes. Le sacro saint principe de la séparation des pouvoirs est pour lui vain mot. Il ne veut pas des magistrats qui disent le droit mais des juges aux ordres et à plat ventre. Il ne veut que des procès staliniens, aux verdicts connus d’avance. C’est tout simplement inadmissible. Ce temps est révolu.
Comme ministre, Thierry Maléyombo est mauvais, incompétent, autoritaire, truand pour ne pas dire davantage. Tout ce qu’il entreprend échoue. La plupart de ses collaborateurs se plaignent énormément de lui et signalent sa propension à mettre la main sur les menues recettes de son département. Outre l’échec qu’il partage avec son patron Bozizé, de la réforme du conseil supérieur de la magistrature, l’autre projet de loi sur l’amnistie générale, préalable à la tenue du dialogue politique national qu’il était chargé de présenter devant les députés pour adoption vient encore d’être rejeté par l’opposition. Or c’est la deuxième fois qu’il le faisait. Une première fois déjà, trois projets de lois qu’il a défendus ont déclenché un véritable tollé dans le pays et abouti au retrait des mouvements politiques armés et non armés et à l’interruption du processus du dialogue politique inclusif.
Bozizé et Maléyombo doivent comprendre que la détention d’une majorité arithmétique et politique de députés à l’assemblée nationale n’est pas une condition suffisante pour asseoir la paix et réconcilier les Centrafricains. Ils doivent rechercher le consensus autour des grands sujets d’enjeu et d’intérêt nationaux. Faute de cela, toutes leurs malheureuses initiatives ne seront que de grands coups d’épée dans l’eau. L’entêtement de Thierry Maléyombo est non seulement inutile et stérile mais sème la haine, la division dans un pan important de l’appareil de l’Etat et dans le pays. Ce ministre est dangereux. Il doit tout simplement partir du gouvernement…