SAM OUANDJA, 28 novembre 2008 (PLUSNEWS) - Mabelle Kpawilina, 22 ans, est une exception à Sam Ouandja : elle est la seule patiente séropositive identifiée à recevoir des antirétroviraux (ARV)
dans cette localité minière du nord-est de la République centrafricaine, dans une région qui affiche un taux de prévalence de 7,4 pour cent. Elle a raconté son histoire à IRIN/PlusNews.
« Je suis fille unique. Je suis
née à Bangui [la capitale], et j'y ai vécu mon enfance, avec mes parents d'abord, puis seulement avec mon père, militaire, quand ma mère est décédée en 2001.
« A Bangui, j'étudiais. Je
badinais [avais des relations sexuelles] aussi beaucoup avec les garçons. Au lycée, il y avait des campagnes d'information sur le sida, et j'ai commencé à me demander : 'est-ce que la vie m'a
déjà donné le VIH' ? Grâce aux conseils donnés pendant les campagnes, en 2006, j'ai eu le courage d'aller moi-même faire le test.
C'était positif. J'étais vraiment triste, j'y pensais tout le temps.
« J'étais en [classe de] seconde quand mon père est mort [en 2007].
J'étais toute seule à Bangui, sans famille, sans soutien, je ne pouvais plus continuer mes études. La seule famille qui me restait était ma grand-mère, à Sam Ouandja. J'ai entendu qu'IMC
[l'organisation International medical corps, qui gère l'hôpital de Sam Ouandja] soignait les gens gratuitement là-bas, alors en janvier 2008, j'ai décidé de partir rejoindre ma
grand-mère.
« En arrivant, je suis allée à
l'hôpital, j'ai expliqué ma situation. Il y a beaucoup de sida dans la région, et pourtant, il n'y a aucun service [VIH/SIDA] à Sam Ouandja : pas de dépistage, pas de
traitements.
Mais IMC m'a aidée à refaire des
examens et à rapporter des médicaments de Bangui. Grâce à eux, je prends des ARV ici depuis quelques mois.
« A Bangui, il y a beaucoup
d'organisations qui travaillent sur le sida. Il y a de la sensibilisation partout, dans les lycées, sur la route, dans les bars, au marché. Mais ici, il n'y a rien, même pas une association [de
personnes vivant avec le VIH].
« S'il y avait au moins une
association de jeunes, on pourrait parler du sida. J'ai essayé plusieurs fois d'introduire [le sujet dans] la conversation avec des gens autour de moi, mais certains disent qu'il n'y a pas de
sida. Pourtant, des gens meurent, mais quand quelqu'un tombe malade, on dit qu'il a été empoisonné par des voisins. Je voudrais faire de la sensibilisation, je parle facilement, avec les filles
comme les garçons.
« A Bangui, les gens commencent à changer de comportement. Mais le sida à Sam Ouandja,
c'est pire qu'à Bangui. Ici, le problème, c'est l'argent [des mines de diamants]. Les gens veulent beaucoup d'argent, et ceux qui en ont payent pour avoir [des relations sexuelles non protégées].
Il y a plus d'hommes que de femmes, à cause des mines. Il y a aussi les hommes armés [militaires et ex-rebelles] qui cherchent des filles en ville, c'est un risque.
« Pour l'instant, je vends des
arachides près du marché. [Le président du Comité de gestion sanitaire de la ville] me soutient, il m'a aidée à monter ce petit commerce. Des fois, j'aide aussi ma grand-mère aux
champs.
« Mais si je ne fais rien
d'autre, si je ne fais même pas de sensibilisation, je préfère repartir à Bangui et essayer de reprendre mes études. Les [ARV] peuvent m'aider pendant quelques années, mais ici, il n'y a rien. Je
ne peux pas rester.
« Je n'ai pas encore dit à ma
grand-mère que j'étais séropositive.Elle est déjà âgée, si les gens dans le quartier le savent, c'est l'humiliation. Comme je fais de l'hypertension, je dis que c'est à cause de ça que je prends
des médicaments. Mais je veux commencer à en parler, à faire des réunions pour parler aux gens du VIH, c'est pour ça qu'aujourd'hui, je témoigne ouvertement ».
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RCA : Les populations de Sam Ouandja traumatisées par la dernière
attaque
SAM OUANDJA, 28 novembre 2008 (IRIN) - Les habitants de Sam Ouandja, une localité minière située dans le nord-est de la République
centrafricaine, non loin de la frontière avec le Soudan, sont sur le qui-vive, terrifiés à l'idée de devoir revivre une attaque comme celle perpétrée début novembre par des hommes armés, qui a
vidé la ville des trois quarts de sa population.
Des agents communautaires formés par l'organisation International medical
corps (IMC), qui gère l'hôpital de Sam Ouandja depuis 2007, continuent à chercher à retrouver la trace des habitants les plus vulnérables, particulièrement les enfants malnutris, qui ont fui se
réfugier en brousse après l'attaque nocturne du 8 novembre, et ne sont pas encore revenus.
« La dernière attaque a créé beaucoup
de traumatismes, beaucoup de gens sont encore dans les champs parce qu'ils ont peur que d'autres attaques surviennent, et ceux qui sont revenus ont leurs bagages prêts pour repartir », a
dit à IRIN Jean-Robert Doumanchi, le maire de Sam Ouandja.
Située à 80 kilomètres de la frontière soudanaise, cette ville diamantifère d'environ 20 000 habitants, où vivent quelque 3 000
réfugiés soudanais du Darfour, est, depuis cette attaque, quadrillée par des patrouilles d'hommes armés issus des Forces armées centrafricaines
(FACA) et de l'Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR), un mouvement rebelle signataire en juin dernier d'un accord de paix avec le gouvernement.
Le 8 novembre, une quarantaine d'hommes armés ont attaqué en pleine nuit les bases des FACA et de l'UFDR pour s'emparer de quelques armes et matériels, avant d'être mis en fuite et
pourchassés par les éléments conjoints des deux forces sur une dizaine de kilomètres hors de la ville.
Fuite en brousse
Cette attaque, qui a fait au moins deux morts et un prisonnier dans les rangs des assaillants, et un blessé chez les FACA,
selon plusieurs sources, ne ciblait pas la population civile et n'a pas fait de victimes parmi elle, mais des milliers d'habitants terrorisés sont partis se réfugier en brousse.
« Ce n'est pas la première fois
que la ville est attaquée [attaques en 2006 et 2007] », a rappelé M. Doumanchi. « Quand les gens
entendent des coups de feu, ils ne restent pas dans leurs maisons, ils fuient s'abriter dans la brousse ».
L'inquiétude a été confortée par l'évacuation en hélicoptère, le lendemain de l'attaque, de certains travailleurs
humanitaires opérant dans la région, a-t-il dit. « Les gens se sont dits : si les ONG [organisations non
gouvernementales] partent, c'est qu'elles ont des informations, il faut partir aussi ».
Les distributions alimentaires, organisées par l'organisation Triangle avec le soutien d'agences onusiennes dans le camp de
réfugiés soudanais situé à la sortie de la ville, ont dû être interrompues pendant plusieurs jours, dans une zone où la malnutrition est un problème majeur.
Lorsque les personnels d'IMC, qui gère aussi un centre nutritionnel thérapeutique (CNT), se sont rendus à l'hôpital le lendemain de l'attaque, seuls trois des quelque 50 patients
hospitalisés la veille étaient encore là -ceux qui ne pouvaient se déplacer : les 22 enfants qui étaient suivis au CNT pour malnutrition avaient tous été emmenés par leurs parents.
Une semaine plus tard, seuls quelques uns d'entre eux étaient revenus.
« L'un des enfants revenu [au bout
d'une semaine] avait terriblement rechuté, avec des complications », a dit Félicien Djamby-Sangui, assistant nutritionniste du centre.
« En 2007, il y a avait
beaucoup de problèmes de malnutrition, jusqu'à 45 pour cent dans le camp de réfugiés [soudanais] », a-t-il dit. « On avait réussi à faire baisser le taux à deux pour cent pour les cas sévères et 11 pour cent pour les modérés, mais avec les derniers événements, on risque de
retomber dans la même situation ».
Des femmes enceintes ou allaitantes ont également fui la ville lors de l'attaque. « Elles sont revenues avec du paludisme, des douleurs aux membres inférieurs dues à la course en brousse, et des problèmes
de malnutrition ou de diarrhées, parce qu'en brousse elles ne mangent pas bien et elles boivent de l'eau [non potable] », a noté Rosalie Mandché, sage-femme de la maternité de
l'hôpital.
Une insécurité permanente
L'attaque du 8 novembre n'a pas été revendiquée, mais selon plusieurs observateurs, elle pourrait être l'oeuvre de membres du FDPC,
une faction rebelle non signataire de l'accord global de paix de juin 2008, ou d'une faction dissidente de l'UFDR.
Ces dernières violences interviennent en tout cas à quelques semaines de l'ouverture d'un dialogue inclusif de paix, censé
rassembler les principaux groupes rebelles opérant en République centrafricaine et le gouvernement sous l'égide de la communauté internationale, qui doit avoir lieu en décembre.
« Ces attaquants veulent
bouleverser le dialogue de paix », a affirmé le lieutenant Igor Sakaba, commandant de zone des FACA à Sam Ouandja.
Une thèse également reprise par l'UFDR, qui se veut néanmoins rassurant. « On a fait l'effort de faire la paix, on a fait
l'effort de chasser les attaquants, on va continuer », a dit à IRIN Ayoub Issaka, l'un d'entre eux, alors qu'il était en faction à une intersection de la ville.
La présence visible à Sam Ouandja de très nombreux hommes en armes, membres de patrouilles mixtes FACA et UFDR, rappelle néanmoins que l'instabilité reste une constante dans la région -
une insécurité dont les populations sont les premières à subir les conséquences.
« Ils [FACA et UFDR] nous rackettent, quand on va aux champs, ils font des barrages sur la route et nous
prennent de l'argent », s'est plainte une habitante.
« Ces hommes sont armés,
personne ne peut rien dire. On est obligé de subir leurs caprices parce qu'ils défendent la ville, mais on n'est pas tranquilles », a dit un autre.
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