La situation en Guinée
est décidément suivie de près. Du beau monde se bouscule ces derniers temps aux portes de Conakry, et c'est tant mieux s'il ne peut en sortir que du bien. Au nombre des visiteurs, on notera sans
doute la présence du secrétaire d'Etat français à la Coopération, Alain Joyandet, premier haut responsable occidental à rencontrer la junte au pouvoir depuis le 23 décembre 2008. Notons qu'il a
révélé la tenue d'élections en Guinée avant fin 2009, donnant l'assurance que la France sera beaucoup plus "présente" dans ce pays et promettant qu'elle procédera au dégel de certains fonds pour
l'organisation des élections. "Il est hors de question de remettre en cause la coopération bilatérale à cause du coup d'Etat du 23 décembre", a-t-il enfin rappelé. Comme c'est beau toute cette
sollicitude bienveillante ! Et les flatteurs d'applaudir. Mais on pourrait aussi se demander, bien légitimement, pourquoi elle n'intervient que maintenant. "Méfiez-vous des Grecs même lorsqu'ils
font des offrandes", disait l'illustre Troyen.
La France se serait-elle brusquement souvenue de la Guinée ? Et pourquoi ? Et pourquoi maintenant, précisément ? Tant de largesses charitables devraient pousser à la réflexion, ne serait-ce que
pour découvrir ce qui les suscite. Dadis [le capitaine Moussa Dadis Camara dirige la junte qui a pris le pouvoir] et ses compagnons seraient bien inspirés de saisir bien vite qu'en politique les
cadeaux ne sont pas toujours gratuits. Ils devraient aussi se demander si la révision des accords miniers qu'ils ont annoncée dans leurs premières déclarations n'est vraiment pour rien dans cette
brusque volte-face de leur ancienne métropole, qui, des années durant, les a ignorés et n'a pas du tout daigné lever le petit doigt pour aider la Guinée, même aux heures les plus sombres de son
histoire récente. La France s'est plus intéressée aux richesses minières du pays à travers ses multinationales qu'à sauver un peuple entre les griffes de dictateurs. Preuve, une fois de plus, que
la junte de Conakry devra ouvrir l'œil, et le bon, car on l'attend de toutes parts. A elle de savoir opérer un véritable discernement.
Certains, sincères, se présenteront pour l'aider à redresser, d'autres aussi, mais plus préoccupés par le souci de préserver d'égoïstes intérêts, ainsi que par le désir d'en acquérir de plus
grands. La démocratie en Guinée peut bien servir de paravent. Dadis et ses compagnons devront veiller au grain. Mais, au-delà de la junte, la société civile – qui a fait preuve de fidélité envers
le peuple – a un rôle éminent à jouer, en tant qu'arbitre le plus crédible du jeu en cours. Avec la nomination d'un Premier ministre, qu'elle avait réclamé du temps de Conté, on peut dire qu'elle
est comblée. Pour l'heure, il semble que la priorité des priorités qui incombe à la junte soit la préparation d'élections libres et crédibles, et cela dans un délai qui reste dans les limites du
raisonnable. La pire des tentations serait pour eux de vouloir tout faire durant cette période d'exception, qui, en tout état de cause, ne devra rien être de plus qu'un moment de transition vers
une ère de démocratie nouvelle pour le peuple de Guinée. Dadis et ses amis devraient savoir manœuvrer. Un échec de leur part ferait à nouveau sombrer la Guinée dans l'incertitude.
source le courrier international du 07 janvier 2009.
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La présence d'un émissaire français quelques jours après l'arrivée de la junte au pouvoir suscite quelques interrogations dans la presse régionale. |
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