DECLARATION LIMINAIRE DE MARTIN ZIGUELE
A LA CONFERENCE DE PRESSE DU 6 MAI 2009 AU CAPE A PARIS

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Mesdames, Messieurs, chers amis,
Vous avez certainement lu ces cinq derniers jours les dépêches d’agence, et les
divers articles de la presse internationale, qui ont relayé aussi bien les déclarations de la Porte-parole du Secrétaire Général des Nations-Unies Monsieur Ban-Ki-Moon, que celles du Conseil des
Droits de l’Homme de l’ONU qui se déroulent en ce moment même à Genève en Suisse.
Inquiets de la situation en République centrafricaine, ces personnalités qu’on
ne peut soupçonner d’hostilité ni de partialité envers notre pays, ont interpellé les dirigeants de la République Centrafricaine, face aux catastrophes humanitaires auxquelles sont exposées
aujourd’hui les populations centrafricaines, confrontées aux combats qui opposent l’armée nationale et divers groupes politico-militaires, notamment ceux du Front Démocratique (FDPC) d’Abdoulaye
Miskine, de la Convention des Patriotes pour la Justice et la Paix (CPJP) de Charles Massi, ou
encore le Mouvement des Libérateurs Centrafricains pour la Justice (MCLJ) d’ Abakar Sabone,
dans le nord du pays.
Personne aujourd’hui ne peut demeurer impassible devant ces drames qui se jouent
sous nos yeux. Au moment où je vous parle, et ce, depuis 2006, des centaines de milliers de Centrafricaines et de Centrafricains, femmes, enfants, vieillards, errent comme des animaux en brousse,
loin de leurs villages et des axes routiers, fuyant les feux croisés de ces violences armées. Tout le long de la frontière sud du Tchad, de l’Est du Cameroun, et de l’ouest du Soudan s’égrènent
des camps de réfugiés centrafricains, pour la première fois dans l’histoire de notre pays.
Les femmes, les enfants et les vieillards, sont naturellement les principales
victimes de ces conflits. De même, le phénomène d’enfants soldats a trouvé une nouvelle terre de prédilection en RCA.
Et pourtant ! Et pourtant tous les Centrafricains, au sortir du Dialogue Politique Inclusif tenu du 8 au 20 décembre 2008 à
Bangui, avaient cru que les pages sombres de notre histoire étaient désormais tournées, et que nous allions aspirer à un meilleur avenir, notamment avec la mise en œuvre intégrale des
recommandations issues de cet important forum.
En effet, encouragé par la communauté internationale en particulier l’Union Européenne, l’Union Africaine, l’Organisation des Nations
Unies, la Communauté des Etats Sahélo-Sahéliens et l’Organisation Internationale de la Francophonie, ce Dialogue placé sous la haute autorité du Président Omar BONGO ONDIMBA du Gabon
et soutenu par les Présidents Paul BIYA du Cameroun et Denis SASSOU NGUESSO du Congo a expressément recommandé au Président de la République de
mettre en place un gouvernement de consensus comprenant toutes les entités parties prenantes au
Dialogue Politique Inclusif , à savoir les pouvoirs publics, les partis politiques de la majorité et de l’opposition, les mouvements politico-militaires, la société civile, et les confessions
religieuses.
Cette équipe de large ouverture devrait avoir pour principales missions, conformément aux recommandations du Dialogue Politique
Inclusif de :
1- Ramener la paix et la sécurité sur toute l’étendue du territoire ;
2- Travailler à la réconciliation véritable et définitive entre les Centrafricains ;
3- Prendre les mesures nécessaires au renforcement de la démocratie ;
4- Favoriser le développement économique et social ;
5- Mettre en œuvre toutes les recommandations du Dialogue Politique Inclusif.
Aujourd’hui, six mois après que les lampions se sont éteints, rien ne semble avoir
changé: le soi-disant gouvernement « d’ouverture » mis en place par le général BOZIZE n’est reconnu ni par l’opposition démocratique, ni par les mouvements armés - dont quelques uns ont
d’ailleurs réclamé sa dissolution - et comme je l’ai dit tantôt, repris le maquis avec toutes les conséquences que l’on déplore.
Comment en est-on arrivé là ?
A quelques mois seulement des élections prévues en 2010, que doit-on
attendre du gouvernement centrafricain ?
Quel rôle est appelé à jouer aujourd’hui la communauté
internationale ?
I- De la responsabilité du Général BOZIZE dans l’enlisement de la situation.
A peine sorti des travaux du Dialogue Politique Inclusif, le Président BOZIZE a entrepris de briser l’esprit de consensus qui avait
régné tout le long de ces assises, en décidant unilatéralement de reconduire son équipe gouvernementale composée de ses inconditionnels, de ses parents, amis et de quelques courtisans, au lieu de
mettre en place un gouvernement d’ouverture.
Il n’aura échappé à personne, que l’objectif recherché par le Président BOZIZE à travers cette manœuvre est de s’assurer la maîtrise du processus électoral, en mettant en place une structure devant coûte que coûte lui garantir sa réélection.
Comme on devait s’y attendre, cette situation a aussitôt servi de justifications aux mouvements armés- qui à tort ou à raison, avaient
dès le départ des doutes sur la bonne foi du Général Président - de reprendre les hostilités avec les conséquences que nous déplorons.
II
- Des actions urgentes à mettre en œuvre par le gouvernement.
La tradition démocratique veut que la parole revienne au peuple souverain,
source de toute légitimité, en cas de grave crise de confiance entre les citoyens d’un pays et le pouvoir. Or, il se trouve justement que des
élections générales sont normalement prévues en mars 2010, terme des mandats constitutionnels du Président Bozizé et de l’actuelle Assemblée nationale.
Aujourd’hui 6 mai 2009, nous ne sommes plus qu’à dix mois des élections générales de mars 2010. Et pourtant aucune des dispositions
habituelles à quelques mois des élections, ni aucune des recommandations prises au cours du DPI afin de garantir des échéances électorales justes, transparentes
et réellement démocratiques, ne sont mises en œuvre par le gouvernement.
Le recensement électoral n’a pas encore commencé : devrait-il commencer qu’il faudrait au préalable le retour des déplacés et
réfugiés dans leurs foyers avec la reconstitution de leurs pièces d’état civil incendiées et/ou détruites en même temps que leurs cases et leurs maigres biens.
Pour que ce recensement se fasse sur toute l’étendue du territoire, la paix et la sécurité doivent être restaurées dans tout le
pays.
Le Comité ad hoc, composé de toutes les entités représentées au DPI, chargé de la relecture de l’actuel code électoral jugé par
tous incohérent et partial, n’est pas encore mis en place en dehors de l’arrêté pris ce 4 mai par le Ministre de l’Administration du Territoire pour
fixer sa composition. Cependant, il importe de souligner que les dispositions de cet arrêt sont déjà contestées par l’ensemble de l’opposition et de la société civile;
La Commission Electorale Indépendante avec des prérogatives réellement autonomes dans la gestion de tout le processus électoral n’est
pas encore mise en place.
Bref, rien n’est fait, rien ne bouge du côté du pouvoir pour mettre en branle les opérations préparatoires d’une élection inclusive,
transparente et équitable.
Pourtant, tous les observateurs de la vie politique africaine savent que des élections mal préparées et mal exécutées ont toujours été
source de contestation souvent violente et d’instabilité dans nos Etats. Aussi, pour éviter que des mauvais scrutins contestés ne puissent annihiler tous les efforts consentis par les uns et par
les autres pour consolider la paix dans ce pays, la communauté internationale devra faire pression sur le gouvernement centrafricain pour que soit immédiatement mis en place et devienne
opérationnel le Comité ad hoc de révision du code électoral en même temps que la Commission électorale Indépendante.
III - De l’appui de la communauté internationale.
Aujourd’hui, on ne peut, en toute responsabilité, envisager des élections inclusives alors que des combats ont toujours lieu entre
rebelles et forces gouvernementales et qu’une majeure partie de la population est toujours réfugiée en dehors du territoire national ou est déplacée dans son propre pays.
Par ailleurs personne non plus n’a intérêt, sauf peut-être le Président BOZIZE, à ce que les élections n’aient pas lieu après
l’arrivée à expiration du mandat de l’actuel Président et de l’Assemblée Nationale, pour éviter un cas non prévu par notre Constitution, donc porteuse de crise grave.
Face à ce constat, devant le blocage de la situation politique de notre pays et la détresse des populations
centrafricaines, nous en appelons solennellement :
Au Président Nicolas SARKOZY, Président de la République française, Patrie des Droits de l’Homme,
Au Guide de la Grande Jamahiriya Arabe Libyenne, S.E. Mouammar Al KADHAFI, Grand Médiateur dans
l’Espace Cen-Sad pour la crise centrafricaine et actuel Président de L’Union Africaine
Au Président El Hadj Omar BONGO ONDIMBA, Président de la
République Gabonaise, Doyen des Chefs d’ Etat africains et Président du Comité ad hoc de la CEMAC sur la crise centrafricaine
Au Secrétaire Général des Nations Unies
Au Président de la Commission Africaine
Au Président de la Commission Européenne
Au Secrétaire Général de l’Organisation Internationale de la Francophonie,
Au Secrétaire Général de la Communauté des Etats de l’Afrique Centrale
1- de tout mettre en œuvre pour que le gouvernement centrafricain et les groupes
politico-militaires qui s’affrontent, engagent sans tarder des discussions devant aboutir rapidement à un cessez-le feu, et à la paix. Des centaines de milliers de femmes, de femmes et de
vieillards auront ainsi la vie sauve et pourront revivre dans la dignité et la sécurité afin de pouvoir exercer librement leur devoir de citoyen.
De veiller à la mise en œuvre rapide d’un processus électoral transparent et inclusif, pour éviter que de mauvaises élections ne
remettent en péril la paix et la sécurité, indispensables pour construire l’avenir de la République Centrafricaine.
D’agir concrètement pour éviter la survenance d’un vide constitutionnel qui compliquera davantage la crise centrafricaine.
Je vous remercie.