28 septembre 2009 MSF
Une crise économique aggrave la situation des habitants dans le sud-ouest de la
République Centrafricaine (RCA), une déjà extrêmement vulnérable.
Alertée par les autorités locales, les équipes de Médecins Sans Frontières ont ouvert, en un mois, quatre centre nutritionnels au sud ouest de la République Centrafricaine (RCA), à Carnot, Boda, Nola et Gamboula, et ont mis en place des
dispensaires mobiles dans toute la zone.
En à peine un mois et demi, plus de 1300 enfants, souffrant la plupart de malnutrition sévère, ont été admis dans les
programmes MSF.
A Boda et Nola un grand nombre de
patients souffrant de complications médicales ont dû être hospitalisés. « C'est difficile de trouver des patients qui souffrent uniquement de
malnutrition. En effet, nombre d'entre eux souffrent d'autres maladies et arrivent ici dans un état critique.
Nous voyons beaucoup de personnes souffrant du paludisme, de diarrhée, de tuberculose ou
encore du sida, autant de maladies qui s'ajoutent à l'état déjà très fragile
des enfants »,
explique Clara Delacre, coordinatrice MSF à Nola.
« De nombreux facteurs peuvent expliquer cette situation. Parmi eux, la crise qui touche le secteur minier, principale source de subsistance pour la majorité de la
population de la région », ajoute Clara Delacre.
La crise a privé un grand nombre
d'hommes de leur emploi, les laissant sans aucune autre source de revenu. De plus, de nombreux bureaux d'achat d'or et de diamant ont dû fermer ces derniers mois.
Cependant, la crise économique n'est qu'un facteur conjoncturel
qui vient s'ajouter aujourd'hui aux difficultés chroniques que connaît la région : un régime alimentaire
pauvre basé sur le manioc, le manque d'accès aux soins pour la majorité de la population et la saison des pluie qui augmente le risque de propagation du paludisme et d'autres maladies.
Dans la région, l'aliment de base
est le manioc. D'autres aliments basiques tels que la viande sont aujourd'hui rares. Selon les habitants de la région, le problème a commencé il y a quelques années lorsque des groupes de bandits
ont menacé les éleveurs de bétail. Les éleveurs ont dû alors fuir vers le Cameroun et ne sont toujours pas revenus.
En outre, un des facteurs déclencheurs de la crise est le manque d'accès aux
soins. Les gens doivent en effet payer pour recevoir les soins et les médicaments, ce qu'ils ne peuvent pas se permettre. Cela, a été aggravé
par la perte récente des sources de revenu de nombreuses familles et la fermeture de nombreux centres de santé.
« MSF est venue ici en réponse à une urgence pour soigner les cas les plus sévères. Mais certains problèmes de fond nécessiteront une réponse plus large
»,
conclue Clara Delacre.
MSF travaille en République depuis 1997. Actuellement, l'organisation met en place des projets pour fournir des
soins aux populations touchées par la violence dans le nord-ouest du pays, à Kabo, Batangafo, Boguila, Markounda, Maitikulu, Paoua et Bocaranga.
RCA : « A Carnot, un hôpital et une ville
délaissés »
01 septembre 2009 MSF
Depuis le 23 juillet, des équipes MSF prennent en charge la malnutrition
dans la région de Carnot, une ville du sud-ouest de la République Centrafricaine (RCA). Annie Gadan a fait partie de la première équipe, chargée de
mettre en place le projet. Elle nous raconte ici les premières étapes de cette mission.
Comment avons-nous su que la situation nutritionnelle était inquiétante dans la région ?
Vers la mi-juin, le médecin
chef de l'hôpital de la ville de Carnot lance deux appels à la radio locale pour passer un message d'alerte. Lorsqu'il prend son poste en mai, il découvre une situation nutritionnelle très
alarmante dans la région, qui se traduit à l'hôpital par des cas de malnutrition sévère.
Suite à ses messages radio,
beaucoup de gens se présentent à l'hôpital. Les équipes médicales s'organisent et prennent en charge gratuitement plusieurs dizaines d'enfants malnutris sévère.
En RCA, les soins de santé
sont normalement payants. Il faut payer pour les médicaments, pour l'infirmier qui consulte ou éventuellement le médecin, et pour les hospitalisations aussi.
Au niveau de Bangui, le
ministère de la Santé réunit plusieurs acteurs de l'aide présents dans le pays. Action Contre la
Faim (ACF) et Médecins Sans Frontières (MSF) décident de mener une rapide évaluation
nutritionnelle début juillet. Celle-ci rapporte un taux de malnutrition sévère très alarmant, au-dessus de 20%.
Même si ce chiffre ne peut
pas être généralisé à l'ensemble de la population de la sous-préfecture de Carnot, il s'agit d'un taux de malnutrition sévère extrêmement inquiétant. La crise aurait affectée toute la préfecture
de Mambéré-Kadéï et d'autres interventions sont en cours dans les sous-préfectures voisines.
Que se passe-t-il à votre arrivée à Carnot ?
Nous sommes arrivés à Carnot
le soir du 22 juillet, avec le matériel nécessaire pour la prise en charge environ 72 enfants, en hospitalisation et en ambulatoire. On a apporté avec nous des aliments thérapeutiques, du lait,
des médicaments, du matériel logistique comme des tentes, parce qu'on ne savait pas ce que l'on allait trouver sur place.
A notre arrivée, l'équipe de
l'hôpital nous a accueillis chaleureusement, les gens semblaient soulagés de nous voir arriver. Nous sommes mis au travail dès le lendemain. Les logisticiens ont mis en place le nécessaire pour
l'hospitalisation des enfants, les médecins ont consulté leurs premiers patients, et moi j'ai fait le tour des autorités.
J'ai alors découvert une ville "far-west ", presque déserte, où la
majorité des commerces sont fermés... Avant d'arriver, on s'était renseignés sur la région, et on avait entendu dire que Carnot, ville diamantifère, connaissait une situation économique
difficile, que l'exploitation et le commerce du diamant étaient en crise.
En traversant la ville, on s'en est vite rendu compte. Si la ville avait
connu une période faste, ce n'était visiblement plus le cas aujourd'hui. L'ambiance était celle d'une ville et d'un hôpital complètement délaissés...
A l'hôpital, comment se passe
l'installation ?
A l'hôpital, nous avons déjà 42 enfants sévèrement malnutris accompagnés
de leur famille. Les médecins font un premier tour de consultation. Près de la moitié de ces enfants peuvent être soignés à domicile et ne nécessitent pas d'être
hospitalisés.
Mais pour ceux qui en ont besoin, l'équipe met en place un centre de
nutrition thérapeutique. Dès les premiers jours, les consultations et les admissions augmentent. A partir du 1er août, on décide d'évaluer à nouveau la situation nutritionnelle, à la fois dans la
ville de Carnot et dans les zones rurales.
On obtient un taux d'environ 10% de malnutrition sévère aiguë dans la
ville de Carnot, mais dans les villages alentours, les chiffres collectés paraissent beaucoup plus bas. Actuellement, une enquête nutritionnelle avec une étude de mortalité rétrospective, ainsi
qu'une évaluation de sécurité alimentaire sont en cours.
Comment les gens décrivent-ils
leur situation ?
Partout où nous sommes allés, les gens mentionnent en premier leurs
difficultés économiques, évoquent la crise mondiale et l'effondrement du prix du diamant.
De nombreux habitants de Carnot tiraient leurs revenus des activités
minières. Or la la fermeture de nombreux bureaux d'achat du diamant à la fin de l'année dernière a poussé la population à réorienter ses activités sur l'agriculture. Dans cette région, la culture
principale étant le manioc, beaucoup n'ont pas eu les moyens de diversifier leur semis avec des haricots, des courges, des arachides, etc.
Dans les périodes de forte activité minière, les produits alimentaires
sont importés massivement d'autres régions (manioc, légumes etc..). Mais en ce moment, le marché est inondé de la production locale de manioc et le prix de vente s'est
effondré.
Aujourd'hui, le régime alimentaire de ces populations est peu diversifié,
essentiellement composé de manioc et de feuilles cuites à l'eau. La viande est hors de prix sur le marché et d'autres aliments indispensables comme l'huile sont très chers. Il y a donc
certainement un problème d'accessibilité à la nourriture pour les foyers affectés par la crise économique.
Y a-t-il d'autres facteurs
pouvant expliquer cette dégradation nutritionnelle ?
La saison des pluies a débuté en juin, avec un mois de retard. Les femmes
racontent que le mois de mai a été particulièrement sec, et l'impact sur les cultures très négatif. Mis à part le manioc, il n'y a quasiment pas de réserve alimentaire dans les foyers
actuellement. Au mois d'août, la récolte des arachides et du mais a eu lieu, pour ceux qui en ont planté en début d'année.
L'autre problème, c'est l'élevage. On voit peu d'animaux dans ce coin-là.
Trouver des œufs par exemple, n'est pas toujours facile et quand on en trouve, ils sont chers. Pourtant, la viande ferait partie des habitudes alimentaires des gens.
En saison sèche, les Peuls amenaient habituellement leurs troupeaux en
pâture dans la région. Ils ont cessé de le faire depuis 2007, lorsque des coupeurs de route, commettant des actes de banditisme, ont sévi aux alentours de Carnot. Il semble que les gens aient
beaucoup souffert de cette insécurité. De nombreux habitants des zones rurales ont migré vers la ville de Carnot suite à ces événements, et ne sont pas repartis depuis lors.
A la fin du mois d'août, près de 530 enfants malnutris sévère avaient été admis
dans le projet, dont plus de 190 avaient dû être hospitalisés. Autour du 20 août, trois centres de traitement en ambulatoire avaient été ajoutés aux structures de prise en charge
initiales.