20 décembre 2009 blog de Juliette Abandokwe
Personne ne s’attend à ce que François Bozizé, en tant que bon général président
dictateur qui se respecte, ne quitte le pouvoir librement et démocratiquement. Il est arrivé au pouvoir par la violence, et ne connait pas d’autre langage. Le goût très sucré de la mangeoire ne peut d’ailleurs que le dissuader de la quitter. Par conséquent, tous les moyens seront bons pour forcer les centrafricains à accepter sa réélection en 2010.
Les moyens à disposition sont multiples et bien connus de tous, et sont
régulièrement utilisés lors d’élections présidentielles en Afrique en tout
cas.
« Comment peut-on organiser des élections, y participer
et les perdre en Afrique ? » disait Omar Bongo.
Les pays de la communauté françafricaine usent d’une machine déjà très bien huilée depuis
l’avènement des pseudo-indépendances, installée par un colonisateur qui avait bien l’intention de garder la main mise sur ses colonies de façon détournée, afin
de continuer à faire mains basses sur les ressources naturelles déjà largement exploitées durant la
colonisation.
Le gouvernement français se porte ainsi garant d’un résultat à la hauteur
des espérances du « président » sortant, en échange de la bonne garde du pré-carré que tout le monde
connait. Les petits moyens locaux viennent en tête de la parade en vue de la fraude électorale massive que nous
connaissons dans les pays de la Françafrique, et qui se répète à chaque échéance électorale.
Le premier petit moyen est la manipulation du nombre des personnes qui auront le
droit de déposer leur bulletin de vote. En République centrafricaine, Bozizé a décrété publiquement et devant les médias internationaux, que le
recensement du corps électoral est un petit problème et qu’il peut se faire en un mois. Or, ce n’est que des fabrications de listes électorales qui peuvent être produites en si peu de
temps. C’est ce dont le principal candidat de l’opposition, Martin Ziguélé, chef du MLPC, accuse le pouvoir de vouloir faire par le biais d’Elie Ouefio, Secrétaire général du parti au pouvoir, et Ministre de l’Administration du Territoire. Martin
Ziguélé exige simplement des listes électorales fiables, et respectent les dispositions constitutionnelles.
Or, la manipulation de sous-préfets, préfets, chefs de village et maires de
plusieurs préfectures en province, ainsi qu’à Bangui et à Bimbo, a été largement constatée, et prouve les tentatives de malversation en termes de recrutement électoral, et de listes
parallèles et non conformes, donc illégales. Ainsi l’établissement de la base même du processus, est sujet à des tentatives systématique de sabotage, ce qui ne présage pas grand-chose de bon pour
la suite.
Le peuple centrafricain se fait malmener une fois de plus dans sa
volonté d’exercer son droit le plus fondamental, sa liberté de penser et de manifester son opinion.
Or, « un OUI n'a de sens que
si celui qui le prononce, a la capacité de dire NON » disait Lamine Gueye.
Les Centrafricains sont en droit
de s’attendre à un recensement électoral fait ouvertement et dans les règles, par la voie officielle, et surtout sur toute l’étendue du territoire national, effectué par une commission électorale
indépendante comme le stipule la loi constitutionnelle. Les listes électorales doivent ensuite être affichées et corrigées selon les réclamations des citoyens. Les listes définitives sont
les seules listes légales. Les Centrafricains ont le droit au respect de la loi garantie par la Constitution.
La communauté internationale, au terme des élections, est sensé valider un
résultat obtenu dans la transparence et la légalité. Or, l’opinion publique internationale est très silencieuse, inconsciente et désintéressée du sort d’un peuple africain de plus, dont il
n’entend rien d’autre depuis 50 ans au moins, que l’histoire diabolisée et tropicalisée de Bokassa, et des coups d’état à répétition.
Qu’elle est loin également cette misère et cette famine que les médias étalent. Le Darfour, l’Ethiopie, la Somalie, et finalement tout se mélange ; les gouvernements occidentaux
profitent de l’ignorance pour valider l’inacceptable, et feignent l’ignorance des malversations malgré tous les cris de protestation du monde.
Comment les peuples occidentaux peuvent-il valider des pratiques qui ne
pourraient jamais être validées en Europe ! C’est parce que ces pratiques en Afrique sont systématiquement validées par l’Occident, qu’elles constituent finalement la normalité
sans questionnement.
Comment la communauté internationale peut-elle valider une élection
présidentielle basée sur des inscriptions clandestines de citoyens par des chefs de village et des maires aux ordres de Bangui, sur des cahiers d'écoliers pour constituer des listes parallèles
comme le fait depuis juillet 2009 le Ministre centrafricain de l'Administration du Territoire, et Secrétaire général du KNK, Monsieur Elie Ouefio.
Ce sont pourtant des pratiques inacceptables !
Comment peut-on accepter et valider, comme procédé légal et transparent,
des listes électorales manuscrites tel qu’en 2005, où l’urgence et l’instabilité suite à la rébellion avait excusé ces listes composées à la va-vite. Martin Ziguélé, bien que
candidat et accepté au deuxième tour, n’avait pas pu voter du tout, comme son nom ne figurait sur aucune de ces listes électorales !
En outre, le Ministre Ouefio
a affirmé devant l’Assemblée Nationale en avril dernier, que les listes électorales de 2005 étaient détruites, alors qu’il parle également de l’actualisation de listes électorales à la place d’un recensement
complet en bonne et due forme. Le temps est compté, c’est vrai, mais il faut quand même que la loi constitutionnelle soit appliquée un tant soit peu. Comment peut-on en Occident valider ce qui
est basé sur l’actualisation de listes électorales qui n’existent plus! Il ne s’agit tout simplement que de noms de personnes recensées illégalement et clandestinement par les chefs de village et les maires qui ont été saisi dans des fichiers
informatiques parallèles, pour les imposer à la Commission Electorale Indépendante,
qui elle, est sensée garantir la transparence du processus.
En clair, le pouvoir en place cherche à bloquer le déroulement normal du
processus dans tout l’arrière pays ; loin du théâtre des opérations de la capitale, les partis politiques, ainsi que les divers organes et bailleurs de fonds de la communauté internationale
n’y voient que du feu…
Martin Ziguélé affirme que « le ministre en charge de l’Administration du territoire profite de l’installation des
nouveaux préfets et sous-préfets pour mettre en
place des structures du KNK (groupement politique soutenant le président Bozizé), et impose aux maires et chefs de
village et de Groupe, de démissionner de leurs partis respectifs pour diriger les structures locales de KNK ».
En fin de compte, la Commission électorale deviendrait une commission à laquelle « on impose de fausses données pour légitimer de faux résultats ». De quoi valider largement un faux président à la même
occasion !
Cette situation est inacceptable, et elle à prendre avec
le plus grand des sérieux, par une communauté internationale qui ne se cesse de déverser des milliards dans les poches du régime de Bozizé, sans
apparemment jamais se poser de vraies questions.
La communauté internationale doit absolument comprendre
que le peuple centrafricain aspire désespérément à la paix, et à des élections paisibles et correctement menées. Dans cette perspective, il serait hautement souhaitable que les
candidats au scrutin soient traités équitablement, que le déroulement du processus électoral soit mené dans la transparence et le sérieux, en laissant de côté les grossières manipulations. Il est
également indispensable et normal, que tout centrafricain en âge de voter, y compris les déplacés et les exilés, soient recensés, afin que le scrutin exprime la libre expression du peuple, que le
résultat soit crédible, et surtout acceptable avant d’être validé aveuglément.
Ces procédés, comme mentionnés précédemment, sont répandus de
façon institutionnalisée en Françafrique. Aujourd’hui c’est la République Centrafricaine, et demain il s’agira du Cameroun, où les chefs de quartiers corrompus distribuent les cartes de vote
seulement aux « bons citoyens camerounais ». Dans les quartiers ou les régions notablement
dans l’opposition, il n’y a pas de cartes de vote du tout.
Ce n’est que la pointe de l’iceberg. Et nous ne parlons là
que des fraudes pré-électorales. Les urnes bourrées ou brûlées, les intimidations et menaces envers les électeurs, la présence omniprésente des forces armées au moment du vote, le black-out
communicationnel dans le pays, ainsi que les répressions dans le sang d’électeurs qui manifestent leur réprobation à la violence politique des autorités, ne sont qu’une faible image de la réalité
du terrain. Les fraudes électorales sont massives à tous les niveaux, afin de garantir que le « bon candidat » sera bien le vainqueur.
Valider de tels résultats équivaut bel et bien à un crime contre
l’Humanité.