Pierre Prier Le Figaro
10/01/2010 | Mise à jour : 22:24
Un mouvement séparatiste a revendiqué
l'attaque contre les footballeurs togolais.
«Les armes vont continuer à parler. Nous sommes en guerre et tous les coups sont permis», a menacé dimanche le
secrétaire général des Forces de libération du Cabinda-Position militaire, qui ont revendiqué l'attaque contre le bus des footballeurs
togolais. Rodrigues
Mingas, qui s'exprimait du Luxembourg et vivrait en exil en France, ne représente sans doute qu'un groupuscule. Mais, en choisissant une cible médiatique, il vient de remettre en scène un
conflit oublié, dont le pétrole est l'enjeu principal.
L'enclave du Cabinda, province angolaise de 7 280 km2 située entre le
Congo-Brazzaville et la République démocratique du Congo (RDC), est parfois surnommée le « Koweït de
l'Afrique ». Le Cabinda produit officiellement plus de la moitié des quelque 1,9 million de barils-jour du pétrole angolais, un privilège qui a toujours fait son
malheur.
En 1975, quand le gouvernement portugais issu de la révolution des Œillets
décide d'accorder leur liberté à ses colonies africaines, les Cabindais espèrent une indépendance séparée. Territoire colonial administré par les Portugais, tout comme l'Angola, l'ancien royaume
de Loango possède son propre mouvement de lutte, le Front de libération de l'enclave du Cabinda (Flec). Mais ce dernier n'est pas invité aux négociations de transition. Le Portugal ne discute
qu'avec les trois principaux mouvements angolais - MPLA, FNLA et Unita - et considère que le Cabinda doit devenir une province angolaise. Le Flec réagit en instaurant un gouvernement
provisoire et proclame son indépendance, ignorée par l'Organisation de l'Unité africaine (OUA).
En novembre 1975, c'est le coup de force. Aussitôt après la déclaration
d'indépendance angolaise, les troupes du MPLA, qui a pris le dessus, envahissent le Cabinda, renversent le gouvernement provisoire et font du petit territoire une province angolaise. Des troupes
cubaines viennent renforcer la protection des installations pétrolières. Et qu'importe si l'or noir cabindais est exploité par une compagnie américaine, l'avidité est plus forte que l'idéologie.
Commence alors une guerre de basse intensité, compliquée par l'enjeu pétrolier. Des puissances régionales et internationales soutiennent le séparatisme cabindais, dans le cadre de la lutte
contre le gouvernement prosoviétique angolais, et surtout du combat pour le contrôle de ses ressources.
Une menace
sous-estimée
Différentes tendances du Flec se trouvent ainsi aidées par le dictateur
Mobutu du Zaïre, l'actuelle RDC. Mobutu, qui lorgne sur le pétrole, a demandé en vain à l'OUA d'organiser
un référendum sur l'avenir du Cabinda. Les États-Unis et l'ex-compagnie française Elf, qui cherchent à assurer l'avenir de leur approvisionnement, sont également présents.
Mais la fin de la guerre froide sonne le glas des espoirs séparatistes.
Aujourd'hui, si un différend subsiste entre l'Angola et la RDC à propos de l'exploitation de champs offshore mitoyens, les pétroliers occidentaux s'entendent très bien avec l'Angola. Les champs
cabindais sont exploités à 41 % par la compagnie nationale angolaise, l'Américain Chevron, opérateur avec 39,2 %, le Français Total (10 %) et l'italien ENI
(9,8 %).
En 2006, le dirigeant des principales tendances du Flec, Antonio Bento Bembe, signe un accord avec Luanda et intègre le gouvernement angolais comme ministre des Droits de l'homme. Mais des éléments du Flec le
désavouent, dénonçant la corruption endémique engendrée par le pétrole, décrite comme un «problème majeur» par la CIA elle-même sur son site Internet. Dimanche, Antonio Bembe reconnaissait avoir «peut-être sous-estimé» la menace
séparatiste. Quant à Rodrigues Mingas, le leader qui a revendiqué l'attaque, le Quai d'Orsay reconnaissait dimanche qu'il avait «vécu en France». Sa situation actuelle restait à confirmer.
Les Forces de libération de l'Etat du Cabinda-Position militaire (Flec-PM), groupe né en 2003 d'une dissidence du principal mouvement
séparatiste, le Front de libération de l'enclave du Cabinda (Flec), ont revendiqué cette action et menacé de mener d'autres attaques. Un dirigeant du mouvement séparatiste exilé en France,
Rodriguez Mingas, a expliqué sur France Info que les rebelles visaient les soldats angolais accompagnant l'autocar. «La guerre va continuer, tous les coups sont permis pendant la guerre», a-t-il prévenu.
Il a confirmé que «deux mois avant le début de la
CAN », les rebelles avaient envoyé des courriers au président de la Confédération africaine du football Issa Hayatou pour l'informer «du danger qu'il peut encourir en organisant la CAN».
Tout en précisant que «cela ne fait que commencer».
La réaction du Quai d'Orsay a été immédiate. «Ces propos sont inacceptables, et nous les condamnons fermement. Ils ne resteront pas sans suite», a assuré Bernard Valéro, porte-parole du ministère des Affaires étrangères. «L'appel à
la violence, l'incitation à la violence ne peuvent pas être justifiés par aucune raison que ce soit, et nous condamnons vigoureusement les propos de ce personnage».
Mardi, un deuxième groupe indépendantiste du Cabinda a revendiqué cette attaque meurtrière, en expliquant dans un entretien
téléphonique avec l'Agence France-Presse tirer systématiquement sur les convois escortés au Cabinda par des forces de sécurité angolaises.
CABINDA : Communiqué de Presse du
FLEC
Cabindais, Cabindaises, Chers amis,
Aujourd'hui, le monde entier a les yeux braqués sur nous. Aujourd'hui, sur les 5 continents, tous les peuples de la
terre découvrent le Cabinda, sa situation géographique, sa révolution face à l'armée d'occupation, son espoir légitime à la liberté, à l'indépendance, au bonheur, à l'esprit d'une révolution
nécessaire et pacifique.
L'insurrection, la lutte pour
l'autodétermination d'un peuple à disposer de lui-même, de ses propres institutions et structures politiques ne se conjuguent pas avec une vague soumission non violente ou tout un chacun
s'agenouille devant l'oppression en espérant des jours meilleurs.
Ce droit à la liberté nous le crions depuis des années, nous l'inscrivons en lettre de sang
sur les tombes de nos martyrs. Cette attaque menée par nos forces armées contre le convoi angolais exportant le bus des joueurs du Togo ne visait bien évidemment pas l'équipe de ce pays frère
mais, bien entendu, les hommes de l'armée d'occupation. Nous déplorons ces victimes innocentes et notre cœur est triste mais, pour reprendre la terminologie occidentale, lorsqu'un obus ou une
bombe tombe sur des civils innocents nous parlerons de dommages collatéraux.
L'Angola est, avec son Président, en fonction depuis près de 30 ans, devenu un pays fréquentable et son leader, un grand
chef d'état, sans jamais avoir été élu par son peuple. Associé à la grande corruption internationale et s'accrochant au pouvoir, ce dictateur sanguinaire s'est vu attribuer le statut d'homme
respectable. Pourquoi ? Sa soif de l'or noir car 80% des ressources pétrolières de l'Angola sont situées au Cabinda. Oui, mes chers compatriotes, mes chers amis, nous nous devons de saluer
l'héroïque engagement de nos forces de la résistance qui ouvrent le chemin vers une juste reconnaissance de notre combat pour l'indépendance. Il est de la nature de l'homme de se redresser face
au danger et l'oppression.
Déjà, en 1828, Victor Hugo dénonçait l'occupation turque de la Grèce en ses termes, à la fin de son magnifique
poème, "Que veux-tu fleur, beau fruit ou l'oiseau merveilleux ? Ami dit l'enfant grec, dit l'enfant aux yeux bleus, je veux de la poudre et des
balles".
Au Cabinda, nos enfants ont les yeux noirs et le sourire triste mais leurs
rêves, comme cet enfant grec, parlent de liberté, d'étoiles et de paix. Nous voulons plus que jamais être les artisans de cette paix. Mobilisons nous pour que le rêve de nos enfants devienne
réalité, source de joie, de fraternité et de prospérité.
Jean-Claude
NZITA
Vidéo - Communiqué de presse du Dr Joël BATILA, Secrétaire Général du FLEC (Front de
Libération de l’Enclave du Cabindas) : http://www.youtube.com/watch?v=L4dJpZVKo1M