Célestin Leroy Gaombalet
GESTION SCABREUSE DE L'ASSEMBLEE NATIONALE : J’ACCUSE !
En décidant de publier une tribune dans la presse privée nationale, je voulais, par ce fait, porter à la connaissance de l’opinion
nationale et internationale, le véritable drame que vit l’Assemblée nationale de la République centrafricaine et à travers elle, les députés centrafricains.
Privé d’accès aux medias d’Etat, c’était pour moi, le seul moyen pour faire comprendre à nos compatriotes et à ceux des étrangers que cela intéresse, les raisons de notre prétendue
« inertie », essentiellement due à deux facteurs conjugués à savoir : i) les entraves volontairement créées et entretenues par le député Célestin Leroy Gaombalet, élu par ses pairs pour diriger l’institution et présider à leur destinée, c’est-à-dire gérer leurs intérêts ; ii) le manque
criant de moyens devant permettre aux députés de faire face aux nombreuses et diverses sollicitations des populations, en lieu et place de l’Etat défaillant. C’est donc au collègue Gaombalet que je me suis adressé, en ma qualité de représentant du peuple à qui des comptes doivent être rendus, pour l’information du peuple souverain.
Au lieu de se soumettre à cet exercice pourtant simple, le Président de l’Assemblée nationale a cru devoir, après moult tergiversations, se faire remplacer par Monsieur Louis Papeniah dont lui seul connaît les raisons pour lesquelles il s’est attaché les services, pour me répondre au nom d’un prétendu cabinet du Président de
l’Assemblée nationale où il fait la pluie et le beau temps. Par la même occasion, ce dernier exprime son trouble quant à la coïncidence de la parution de mon article avec le rebondissement de
l’affaire dite du tripatouillage de la loi portant statut général de la fonction publique, où depuis des mois, par incompétence et couardise, cette affaire n’est toujours pas tirée au
clair.
N’étant ni député ni membre du Bureau de l’assemblée, j’en déduis que Monsieur Papeniah se trompe d’interlocuteur puisque n’ayant ni la qualité, ni
les éléments pour prétendre répondre aux nombreux problèmes précis soulevés et maîtrisés par les seuls députés. Cette réaction participe d’une démarche de diversion qui laisse les problèmes
toujours sans réponse. Je ne me sens en rien concerné par cette prétendue réponse qui vise plus à plaire à son patron – afin de garantir le beefteak - qu’à informer sérieusement les
Centrafricains. En espérant que le Président de l’Assemblée se décidera enfin à répondre, en tant que comptable public, je rajoute les éléments suivants pour lui permettre, s’il le veut bien, de
faire comme le dit l’adage « d’une pierre deux coups »:
1. Le parc auto du
Président
En quittant la Primature, le Président est parti avec la voiture de commandement, une Peugeot 607. En arrivant à l’Assemblée, il a
hérité de la Toyota 4x4 land cruiser flambant neuf du Président du défunt Conseil National de Transition.
A ces deux véhicules de commandement de très haut de gamme, très faiblement utilisés, il faut rajouter d’autres, acquis par le Président soit par le biais des réformes soit à l’étranger.
Depuis quelques temps, c’est à bord d’une voiture privée que le président se déplace, on ne sait pour quelles raisons.
Où sont passées les voitures de commandement ? Sont-elles en panne ? Si oui, ne sont-elles pas réparables ? A moins qu’elles soient déjà épinglées au
tableau de la stratégie de réforme, pourquoi abandonne-t-il toutes ces voitures pour rouler dans des voitures privées et fumantes, toute chose de nature à ternir l’image de l’Assemblée nationale
et de la République centrafricaine. La visite officielle du Président Ali Bongo dans notre pays a constitué le point d’orgue de cette attitude
honteuse qui n’honore pas du tout l’homme qu’abusivement on appelle « le très honorable président de
l’Assemblée nationale ».
Cette attitude incompréhensible contribue à alimenter des rumeurs de toutes sortes à l’Assemblée nationale.
Lorsqu’il s’est agi de faire doter de véhicules les députés, le président, une fois de plus s’est refusé à faire un
montage financier correct susceptible de couvrir les différentes cautions exigées pour l’opération. Au résultat, l’adjudicataire du marché lui a collé un procès sur la tête pour lui avoir fait
perdre de l’argent dans la procédure. L’affaire est aujourd’hui devant la Cour de cassation en dernier ressort. Par la faute du président de l’Assemblée, le tort doit être réparé moyennant le
paiement d’importantes sommes d’argent à titre de dommages-intérêts. Et notre président est un ex banquier !
2. La
défense des députés
Sous la présidence de Gaombalet, il a été porté atteinte à la sécurité et à l’intégrité
physique de nombreux députés, en violation des textes qui les régissent, sans qu’il ait entrepris quoi que ce soit pour que le tort soit réparé afin que cela ne se reproduise plus. Il s’agit
de :
1. Député N'douba Christophe : perquisition de domicile ;
2. Député Yama Davy : giflé par un policier ;
3. Député Kassala Ali : battu par les policiers de l’Ocrb dans les locaux mêmes de cette institution étatique ;
4. Député Mandaba Jean Michel : arrêté à Douala malgré sa double qualité de député centrafricain et de la Cemac, le président n’a pas levé
le petit doigt pour faire diligence alors que son collègue camerounais a été très actif en l’apprenant ;
5. Député Tidjiani : perquisition de domicile ;
6. Député Kaïne Hélène : a failli être tuée par le Colonel Tchimangoa, alors Directeur
général adjoint de la Sécurité présidentielle. La concertation des députés a retenu le principe de faire interpeller le ministre délégué à la défense, Francis Bozizé. Le Président de l’Assemblée s’est opposé par des manœuvres depuis mars 2008 à cette interpellation qui ne s’est pas concrétisée à ce
jour ;
7. Beaucoup de vexations et humiliations des députés aux barrières de racket de la sécurité présidentielle sont systématiquement rapportées au Président de l’Assemblée. Mais il reste de
marbre. Fatigués par cette attitude, chaque député digère ces vexations en silence et s’organise pour gérer sa propre sécurité. Les exemples peuvent être multipliés à l’infini.
3. Le détournement des indemnités des
députés
En 2007 et 2008, deux mois de salaires ont été payés par deux fois à tous les fonctionnaires, y compris aux députés. En se ravisant
que ces derniers n’ont pas d’arriérés d’indemnité – puisque pris en compte dès leur entrée en fonction en juin 2005 – le Président de l’Assemblée fera procéder à une retenue sur leurs indemnités
à concurrence des deux mois « trop perçus » selon lui, par les services financiers de l’Assemblée. Mais au lieu de reverser cette importante somme au trésor, il a préféré non seulement
la garder à l’Assemblée mais surtout à l’utiliser en lieu et place du budget de fonctionnement qui d’après lui, de petits fonctionnaires du trésor se refusent à lui faire verser. Au cours d’une
concertation des députés, il ira jusqu’à dire, je cite : « mais lorsque les toilettes sentent bon, que
les couloirs sont propres, où croyez-vous que je trouve l’argent ? C’est cet argent, car même le Premier ministre ne se fait pas respecter par ces fonctionnaires » fin de
citation. Si ces deux plus hautes personnalités de l’Etat ne sont pas respectées, qu’attendent-elles pour rendre leur tablier pour qu’enfin l’Etat soit respecté ?
Ce n’est quand même pas par le biais de l’argent détourné de son objectif que l’Assemblée nationale doit fonctionner.
Plus d’une séance de concertation ont été consacrées à cette question sans faire changer d’avis et surtout d’attitude au président de
l’Assemblée nationale. Cependant, une chose est sure, c’est que les députés ne se laisseront pas faire si, à la fin de la présente législature, un centime de leurs indemnités venait à manquer.
Ils utiliseront tous les moyens pour rentrer dans leurs droits. Une affaire à suivre très attentivement.
Les appels incessants de fonds sont une autre source de problème. Ayant refusé de donner les moyens à la commission de contrôle interne pour fonctionner et d’instruire le personnel administratif
pour sa collaboration, cette commission est restée une coquille vide.
Il est fortement souhaitable qu’une mission de contrôle extérieure soit dépêchée à l’Assemblée nationale. Malheureusement, la Cour des
comptes est seule habilitée à le faire, et a posteriori. La vérité se fera bien un jour.
4. Le contrôle
parlementaire
Le devoir de contrôle de l’exécutif par le législatif est l’une des prérogatives les plus importantes conférées aux députés par la
constitution et le règlement intérieur de l’Assemblée. A ce titre, tout représentant – surtout les ministres - de l’exécutif a l’obligation de déférer aux convocations de l’Assemblée nationale
pour se faire entendre et donner des explications sur tout sujet jugé important par les députés. A titre de rappel, c’est la conférence des présidents (des groupes parlementaires et des
commissions permanentes) qui arrête le programme hebdomadaire de l’Assemblée. Le président refuse systématiquement d’y faire inscrire l’interpellation des membres du gouvernement, quelles que
soient la gravité, l’urgence et le problème du moment. C’est pourquoi pendant près de cinq années bientôt, le nombre de ministres interpellés se compte sur les doigts d’une seule main. Plus d’une
fois au cours de cette législature, certains membres du gouvernement, sous de prétextes divers, se sont soustraits de cet exercice sans être inquiétés le moins du monde par le Bureau de
l’Assemblée. Ce fut particulièrement le cas lors de l’examen du dernier projet de loi des finances 2010 où des constats de carence ont été établis pour certains ministères. En fait, c’est parce
que le Président de l’Assemblée nationale n’a jamais voulu les laisser se familiariser à l’exercice parlementaire car selon lui, notre pays brûle en permanence et que ce n’est donc pas la peine
d’y verser de l’huile. Il fera néanmoins voter cette loi. Dans son discours de clôture de la dernière session 2009, aucune allusion à ce grave manquement ne sera faite. Au contraire, ce sont ses
félicitations à l’équipe nationale de football qui vont emporter sa préférence, certainement jugées plus importantes que ces manquements dérisoires des membres du gouvernement.
5. La grandeur d’âme et le
patriotisme
Guidé en tout et pour tout que par ses seuls intérêts, le Président de l’Assemblée a attendu le discours de clôture de la session
budgétaire pour joindre sa voix à celle des autres compatriotes qui, un mois plus tôt, félicitaient les fauves pour avoir gagné la coupe de la CEMAC. Cette félicitation du bout des lèvres et à
contre temps, illustre à la perfection l’indifférence et l’immobilisme de l’homme pour l’intérêt général et celui de la jeunesse en particulier. C’est pourquoi il n’a rien fait pour que les
fauves parviennent à ce résultat. Que le Président de la Fédération de foot ne s’est-il pas plaint d’être abandonné, les fauves dans les mains, pendant la phase capitale des préparations !
Il eût été important que les trois grandes institutions de la République que sont la Présidence, l’Assemblée nationale et la Primature donnent l’impulsion du soutien par des actes symboliques
forts. Ce n’est pas ce à quoi on a assisté.
C’est aussi à travers des actes patriotiques de cette nature qu’on mesure la qualité des hommes, qui plus est, dirigent les plus importantes institutions de la république. Ici, le Président de
l’Assemblée est purement et simplement sifflé hors-jeu. La jeunesse appréciera.
Conclusion
Pour l’essentiel, assumer la fonction du perchoir requiert des aptitudes particulières dont les plus importantes sont la vision, la
grandeur d’âme et le patriotisme, toute chose apparemment hors de portée de l’actuel locataire de la présidence de l’Assemblée nationale. C’est pour cela d’ailleurs et pour notre malheur qu’il
s’est attaché les services d’un directeur de cabinet qui, lui-même guidé en tout et pour tout que par ses propres intérêts, le fourvoie en croyant lui rendre service. Véritable maître à penser du
Président, toute faute, tout manquement du président doit lui être directement imputé. Tous les députés s’en plaignent sans que rien n’y fasse. Tout au long de cette législature, il s’est
méthodiquement employé à torpiller les dossiers des députés, à manipuler le Président de l’Assemblée, à s’occuper et à parler de ce qui ne le regarde pas, etc.
Installé depuis peu dans ses nouvelles fonctions de premier responsable du Mouvement pour la Défense de la Démocratie (MDD), on est en
droit de se permettre de penser qu’il saura prendre la judicieuse et courageuse décision de se libérer de ses charges administratives à l’Assemblée nationale pour se consacrer entièrement à
l’exaltante et noble mission qu’est celle de diriger un parti politique. L’histoire de notre pays retiendra alors son nom.
Pour le reste, qu’il lui plaise de laisser les concernés s’expliquer. C’est aussi cela le discernement.
Christophe N'DOUBA Député de Paoua 2