Centrafrique : Enquête sur François Bozizé et l’Etat Kwa Na Kwa (1ère partie) dans le Magazine MATALANA (Le Temps de l’Afrique) n° 21 du mois de mai 2010 pages 60-64
Petites affaires en famille
Le général François Bozizé a désormais dépassé le cap d’un septennat à la tête de la Centrafrique. Après avoir exercé le pouvoir pendant deux ans comme président autoproclamé, à l’issue du coup d’Etat du 15 mars 2003 qui l’a porté au pouvoir, puis comme président de la République élu, depuis le 11 juin 2005….
Sept années après son arrivée au pouvoir en Centrafrique, les fondamentaux de l'économie nationale sont au rouge (voir notre prochaine enquête : Uranium, diamant et dessous de table à Bangui). La rébellion se réveille dans le nord-ouest, le nord-est et maintenant le sud-est du pays, marqué par la présence des rebelles ougandais de l'Armée de libération du Seigneur (LRA). Dans le sud-ouest du pays, plusieurs villes ont été envahies par de nombreux réfugiés fuyant les combats de Dongo, en république démocratique du Congo.
Arrivé au pouvoir en mars 2003, le général François Bozizé gouverne-t-il différemment d'Ange-Félix Patassé, l'homme qu'il a renversé? Installé au pouvoir au nom d'un « sursaut patriotique », le général a bénéficié d'un état de grâce qui a duré jusqu'aux élections d'avril et mai 2005. Maintenant la plupart de ses anciens compagnons politiques de la première heure ont été mis de côté. Le bilan du régime est peu éclatant.
Régulièrement, le président s'en prend successivement aux douaniers tenus pour responsables de la vacuité des caisses du Trésor public, aux enseignants et infirmiers qui seraient tout le temps en grève, aux militaires et magistrats accusés de libérer systématiquement les complices des rebelles ... Le pasteur François Bozizé décrète aussi chaque fin d'année, une journée de jeûne et prières pour implorer la bénédiction divine sur le pays.
Scrutin sous la menace des armes
Les raisons qui ont motivé son coup d'Etat ont déjà été évoquées dans une interview parue le 16 septembre 2002 dans le quotidien camerounais Mutations. Alors ex-chef d'état-major de l'armée, réfugié au Tchad depuis novembre 2001, le général François Bozizé affirmait qu'il ne s’agissait que de gérer une transition. Sept ans après sa prise du pouvoir, non seulement il ne s'est pas retiré de la scène politique à l'issue de la transition, mais il s'est présenté aux élections présidentielle et législatives d'avril et mai 2005. Avec la convergence « Kwa na Kwa », créée à la hâte pour les besoins de la cause.
Son entêtement à être candidat à l'élection présidentielle avait été vivement dénoncé à·· l'époque par l'Union africaine. Le président de la Commission, Alpha Oumar Kanaré, était même venu à Bangui lui conseiller de ne pas se présenter. Les élections de 2005 furent un modèle du genre. Dans plusieurs bureaux de vote, surtout dans la capitale, les électeurs avaient voté sous la menace des armes des éléments de la garde présidentielle. Certains candidats - comme l'actuel président de l'Assemblée nationale, Célestin Leroy Gaombalet - avaient transporté eux- mêmes les urnes des bureaux de vote au centre de dépouillement!
S'agissant de François Bozizé, non seulement sa candidature n'aurait pas dû être validée à cause de la publication hors délai de sa démission de l'armée, mais plus encore, le jour du scrutin présidentiel, il aurait été vu distribuant des billets de banque dans le 3e arrondissement de Bangui. Sans oublier les intimidations ayant abouti à l'invraisemblable élection de Patrice Edouard Ngaissona dans le 4e arrondissement, contre Me Nicolas Tiangaye! Plusieurs soldats de la garde présidentielle armés lançaient à qui voulaient les entendre: « Nous gagnerons par tous les moyens y compris par la force. »
En sa qualité de militaire, d'officier général, l'ancien chef d'état-major des Forces armées centrafricaines était le mieux placé pour ramener l'ordre et la sécurité en Centrafrique. Aujourd'hui, Bangui est presque coupée de certaines villes de province, eh dépit des déclarations du chef de l'Etat affirmant avoir restauré la sécurité à plus de 80 % dans le pays. Huit préfectures sur seize que compte la Centrafrique sont sous le contrôle de différents mouvements de rébellion armée.
Si l’origine de l'insécurité remonte déjà à plusieurs années, au temps du régime d'André Kolingba, il s'agissait surtout à l'époque du phénomène des « zaraguinas » ou coupeurs de route. C'est surtout à partir des années 2001 et 2002, après les tentatives de coup d'Etat du général François Bozizé et de la rébellion qui en a suivi, que l'insécurité en Centrafrique a pris 9 d'inquiétantes proportions. En effet, le Général a entraîné avec lui dans sa fuite vers le Tchad, en novembre 2001, un certain nombre de jeunes gens, militaires ou non, nationaux ou étrangers, auquel s'ajoutèrent des mercenaires de tout genre, recrutés pour les besoins du coup d'Etat manqué du 25 octobre 2002, puis celui réussi du 15 mars 2003.
Les engagements pris par François Bozizé pour les rémunérer, une fois le pouvoir conquis, n'ayant pas été honorés, cela lui a valu à plusieurs reprises d'être l'objet de menaces de la part de ceux-ci pour le contraindre à tenir ses promesses. La population de la sortie nord de Bangui, au PK 12, dont les week-ends étaient rythmés par de fréquentes échauffourées s'en souvient encore.
A Bangui, par exemple, les braquages et autres attaques à mains armées, parfois en plein jour, sont légion. Les violations de domiciles, les fouilles illégales, les enlèvements et arrestations arbitraires, les passages à tabac ne se comptent plus. A l'intérieur du pays, l'insécurité est devenue quasi généralisée et si préoccupante qu'elle a déjà engendré une fuite massive de plusieurs dizaines de milliers d'habitants des régions rurales des préfectures de l'Ouham, de l'OuhamPendé, de la Nana-Mambéré, de la Nana-Gribizi, de la Kémo, de la Vakaga, du Bamingui-Bangoran, de la Haute-Kotto et de la Mambéré-Kadéi vers les territoires tchadien, soudanais et camerounais. Un quart de la population centrafricaine est aujourd'hui déplacé, vivant en brousse dans des conditions inhumaines, ou en exil dans des camps de réfugiés.
Ces derniers temps, le sud-est du pays, qui semblait jusqu'ici épargné, est devenu la zone de prédilection des rebelles ougandais de la LRA de Joseph Kony. Malgré la présence du Bureau des Nations unies en Centrafrique (Bonuca), dirigé il n'y a pas si longtemps par le général Lamine Cissé, représentant spécial du secrétaire général des Nations unies, le bilan est désastreux en matière de droits de l'homme, Les rapports périodiques du Bonuca à New York n'ont jamais permis au secrétaire général des Nations unies de se faire une exacte idée de la dramatique réalité du pays. il a fallu que ce soit le siège de l'Organisation des Nations unies qui dépêche sur le terrain en mars 2007, le secrétaire· général-adjoint coordonnateur des Affaires humanitaires, Sir John Holmes, pour procéder à une exacte évaluation de la situation.
Est-il besoin de rappeler la responsabilité du général Lamine Cissé dans la mort du sergent Claude Sanzé, l'ex-aide de camp de Me Nicolas 1iangaye, torturé et exécuté en janvier 2006, après avoir été livré par le Bonuca, où il avait cru trouver refuge.
Les auteurs de ces crimes et violences sont généralement bien connus. Ce sont certains des anciens compagnons de la rébellion du général François Bozizé, presque tous reversés dans l’unité chargée de sa sécurité. Certains noms reviennent souvent tels que : Célestin Dogo (décédé), Olivier Koudémon alias Gbangouma, Bienvenu Gbadora, John Sallé et surtout le capitaine Eugène Ngaikoisset, surnommé le « boucher de Paoua», à cause des nombreuses tueries dont il se serait rendu coupable sur ordre venu d'en haut.
Ce dernier ne fut jamais inquiété. Il bénéficie paradoxalement de la confiance et de la protection du Président lui même, qui ne cesse de l'encenser dans ses discours et interviews dans les journaux. Ces derniers temps, Eugène Ngaikoisset aurait l'impression de porter seul le chapeau. Celui des assassinats du capitaine Damchine, du capitaine de gendarmerie à la retraite Koyangao, du lieutenant Patrick Assombélé, du sergent Claude Sanzé, de Me Ignace Bandassa, des soldats Marzane et Mamadou Ngaïssona.
Quant aux assassinats d'élèves devant le lycée Boganda, de Marie-France Yaligaza et de bien d'autres victimes, ils n'ont jamais été élucidés ni les auteurs punis par la justice. Les assassins du commissaire Hervy Trépassé courent toujours. Ceux du commissaire Daniel Sama, qui sont pourtant bien identifiés, se promènent également librement.
Sur l'axe vital Bangui-Douala, au Cameroun, on ne compte pas moins de 60 points de contrôle illégaux, improvisés par la garde présidentielle, dite républicaine, pour « soulager » les opérateurs économiques. Pourtant les auteurs sont bien connus, mais demeurent toujours impunis.
Une fois installé aux commandes de l'Etat, le général François Bozizé a su se constituer une garde républicaine composée pour l'essentiel d'éléments issus de son ethnie, voire de son clan. Sur les routes nationales, les rackets de ses hommes continuent de plus belle. Les centres de détention à caractère ethnique seraient toujours opérationnels. Celui de Bossémbélé dans l'OmbellaMpoko, par exemple, est qualifié de « Guantanamo ». Il vise surtout les ressortissants de Bozoum, Paoua et Bocaranga, systématiquement soupçonnés et accusés de complicité avec la rébellion de l'Armée populaire pour la restauration de la démocratie (APRD). Plusieurs personnes, essentiellement des jeunes hommes, y ont été arrêtées, passées à tabac, torturées et quelques unes y ont même trouvé la mort.
Lors de son entretien à l'Elysée, à Paris, le 19 novembre 2007, avec le président français Nicolas Sarkozy, celui-ci avait pourtant attiré l'attention du général François Bozizé sur le déficit du régime sur la question. Dans son message à la nation du 31 décembre 2009, en langue nationale sango, contre toute attente, le chef de l'Etat a fait une surprenante sortie en avouant avant l'heure, l'assassinat de l'opposant Charles Massi, dont la famille allait révéler quelques semaines plus tard la disparition suites aux tortures que deux bras armés du pouvoir, le lieutenant Abel Dénamganai et le capitaine Vianney Semndiro, lui ont infligées.
Une autre affaire de ce type a opposé le pasteur Thomas Touangaye de l'église baptiste de Kina à des diacres de cette église qui a entraîné l'incendie de sa maison. Dans un discours radiodiffusé, le chef de l'Etat centrafricain a accusé les diacres d'être responsables de l'incendie tout en évoquant la loi du Talion pour ordonner à ses hommes d'incendier les maisons appartenant aux personnes soupçonnées d'être à l'origine de l'incendie de la maison du pasteur Thomas Touangaye, une autorité spirituelle très contestée dans son église. Le pasteur étant de l'ethnie de François Bozizé. Celui-ci, le 15 mars 2006 à Mbaïki, où il fêtait le troisième anniversaire de son coup d'Etat s'en était violemment pris aux défenseurs des droits de l'homme: «J'ai pris le pouvoir avec les armes, celui qui veut me renverser devrait en faire autant. »
Pour le reste, voilà un président qui a le sens des affaires. Tout le monde a encore à l'esprit l'intérêt manifesté à son endroit par la police de l'air et des frontières allemande, en juin 2004, à Düsseldorf, un an à peine après sa prise de pouvoir. La presse de l'opposition écrivait alors que le Général s'y était rendu pour tenter d'y écouler des diamants. Depuis les diamants centrafricains sont confiés à des intermédiaires qui sillonnent certains pays comme la Chine ou l'Afrique du Sud.
Accusation de corruption
Beaucoup de monde s'intéresse à la forêt centrafricaine. Avec de nombreux permis d'exploitation, celle-ci a été ainsi mise en coupe réglée par des sociétés sud-africaines bien introduites à Bangui. Notamment dans les mines de diamant et celles hautement stratégiques d'uranium de Bakouma. Le feuilleton de l'affaire Uramin-Areva en est une illustration. TI n'y a aucune trace dans les livres du Trésor national de présumés dessous-de-table versés par Uramin, sous le contrôle de François Bozizé et du ministre des Mines, Sylvain Ndoutingaï.
« Une partie a servi à soudoyer les élus de la nation afin qu'ils puissent voter sans broncher le texte de loi portant sur les minerais radioactifs, déclare un député. Le chef de l'Etat et son ministre s'apprêtent également à octroyer l'exploitation du pétrole centrafricain à la république populaire de Chine.
François Bozizé aurait aussi envoyé son ministre des Affaires étrangères, Côme Zoumara, négocier avec la présidente d'Areva, Anne Lauvergeon, mais la mission a fini par "être ébruitée et dénoncée. D'où l'accusation de corruption ouvertement portée par le président Nicolas Sarkozy contre des ministres centrafricains lors de l'audience qu'il avait accordée, le 19 novembre 2007, au général François Bozizé.
Faut-il encore rappeler l'affaire de cette Centrafricaine vivant à· Orléans, dans le Loiret, qui, revenant de Bangui, avait été interpellée par la police à l'aéroport Charles-de-Gaulle, à Roissy, et jugée devant la 13e chambre du Tribunal correctionnel de Bobigny. Elle transportait des enveloppes contenant des photocopies de passeports de hautes personnalités, ainsi que des procurations devant servir à l'ouverture de comptes bancaires en Suisse.
Depuis l'avènement du général François Bozizé à la tête du pays, la nouvelle bourgeoisie présidentielle est devenue propriétaire de biens immobiliers dans certaines capitales africaines. Outre ce qui revient à l'Etat sous forme d'impôt ou taxes sur les produits pétroliers et qui entre normalement dans la structure des prix des hydrocarbures, une personnalité de Bangui percevrait aussi automatiquement et personnellement à son seul profit 24 F CFA sur chaque litre, tous produits pétroliers confondus, vendu sur tout le territoire centrafricain. Sachant que dans la structure des prix actuellement en vigueur en Centrafrique, le litre de pétrole lampant coûte 500 F CFA, celui de super 780 F CFA, celui de Gasoil 680 F CFA et qu'au total environ 6 millions de litres sont écoulés en moyenne par mois dans le pays, cet homme percevrait mensuellement 144 millions de F CFA, soit quelque 2 milliards par an, rien que sur les ventes d'hydrocarbures; Un pactole qui ne prend pas toujours la route du Trésor public, mais irait droit sur un compte personnel ou en espèces sonnantes et trébuchantes.
Il faut rappeler que de nombreuses associations indexent ·la famille présidentielle proche (enfants, sœurs et autres frères) d'exercer des activités économiques importantes, tant à Bangui que dans certaines villes de province, comme Bossangoa et Damara, avec des stations-service qui leur rapportent également de substantiels profits.
La preuve. La situation qui prévaut au sein des Forces armées centrafricaines depuis l'arrivée au pouvoir de François Bozizé et de son fils Jean-Francis, actuellement ministre délégué à la Défense nationale. Chef d'étatmajor de cette armée à l'époque de président Ange-Félix Patassé; François Bozizé s'était déjà illustré par son sens des affaires à la lisière de l'armée nationale. Pourtant chargé de la restructuration de l’armée; il 5' était surtout employé à penser à ses vieux jours. A titre de rappel, l'homme possédait une station-service au PK 4, sur l'avenue Boganda, à Bangui, qui revendait une bonne partie du carburant soustrait des réserves de l'armée nationale.
L’homme gérait aussi des véhicules du parc automobile de l'armée relativement en bon état. Certaines des voitures se retrouvaient chez des privés, généralement des commerçants. Ceux-ci, en échange de cash, disposaient de véhicules militaires de transport de troupes pour leur commerce de bois de chauffe. Certains ne prenant même pas la peine de changer la peinture militaire des véhicules!
Pendant ce temps, François Bozizé connut une période d'impopularité aux yeux de la troupe qui se plaignait de la prime globale l'alimentation et des frais de mission. Après que l'armée française eut quitté la base de Bouar, l'actuel chef de l'Etat n'a-t-il pas eu sous sa responsabilité, un certain nombre de matériels et équipements laissés par les éléments français d'assistance opérationnelle. De cette garnison, furent revendus les câbles électriques ou un kit complet de fabrication de pain, ramené à Bangui. Des rapports établissant clairement la culpabilité de certains officiers et leurs complices dans vol et pillage des biens de l'armée existent, suite aux enquêtes ordonnées par le président Ange-Félix Patassé et effectuées notamment par le général Sylvestre Yangongo alors Inspecteur général des Forces armées centrafricaines. Aujourd'hui, Jean Francis Bozizé aurait du mal à tenir l'armée. Le camp Beal où se trouvent son cabinet et l'état-major, ressemblerait à un vrai bazar. Une jeune femme y vend diverses marchandises et même des uniformes et trousses militaires offerts par des pays amis comme la France, la Chine ou l’Afrique du Sud aux soldats centrafricains étrangers présents à Bangui.
A la tête d'un important cheptel de bovins arrachés de force aux éleveurs peuhls, Jean Francis Bozizé et ses amis contrôleraient le commerce de la viande de bœuf, approvisionnant ainsi plusieurs boucheries et marchés de la ville de Bangui, et contrôlant le circuit de fourniture en viande de différentes unités de l'armée. Comme de vrais commerçants bouba nguéré (illégaux). La boutique du Camp Beal propose également aux soldats, moyennant retenue à la source de leur solde pour le profit des Bozizé, téléphones portables, motocyclettes et autres vêtements de layette.
L’épouse du ministre de la Défense, au départ simple agent de police, a été affectée par son mari dans le corps des douanes et travaille à l'aéroport Bangui Mpoko. Elle possède, par ailleurs, le monopole de la fourniture à l'armée du manioc, d'huile de cuisine, de sel, d'oignons, etc. Des témoins racontent qu'un membre du clan s'est arrogé un marché de 70 millions de F CFA pour la fourniture d'eau minérale aux contingents de la Mission de consolidation de la paix en Centrafrique. Un camion semi-remorque de son parc de véhicules se rendant régulièrement au Cameroun pour ramener des palettes de bouteilles d'eau minérale Tangui, conditionnée non loin de Douala. L’Union européenne voulait un contrô1e plus accru sur les sommes qu'elle alloue dans le cadre de la réforme du secteur sécurité et des pôles de développement, destinés à la construction de casernes pour les soldats. Faute d'entente; aucune caserne n'a encore vu le jour. Cette situation engendrant un sérieux mécontentement des fonctionnaires travaillant dans les différents services financiers des Forces armées centrafricaines qui vivent ainsi chaque jour sous une forte pression pour apporter des sommes d'argent plus ou moins importantes.
Sans oublier la promotion par décret présidentiel au grade de colonel de Jean Francis Bozizé. Or; on prête encore au chef de l'Etat l'intention de remettre bientôt des étoiles de général à son fils, afin de mieux le prédisposer à prendre éventuellement sa succession à la tête du pays. Pendant ce temps, plusieurs généraux, officiers supérieurs et subalternes ont déjà été mis d'office à la retraite, non sans grincement de dents; C'est la crainte d'une armée des Gbayas. Car selon un groupe d'officiers en rupture, il faut désormais être de l'ethnie du Président, voire de son village, pour prétendre à des nominations dans les hautes fonctions de l'administration centrafricaine.
Plusieurs agents de l'Etat ont été relevés de leurs fonctions ou mis au placard de leur ministère pour le seul fait d'être ressortissant de l'Ouham-Pendé ou d'être accusé de « patassisme. En effet, dans l'écrasante majorité des administrations, ce sont les hommes et les parents du président de Bossangoa- Benzambé qui sont désormais aux principaux postes de commande. Les ministres ne choisissent plus leurs directeurs de cabinet comme sous les régimes précédents, c'est le général Bozizé qui impose aux ministres les personnes choisies par lui-même dans son dan et dans sa famille.
Sous couvert du nom de l'ethnie gbaya, c'est en réalité le clan et la famille de BossangoaBenzambé qui gère les richesses du pays. L'appareil judiciaire, les services douaniers, les cabinets ministériels, les différents corps de l'armée sont truffés des parents du Président. Des neveux, oncles et cousins qui n'ont de compte à rendre qu'à lui seul. Gravement désorganisée, l'armée est extrêmement politisée et tribalisée; sa hiérarchie corrompue. La discipline, vertu cardinale de toute force militaire a disparu de son univers. Cette armée n'est pas en mesure d'endiguer ce fléau de l'insécurité et de protéger l'intégrité du territoire national et sa population. François Bozizé est obligé de faire appel à l'armée ougandaise pour tenter d'endiguer le banditisme et les attaques des rebelles de la LRA dans le sud-est du pays.
De notre envoyé spécial à Bangui, Christian Bouna