La décision de Bozizé de reporter les élections du 16 mai 2010 avait été en réalité un grossier montage dont il avait imaginé le casting plusieurs jours auparavant. En effet, avant de présider la réunion du 29 avril dernier à l’issue de laquelle il a décidé du report de l’élection du 16 mai, Bozizé avait déjà adressé dès le 23 avril un courrier à la Cour constitutionnelle pour recueillir son avis sur la situation de vide juridique qui se profilait à l’horizon à l’expiration de son mandat. Ce courrier a été enregistré au greffe de la Cour le samedi 24 avril, jour non ouvrable.
Or dès le lundi 26 avril, la Cour avait déjà donné un avis favorable à la requête de Bozizé. De l’avis de tous les juristes et autres techniciens du droit consultés par la rédaction, le président de la Cour aurait dû désigner un ou deux de ses membres comme rapporteur d’une commission qu’il aurait dû également constituer pour étudier la question sur laquelle Bozizé réclamait l’avis de la Cour. La question se pose donc avec juste raison de savoir à quel moment la Cour constitutionnelle a pu se réunir afin d’arrêter l’ « avis favorable » qui a été répondu à Bozizé.
A quel moment le ou les rapporteurs ont fait des recherches pour faire leur rapport; à quel moment le rapport a été distribué aux conseillers pour l'étudier; et à quel moment la Cour s'est réunie en formation plénière pour émettre un avis ? Alors que le projet de loi a été enregistré le samedi 24, jour non ouvrable, peut-on dès le lundi donner un avis sur une question de cette importance d'autant que même en cas d'urgence, la Cour disposait huit (8) jours pour se prononcer ?
C’est donc déjà muni de l’ « avis favorable » de la Cour Constitutionnelle que Bozizé a convoqué la réunion du jeudi 29 avril avec la classe politique et le corps diplomatique. Autre curiosité c’est le changement radical de position de la CEI qui jusque là, continuait de laisser croire que les élections auraient bien lieu le 16 mai. Or dès que Bozizé a ouvert la séance de la réunion du 29 avril, il a d’abord donné la parole au rapporteur général de la CEI qui a lu un rapport concluant à l’impossibilité technique de tenir les élections du 16 mai.
En réalité, cette nouvelle position de la CEI était destinée à permettre à Bozizé de décider du report des élections et de déclencher son idée saugrenue de faire proroger son mandat au delà du 11 juin par voie parlementaire, s’étant déjà assuré de l’ « avis favorable » de la Cour Constitutionnelle dans les conditions rappelées plus haut.
S’agit de la Cour constitutionnelle, il y a lieu de rappeler que Bozizé a toujours voulu l’instrumentaliser. Le souvenir de l’affaire qui l’a opposé à Total est encore bien présent dans les mémoires. Où est le courage et l’indépendance de décision dont avaient preuve certains membres de la Cour constitutionnelle qui n’avaient pas hésité en août 2007 à mettre en minorité et défié leur président Marcel Malonga qui se comporte davantage comme garant des intérêts de Bozizé et de son clan qu’un véritable président de Cour constitutionnelle digne de ce nom.
Tout montre que la Cour Constitutionnelle a été instrumentalisée pour les besoins de la cause. Les incohérences contenues dans l'avis de la Cour sont bien la preuve qu'elle a manqué pour le moins d'indépendance et de professionnalisme.
Sous la présidence de Marcel Malonga, parent de Bozizé, cette Cour n'en est pas à sa première forfaiture. Faut-il rappeler l’élimination arbitraire des candidats aux présidentielles de 2005 ; la consécration du hold-up électoral au profit des candidats du pouvoir aux législatives de 2005 et dont le cas le plus flagrant est celui du 4ème arrondissement de Bangui où la victoire de Me Nicolas Tiangaye a été purement et simplement attribuée au truand Edouard Ngaissona, la perte de sièges au parlement des Ministres considérés comme des opposants : Karim Meckassoua, Jean-Paul Ngoupandé et Charles Massi. Bref, c'est une Cour constitutionnelle aux ordres qui n'honore pas la RCA. Elle ne peut nullement se comparer à d'autres Cours constitutionnelles comme celles du Bénin, du Niger dissoute par Mamadou Tandja ou des Comores.