Enquête de la rédaction
La perspective des élections groupées en République Centrafricaine en 2010 a donné
plus d’une idée à nombre de « chercher à manger » comme on les appelle à Bangui, jeunes surtout, en mal d’emploi, de soutien et de moyens financiers sous le régime de François Bozizé. C’est dans ces conditions qu’un groupe de gens avec à leur tête Claude Richard
Gouandjia également chef du Bureau National de la Documentation (BND) à la présidence, laisseront miroiter à Bozizé l’idée d’un soutien qu’ils lui apporteraient à
travers un comité de soutien mais qui prendrait la forme d’une association reconnue par l’administration.
Mis dans le coup mais surtout dans l’intérêt du clan, l’ancien ministre de
l’intérieur, M. Elie Ouéfio, proche parent de Bozizé et à la fois secrétaire général de la présidence de la République et du parti boziziste
KNK, signera les yeux fermés, la décision portant création de cette association en date du 11 février 2010 présidée par Ibrahim Abdou
flanqué d'un porte-parole, un certain Arsène Kpamandha Letamba et d'un coordonnateur, Claude
Richard Gouandja. Or en réalité, c’est à une véritable association de malfaiteurs qu’on va avoir affaire. Qu’on en juge…
Un généreux donateur, non moins intéressé, prêtera sa villa au quartier Sara sur
l’avenue de France à Bangui pour abriter le siège de l’association. Pour le déplacement de l’équipe de direction de cette association pas comme les autres et la coordination de son action, ses
promoteurs vont jeter leur dévolu sur les Nissan Armada (02) et Toyota Rav4 (02) de l’Agence de Régulation des Télécommunications (ART). Les principaux dirigeants de cette importante agence,
entre temps brutalement remerciés sans autre forme de procès après un tour effectué dans les geôles de la Section des Recherches et des Investigations (SRI) de la gendarmerie qui a duré des mois
pour le Directeur Général et quelques semaines pour ses collaborateurs, à l’initiative du cupide Ministre des Nouvelles Technologies, Thierry
Maléyombo. Ces véhicules de service deviendront de ce fait, les propriétés de BDR.
Ils permettront aux responsables de BDR de sillonner la ville pour racketter les
sociétés, entreprises et autres opérateurs économiques sous le vrai-faux prétexte de soutien à la conservation du pouvoir par Bozizé, ce
pour lequel ils doivent presque obligatoirement donner leur contribution. C’est cette levée de fonds illégale et crapuleuse qui va permettre à cette association de fonctionner et surtout, en
marge des séances de DVD abrutissants sur écran géant tous les soirs, devant le siège de cette curieuse association, d’embrigader et de caporaliser de nombreux jeunes oisifs dans des structures
organisationnelles de BDR.
Devant la pression fiscale et le racket qui ont rendu exsangues les maisons de
commerce de la place, les quatre opérateurs de téléphonie cellulaire (Télécel, Orange Centrafrique, Moov et Nation Link) apparaissent comme les cibles privilégiés du BDR. Au nom de la nécessité
du soutien à Bozizé et à son parti le KNK, ils vont contraindre les vendeurs grossistes de coupons de recharge téléphoniques, en général des
commerçants musulmans de la place, à leur remettre de l’argent. Avec cet argent sur lequel ils prélèvent un certain pourcentage, ils vont également obliger les opérateurs de téléphonie à leur
vendre les coupons 40% moins cher puis revendront ensuite ces coupons 20% moins chers aux mêmes grossistes alors que l’opérateur ne consent en général et habituellement que 8%
seulement de remise aux grossistes.
On le voit, alors que BDR n’a initialement sorti aucun rond de ses caisses, elle se
retrouve acheteur puis revendeur de coupons de recharge de téléphone à l’issue d’une transaction au cours de laquelle elle aura réalisé de faramineux bénéfices que ses principaux responsables se
partagent non sans satisfaction puisque n’ayant fourni aucun effort particulier. Il faut savoir que cette chaîne d’opération se déroule en une seule journée compte tenu de la forte demande du
marché, les coupons de recharge s’écoulant très rapidement. Avec un seul opérateur de téléphonie mobile, les malfaiteurs de BDR parviennent à engranger par semaine plusieurs dizaines de millions
de F CFA.
Cet enrichissement illicite sans efforts des responsables de BDR commence à faire des
émules, jusqu’à la Présidence de la République où d’autres proches collaborateurs de Bozizé croient devoir eux aussi, créer des associations
du même genre que BDR, dénommées sans rire et sans scrupule « Rayon de Soleil », « C’est lui ». Ces associations et
leurs responsables méritent bien le qualificatif « d’association de malfaiteurs »
qui se font leur beurre sur le dos des grossistes et des opérateurs de téléphonie dont l’équilibre financier et l’avenir, à terme, risquent d’être gravement menacés. L’appareil judiciaire en
Centrafrique étant actuellement instrumentalisé par Bozizé, il n’est guère étonnant que ces associations de malfaiteurs et leurs différents
responsables ne puissent jusqu’ici, faire l’objet de poursuites judiciaires.
A noter qu'un grossiste revendeur de coupons de recharge de téléphone verse
quotidiennement deux fois dans la journée à chaque opérateur de téléphonie, la somme d'un million de F CFA (1500 euros) en moyenne. Sur un coupon de recharge qui coûte 1000 F CFA (1,52 euros )
les malfaiteurs de BDR se font gratuitement 600 F CFA de profit (0,909 centimes d'euros) contre 400 F CFA soit 0,610 centimes d'euros au grossiste.
La Rédaction de C.A.P