Ouverture du procès de Jean-Pierre Bemba à La Haye
par Konstanze von Kotze, Deutsche Welle le 22 novembre 2010
Le procès de Jean-Pierre Bemba pour des crimes de guerre perpétrés en Centrafrique s’est ouvert lundi à La Haye. L’ancien vice-président de RDC est la personnalité la plus haut placée ayant jamais comparu devant la CPI.
C’est un procès attendu de longue date qui doit s’ouvrir aujourd’hui devant la Cour pénale internationale de La Haye, aux Pays-Bas: celui de Jean-Pierre Bemba, pour des crimes de guerre perpétrés en Centrafrique entre octobre 2002 et mars 2003.
Jean-Pierre Bemba devra répondre d’assassinats, de pillages, de torture, de viols collectifs commis par sa milice du Mouvement de Libération du Congo, le MLC. Les victimes de ces actes attendent depuis longtemps l’ouverture de ce procès, comme l’explique leur avocate, Marie-Edith Lawson:
« Même si on n’arrive pas à réparer le préjudice subi, qu’elles aient la vérité sur ce qui s’est passé, qu’elles aient la possibilité de dire ce qu’elles ont vécu. Les coupables doivent être punis, ce sera une première satisfaction morale pour les victimes.»
Les partisans de Jean-Pierre Bemba, eux, clament son innocence. Ils soutiennent que l’acte d’accusation du procureur général Luis Moreno-Ocampo n’est qu’un tissu de mensonges. Aimé Kilolo, avocat de la défense:
« Avant de parler des chefs d’accusation, il faut d’abord déterminer qui était le chef militaire. Non pas des troupes du MLC en général, mais du contingent qui s’était rendu à Bangui entre octobre 2002 et mars 2003. Notre position est très claire : le gouvernement centrafricain a demandé à l’administration du MLC de lui envoyer des hommes, ces hommes ont été mis à disposition d’un pays souverain. Donc il est exclu qu’on vienne dire que le sénateur Bemba a été le commandant sur le terrain des hommes mis à disposition de l’Etat centrafricain.»
Présent ou non au moment des faits, Jean-Pierre Bemba peut très bien avoir tiré les ficelles à distance, rétorquent les victimes. Et c’est bien là la particularité de ce procès, selon Fadil Abdallah, juriste à la cour pénale internationale.
« C’est la première fois devant la cour qu’il y a un procès sur la base de la responsabilité en tant que chef militaire et non pas en tant qu’auteur ou co-auteur. Cela indique clairement le message de la cour: il n’y aura pas d’impunité, et il n’y a pas d’immunité en fonction des responsabilités politiques ou administratives qu’assume une personne dans son pays. »
Personne ne peut prédire encore si le procès se tiendra sans embûche, ni combien de temps la procédure durera. Les victimes devront, une fois de plus, faire preuve de patience.
Auteurs: Konstanze von Kotze et Sandrine Blanchard/ Edition: Marie-Ange Pioerron
Viols en Centrafrique : le procès de Jean-Pierre Bemba s’est ouvert
LEMONDE.FR avec AFP | 22.11.10 | 16h02 • Mis à jour le 22.11.10 | 16h05
Le procès de Jean-Pierre Bemba, ancien vice-président de la République démocratique du Congo (RDC), accusé de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, principalement des viols, commis par sa milice en Centrafrique, s'est ouvert lundi 22 novembre dans l'après-midi, devant la Cour pénale internationale (CPI), à La Haye.
L'accusation devait présenter dans sa déclaration liminaire un résumé des charges pesant contre M. Bemba, 48 ans, qui plaide non coupable.
L'opposant congolais, battu à l'élection présidentielle de 2006 en RDC, est accusé de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, à savoir des viols, pillages et meurtres, commis en 2002 et 2003, en Centrafrique par sa milice du Mouvement de libération du Congo (MLC). Quelque 1 500 hommes du MLC s'étaient rendus en Centrafrique en octobre 2002 à la demande du président centrafricain Ange-Félix Patassé, victime d'une tentative de coup d'Etat menée par le général François Bozizé. Cinq mois durant, jusqu'en mars 2003, ils ont, selon l'accusation, violé, pillé et tué ceux qui opposaient une résistance. "C'étaient des crimes pour humilier et dominer", a affirmé le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, lors d'une conférence de presse à La Haye lundi matin.
RÉPARATIONS
M. Bemba, arrêté à Bruxelles en 2008, qui risque la réclusion à
perpétuité, est poursuivi par la CPI en tant que "chef militaire" : il lui est reproché d'avoir su que ses troupes commettaient des
crimes et de ne pas avoir pris toutes les mesures pour les en empêcher.
Les crimes commis par le MLC étaient "les plus importants", a répondu le procureur à un journaliste qui lui demandait pourquoi M.
Bemba est la seule personne poursuivie par la CPI dans ce dossier.
"Au début, nous pensions que Bemba et Patassé étaient les plus responsables, mais les éléments de preuve montrent que les troupes qui ont commis les crimes étaient sous le contrôle de Bemba", a expliqué le procureur. La CPI a autorisé la participation de 759 victimes au procès et doit encore examiner plus de 500 demandes, a annoncé lundi matin la greffière de la CPI, Sylvana Arbia. "C'est la première fois dans l'histoire de la justice internationale qu'un groupe aussi nombreux est autorisé à participer", a souligné de son côté Paolina Massidda, responsable du Bureau de conseil public pour les victimes.
Représentées par deux avocats centrafricains en fonction de leur origine géographique, elles peuvent obtenir des réparations devant la CPI, premier tribunal pénal international permettant la participation des victimes aux procédures.
Jean-Pierre Bemba qui avait fui la RDC en 2007, avait été arrêté le 24 mai 2008 à Bruxelles en vertu d'un mandat d'arrêt de la CPI, saisie en 2004 par François Bozizé, au pouvoir en Centrafrique depuis 2003.
En détention provisoire depuis son arrestation, M. Bemba n'a pas été reconnu indigent par la CPI. Ses avoirs et ses biens ont été gelés à la demande de la Cour, qui avance l'argent nécessaire à sa défense, 30 150 euros par mois. Le procès de M. Bemba est le troisième procès de la CPI, entrée en fonction en 2002. Les deux premiers procès, en cours, sont ceux de trois chefs de milice de la RDC.
Me Douzima au procès de Bemba : plus jamais çà!
Radio Ndéké Luka Lundi, 22 Novembre 2010 16:29
Le procès de Jean-Pierre Bemba, ancien vice-président de la République démocratique du Congo, accusé de crimes de guerre, principalement des viols, commis par ses troupes en Centrafrique, s'est ouvert lundi 22 novembre dans l’après-midi devant la Cour pénale internationale à La Haye.
Dès l’ouverture, lecture a été faite de la déclaration liminaire de l'accusation. Celle-ci a présenté un résumé des charges pesant contre Jean-Pierre Bemba. Ce dernier plaide non coupable. L'opposant congolais, candidat malheureux à l'élection présidentielle de 2006 en République démocratique du Congo (RDC), est accusé de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, à savoir des viols, pillages et meurtres, commis en 2002 et 2003 en Centrafrique par sa milice du Mouvement de libération du Congo (MLC).
Quelque 1500 hommes du MLC avaient franchi en octobre 2002 le fleuve Oubangui, frontière naturelle entre la RDC et la Centrafrique pour venir en aide au président centrafricain Ange-Félix Patassé, victime d'une tentative de coup d'Etat menée par le général François Bozizé. Cinq mois durant, jusqu'en mars 2003, ils ont, selon l'accusation, violé femmes, hommes, enfants et vieillards, pillé et tué ceux qui opposaient une résistance.
L’accusation affirme dans le document de notification des charges que "les troupes du MLC ont instauré un climat de peur généralisé au sein de la population centrafricaine espérant ainsi déstabiliser l'armée adverse". Quatre cents viols ont été recensés par l'accusation à Bangui, la capitaine centrafricaine.
La Cour pénale internationale (CPI) a autorisé la participation à la procédure contre Jean-Pierre Bemba de 135 victimes et doit encore examiner les demandes déposées par 1200 personnes environ. Jean-Pierre Bemba, arrêté à Bruxelles en 2008, qui risque la réclusion à perpétuité, est poursuivi par la CPI en tant que "chef militaire": il lui est reproché d'avoir su que ses troupes commettaient des crimes et de ne pas avoir pris toutes les mesures pour les en empêcher.
Selon la défense de l'ancien vice-président de RDC, les troupes du MLC ont combattu "avec l'uniforme et sous le drapeau centrafricain". Un de ses avocats, Me Aimé Kikolo a affirmé que "ce sont les autorités centrafricaines qui avaient en charge le commandement effectif et la discipline".
Jean-Pierre Bemba qui a fui la RDC en 2007, avait été arrêté le 24 mai 2008 à Bruxelles en vertu d'un mandat d'arrêt de la CPI, saisie en 2004 par François Bozizé, le président de la Centrafrique depuis 2003.
L’ouverture a été précédée d’une conférence de presse au siège de la CPI. Les intervenants ont souligné l’importance capitale du respect des droits des parties et des participants à la procédure judiciaire devant la Cour. Le Greffier de la Cour, Mme Silvana Arbia, a affirmé que « seul un procès équitable permettra à la justice de remplir son rôle dans l’établissement d’une paix durable et de lutter efficacement contre l’impunité des crimes qui […] touchent l’ensemble de la communauté internationale, et heurtent profondément la conscience humaine ».
Des journalistes centrafricains (dont ceux de Radio Ndeke Luka) et congolais ont pu, via vidéoconférence, à partir des bureaux de la Cour à Bangui (République centrafricaine) et Kinshasa (République démocratique du Congo), poser leurs questions aux parties et participants au sujet du procès à l’encontre de M. Bemba.
Le Procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo a déclaré au cours de cette conférence de presse que «
Jean-Pierre Bemba a utilisé une armée entière comme un instrument pour violer, piller et tuer des civils en République centrafricaine. Aujourd’hui, il est appelé pour rendre compte du fait qu’il n’a délibérément pas empêché, réprimé ou puni les atrocités de masse commises par ses hommes en RCA »
« Les victimes méritent que justice soit rendue et surtout, qu’elles y participent » a affirmé Mme Arbia. Les représentants légaux des victimes ont, à leur tour, souligné le rôle de la Cour pour mettre fin à l’impunité et empêcher la répétition des atrocités du passé. « Plus jamais ça », a affirmé Me Marie-Edith Douzima-Lawson, avocate au barreau de Bangui et représentante légale des victimes, alors que Me Assingambi Zarambaud a avancé que «Quelque soit la longueur de la nuit, le jour finira par paraître».
Prenant la parole en dernier lieu, l’équipe de Défense de M. Bemba, composée de Me Nkwebe Liriss, Me Aimé Kilolo Musamba et M.Nick Kaufman, a soutenu que « l’Etat centrafricain, sous la Présidence de Patassé, avait la libre disposition des troupes congolaises de l’administration du MLC, qui combattaient sous leur drapeau, et répondait de leurs actes ».
Le procès est prévu pour durer plusieurs mois.