Nous publions ci-dessous une interview que nous a accordée Christophe Gazambetty, porte-parole d’une plateforme le Conseil National de la Résistance (CNR) qui regroupe des mouvements politico-militaires dont le FDPC d’Abdoulaye Miskine, aujourd’hui introuvable, et la CPJP, qui ne sont pas partie prenante aux accords de paix de Libreville et qui n’arrivent pas à obtenir les négociations avec le gouvernement de Bozizé qu’ils appellent pourtant avec beaucoup d’insistance sans malheureusement être entendus. Ces mouvements rebelles qui n’ont toujours pas désarmé, sont très actifs sur le terrain et contrôlent plusieurs localités entre autres dans les préfectures de la Haute-Kotto, le Bamingui-Bangoran et la Vakaga, semblent déterminés à saboter le processus électoral actuellement en cours vis-à-vis duquel ils ne cachent pas leur hostilité. C’est ce que confirme leur porte-parole dans cette interview.
Rédaction C.A.P
Centrafrique-Presse : Malgré l’occupation par diverses rébellions armées de huit préfectures sur seize de la RCA et en dépit de l’échec sur le terrain du programme DDR, la campagne électorale a néanmoins démarré pour le scrutin du 23 janvier 2011en Centrafrique. Pensez-vous que la tenue d’élections dans ces conditions soit la meilleure solution à la crise dans ce pays ? Bozizé peut-il être battu par la voie des urnes selon vous ?
Christophe Gazambetty : Ma réponse à cette question est sans ambigüité et je reste dans une dynamique constante qui consiste à dire depuis plus d’un an que les conditions d’une élection équitable, juste incontestable et incontestée ne sont nullement réunies. Mieux, tous les actes posés de manière non consensuelle par Le Général-Président BOZIZE ne font que confirmer une pseudo-élection, un holdup électoral, c’est un véritable « blanchiment électoral ». Elle va plutôt pousser la crise centrafricaine à son paroxysme et risque de faire flamber tout le pays : il suffit d’écouter les discours-menaçants du Général-Président BOZIZE. Ces « élections » si elles en sont une, ne résoudront aucunement la crise politique centrafricaine. La recherche effrénée d’une légitimité et d’une légalité présidentielles ont été claironnées sur tous les toits et je vois mal BOZIZE s’abstenir de s’autoproclamer dès le premier tour comme annoncé, et ridiculiser ceux ou celles qui l’auront accompagné dans sa folle aventure. C’est faire preuve d’une naïveté que de penser autre chose que cela.
C.A.P : Il y a peu de temps, vous annonciez officiellement la mise en place d’une plateforme politico-militaire dénommée Conseil National de la Résistance (CNR) rassemblant trois ou quatre mouvements politico-militaires centrafricains et dont vous êtes le porte-parole. Quel rôle compte jouer le CNR dans les questions centrafricaines et comment se situe-t-il par rapport au processus électoral qui se déroule actuellement dans ce pays ?
C.G : Pour la première fois de manière lucide, les groupes politico-militaires se sont mis ensemble pour assoir une plateforme politique, afin de promouvoir leur contenu politique et avoir un outil de discussion crédible avec les autorités actuelles du pays. Cette plateforme a aussi dans ce contenu politique l’ambition affirmée, d’être non seulement une force de propositions et de réformes mais mieux, elle travaille à être une force alternative à l’immobilisme ou encore au changement dans la continuité: elle s’appuie sur le concept de la RUPTURE en tant qu’action et pensée. La liberté comme base de la paix et de la justice, la défense des droits humains universellement reconnus, pour une démocratie citoyenne et de proximité. Tout ceci n’étant assurée que par la promotion de nos valeurs traditionnelles positives et notre culture nationale, qui nous permettra d’être des acteurs de la mondialisation et non des soumis à la dictature de la pensée unique.
Par rapport au processus actuel pompeusement dit électoral, le Conseil National de la Résistance ne se reconnait pas dans cette mascarade et ne souhaite pas porter une quelconque caution d’aucune sorte à une démarche pour laquelle ni la réconciliation nationale, ni l’apaisement, ni le désarmement et encore moins le retour des réfugiés n’ont pu être réellement actionnés à travers le processus de désarmement qui a été vidé de ses ressources et perverti par le pouvoir et ceux qui ont fait allégeance par leur ralliement et le reniement…
C.A.P : Une délégation de candidats et certains responsables du MLPC qui partait battre campagne à Birao dans la Vakaga a été récemment brièvement enlevée par des hommes armés dans les environs de Bria dans la Haute-Kotto avant d’être relâchée. Quelle est votre réaction ?
Cette situation est regrettable. Mais on peut se demander si cette délégation comme une autre, n’aurait pas pris la mesure de la situation sécuritaire sur le territoire national avant de rentrer nuitamment dans une zone qui est sous contrôle des mouvements armés, qui sont attentifs en ce moment à leur propre sécurité en raison des infiltrations et autres. Il me semble que même les humanitaires prennent la précaution de s’annoncer avant de franchir certaines lignes, et bien, prenons la peine de le faire pour éviter des bavures.
Comprenez donc que l’on ne peut pas organiser une élection dans les conditions sécuritaires ou si ce n’est pas la garde présidentielle qui bloque le passage eh bien disons-le, ce sont des éléments des mouvements armés. Ceux qui ont librement choisi d’aller battre campagne se doivent à mon avis d’intégrer dans leur démarche le fait qu’il n’y a pas eu une véritable politique de réconciliation ayant débouché sur un désarmement.
Et il y a également le phénomène des coupeurs de route sur toute l’étendue du pays avec diverses forces militaires étrangères de toute part…Le pays est incontrôlé et incontrôlable : c’est une donnée réelle.
C.A.P : La ville de Birao avait été momentanément occupée courant novembre dernier par une branche de la CPJP mais avait été violemment délogée quelques jours après par l’armée tchadienne appelée à la rescousse par Bangui. Depuis, on n’entend plus tellement parler de ce mouvement dont un des chefs avait affirmé avec beaucoup d’assurance que leur objectif était d’arriver à Bangui. Qu’en dites-vous ?
C.G : La CPJP n’a jamais pris part à une aventure de ce genre dans la ville de BIRAO. Elle avait avisé en son temps et mis en garde ceux qui ont commandité et revendiqué, cette action dont on se pose la question de savoir le pourquoi, de ne pas user et abuser de l’appellation CPJP. Cet acte qui est à la limite de l’irresponsabilité, a été revendiqué par des personnes connues et qui n’appartiennent pas à la CPJP. Cette action contre-productive a permis et ouvert la voie à des massacres et crimes de guerre et à la destruction de la ville de BIRAO. Est-ce un objectif politique?
La CPJP n’a pas à être assimilée à de tels errements gravissimes. Cela a permis au Général-Président BOZIZE de convaincre aisément le TCHAD d’intervenir, de ratisser et de neutraliser le groupe totalement et de s’installer dans tout le Nord du pays, pour sécuriser le pouvoir centrafricain qui peine depuis le 13 mars 2003 à assurer la sécurité du pays de manière souveraine. Si BANGUI était leur objectif annoncé, pourquoi donc aller s’enfermer dans la ville de BIRAO? Posez leur la question, pas à moi?
C.A.P : Malgré la demande plusieurs fois réitérée de la CPJP de négocier avec le pouvoir de Bozizé pour ramener la paix dans le pays, ce dernier semble demeurer désespérément sourd à ces appels. N’est-ce pas une façon objective d’encourager le recours aux armes comme seule solution à une telle surdité ?
C.G : Pour le moment nous attendons que le pouvoir s’assume au lieu de se murer dans une vision surannée et archaïque tendant à dire que le « dialogue a eu lieu, il n’y a plus de dialogue ». Eh bien, on a donc rien compris au concept du dialogue .Il est et doit être permanent et ce qui a eu lieu ne serait que le lancement d’une culture de dialogue, pour notre part. A ce moment-là, il ne faut pas s’attendre à ce que les détenteurs d’armes soient convaincus de s’en débarrasser. On en est là. Personne n’a véritablement rendu les armes en réalité….La solution reste d’ouvrir de vraies négociations pour lesquelles la CPJP renouvelle son entière disponibilité.