L’impréparation
du scrutin du 23 janvier accélère le processus de délitement du régime…reste plus qu’à transformer l’essai.
Centrafricaines,
Centrafricains,
L’intérêt général
et la défense des idéaux démocratiques auxquels tu crois me commandent aujourd’hui à m’adresser à toi avec cœur afin de t’interpeller sur les responsabilités qui sont les tiennes.
À la
veille du tournant historique que devraient constituer les élections présidentielle et législatives de demain, j’aurais voulu, moi aussi, avec fierté et enthousiasme, te convaincre de ne pas
t’abstenir de ton devoir civique et, surtout, de choisir ton prochain président de la République en âme et conscience.
Hélas ! Tu
le sais, mieux que moi d’ailleurs, que ce scrutin n’a d’élections que le nom. Il me paraît inutile de faire étalage ici de tous les dysfonctionnements qui l’ont émaillé et qui ont fini d’entamer
ce qui te restait d’orgueil national. Si le KNK est ses apparatchiks carriéristes voulaient mettre le pays à feu et à sang, ils ne s’y prendraient
pas autrement.
Pour
preuve, à la veille d’une échéance aussi cruciale pour l’avenir de notre pays, les électeurs, pourtant inscrits sur les listes électorales ne savent pas encore pour la plupart d’entre eux, où ils
iront accomplir leur devoir de citoyen.
Si tu
me le permets, voici une anecdote édifiante pour te démontrer le caractère risible de cette mascarade en préparation : la famille Boukanga, officiellement inscrite sur les listes
électorales dans la circonscription de Ouango Bangui est désormais inscrite, par la magie de Binguimalet, sur les listes du quartier Benz VI de l’autre côté de la ville. Comment ferait-elle pour
voter ?
Je
n’ai cité que l’exemple de cette famille, mais croyez-moi, les sujets de mécontentement des électeurs sont fort nombreux. Comme par exemple ces candidats décédés qui ont encore leur nom sur les
bulletins de vote. Reviendront-ils du séjour des morts pour voter ou bien, s’ils venaient à être élus,
siégés à l’Assemblée Nationale ?
Comme
chacun sait, notre pays, la terre de nos pères, celle qui nous a vu naître et guider nos premiers pas est, malheureusement devenu, le champion du monde des dérives liées à la dévotion du
pouvoir.
Depuis le 15 mars
2003, nous avons attendu et continue d’attendre que les mirages qui nous ont été promis se muent enfin en miracles pour que nous sortions du marasme économique et de la misère.
Pourtant, à nos
portes, nous ne cessons d’assister ces huit dernières années à l’enrichissement supersonique d’une classe de privilégies essentiellement recrutés
dans la famille de celui qui dirige le pays. Ces gens ont mis la main sur tous les secteurs de notre économie et nous en sommes réduits, comble de l’injustice, à solliciter leur faveur pour
pouvoir vendre le pain, le macara (beignets), le ngoundia (feuilles de manioc) et des paquets de cigarettes pour survivre. Et encore ! Il faille que cette classe de nouveaux riches,
corrompus jusqu’à la moelle épinière, qui se croit tout permis nous en laisse l’occasion.
Cette
montée de paupérisation galopante, conjuguée aux excès les plus inimaginables, crimes économiques et crimes de sang, est une raison suffisante qui
devrait nous pousser à réagir vigoureusement, usant de tous les moyens dont nous disposons. Surtout que ces nantis de la trente cinquième heures cherchent par dessus le marché à accréditer la
légende qui voudrait que leur chef, François Bozizé, de triste renommé, serait un « rempart contre le désordre et le chaos », façon de nous dire qu’il doit rempiler malgré son
bilan catastrophique à la tête de notre pays. Ces égarés tentent également de faire accroire que leur « champion » est le seul capable de restaurer la sécurité.
Or,
nous savons tous, toi et moi, que depuis huit ans que ces incapables prétendent nous diriger, notre pays est divisé, éclaté, livré aux bandes armées lorsque sa sécurité n’est pas carrément
confiée aux armées étrangères telles que celles du Tchad et de l’Ouganda qui y sèment terreurs et désolations.
Centrafricaines,
Centrafricains,
Longtemps, tu as
donné à ces ignorants qui prétendent nous diriger, l’impression de courber l’échine, de plier à leurs caprices, de tout accepter de leurs dérives, de faire tout ce qu’ils te demandent. Ce qu’ils
ignorent, c’est que cette fidélité est révocable. Et qu’avec les élections de demain, ils ont franchi la ligne rouge, le seuil de tolérance et t’ont poussé à la révolte.
Ce
qui me conduit à te dire, avec force conviction, je prends date devant les Hommes et devant l’Histoire, que demain, tu livreras ton ultime bataille pour accéder à la démocratie, la vraie. Tu ne
pourras pas ne pas te révolter à l’issue de ce scrutin, lorsque ton vote sera confisqué et toi-même bâillonné.
L’impréparation
de ces élections, due à la médiocrité crasse de gens de peu de valeurs qui ont été désignées pour les organiser et la probable et inéluctable confiscation de ton vote ne doivent être que le prétexte, le point de départ d’un soulèvement général qui conduira à la fuite de ces bourreaux. Au moins, ils sauront que le
feu couvait sous la cendre et qu’on ne peut s’amuser indéfiniment avec le Devenir de tout un peuple, fût-il docile.
Avec
ce scrutin bâclé, mal préparé à dessein, tu tiens l’étincelle pour que ce feu se déclare et se propage rapidement. L’exemple de tes frères de la
Tunisie est encore d’actualité pour te le rappeler. Là-bas, ce n’était qu’un abus de pouvoir local qui a conduit un jeune diplômé sans emploi à s’immoler par le feu en public pour qu’un pouvoir
réputé sans faille, omnipotent et immuable à plier bagage sous la pression de la rue. Tes frères Tunisiens viennent de te montrer l’exemple en écrivant avec force détermination et courage comme
diraient certains, une nouvelle page de leur histoire. La tienne, tu l’as entre les mains.
Ta
chance réside dans le fait que le KNK, cette nébuleuse sûre d’elle-même et dominatrice ne verra point venir cette Révolution qui est en marche.
À
moins que la sagesse recommande à son chef de faire reporter ces élections. Il y va de la survie de son régime.
C’est
comme cela que demain, le soleil se lèvera sur toi. Tu doit cependant être sûr d’une seule chose : ceux qui t’ont maintenu dans cette situation auront une triste fin. Ça ne sera que JUSTICE.
Car, personne ne les regrettera.
Adrien
POUSSOU