Lettre Ouverte des
Centrafricains
de l’opposition politique de
France
Paris, le 26 Février 2011
A
Monsieur Paulin
POMONDIMO
Médiateur de la
République
Bangui – R.C.A.
Objet :
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Dénonciation de votre méthode de médiation
Annulation des élections groupées du 23/01/2011
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Monsieur Le Médiateur,
Nul ne saurait vous apprendre à regarder autour de vous à tous les sujets qui
toucheraient à la réalité de notre société.
Aucun centrafricain n’aurait jamais pensé un jour de sa vie être mis dans une
situation de vous adresser une seule lettre. Et si aujourd’hui nous en arrivons à ce point, c’est pour vous dire à quel degré le peuple est outré de constater le rôle partial que vous êtes en
train de jouer dans la résolution de la crise postélectorale. En tant qu’homme d’Eglise, vous êtes certainement épris de justice et de paix.
Du temps de feu Barthélemy BOGANDA, lui-même homme de l’Eglise comme vous, il était
parvenu à trouver la solution salutaire et juste pour le peuple centrafricain face à la réticence de l’étranger que fût le colonisateur. Et depuis notre accession à l’indépendance en 1960, les responsables politiques qui se sont succédés à la tête du pays, (DACKO, puis KOLINGBA et ensuite PATASSE) ont tenté avec des
fortunes diverses à construire un Etat moderne.
En Mars 2003, le général BOZIZE a
accédé au pouvoir par le biais d’un coup d’Etat qui fut étiqueté de sursaut patriotique et « validé ensuite par les élections groupées » de 2005. Ces élections furent reconnues par
l’opposition alors que le monde savait qu’elles avaient été truquées. Ce geste de l’opposition était un acte patriotique, pour éviter de jeter en pâture le peuple dans la rue au risque de sa
vie.
Quand on se rappelle du Mémorandum
pré-électoral signé par les Partis politiques de l’opposition qui prévoyaient les nombreuses violations de loi et du Code électoral par le Général François BOZIZE ;
Quand on se souvient que l’ensemble des Partis de l’opposition avait demandé la
démission du Pasteur Joseph BINGUIMALE, alors Président de la CEI acquis à la solde du candidat François BOZIZE ;
Quand on sait que les Représentants des Candidats de l’opposition avaient démissionné
de la CEI, avant le décompte des bureaux de Province pour protester contre les sordides manœuvres de fraudes massives qui s’opéraient sous leurs yeux ;
Quand on sait que dans le décompte des voix exprimées il manque celles plus de 1200
bureaux de votes représentant plus de 500 000 voix, fait auquel s’ajoutent les innombrables entraves au Code électoral opérées par les membres de la garde présidentielle, les Sous-préfets et
Préfets ;
Enfin si l’on prend en compte les rapports des observateurs nationaux et
internationaux qui ont pointé du doigt les irrégularités et dysfonctionnements ayant conduit à la mascarade électorale du 23 janvier 2011, on ne peut que s’étonner de la décision rendue à la
sauvette par la Cour Constitutionnelle le 12 février 2011. Cette grave décision a pour conséquence une assemblée parlementaire monocolore et familiale et lui enlève le caractère
« national ». Elle décrédibilise de fait la démocratie centrafricaine.
Monsieur le Médiateur, nous les signataires de cette lettre ouverte, voudrons porter
à votre connaissance et à celle de la Cour Constitutionnelle qu’un parti unique ainsi que l’établissement d’une dynastie rendront réticents les partenaires au développement quant aux financements
des projets. En effet il n’existera aucun moyen de contrôle des concours financiers extérieurs. La République Centrafricaine par son manque de contre-pouvoir ne présentera plus de garanties pour
un environnement propice aux affaires.
La Nation, le Peuple Centrafricain, ne
valent-ils pas mieux que les intérêts d’un seul Homme et de sa famille ?
Où étiez-vous en tant que Médiateur de la République quand l’opposition politique
centrafricaine demandait une organisation consensuelle, équilibrée et équitable des élections devant le mépris prononcé du gouvernement et de la
CEI ?
Où étiez-vous, Monsieur le Médiateur, quand devant les ambassadeurs accrédités en
RCA, un membre de l’opposition politique fut humilié, expulsé puis battu par les sbires du pouvoir ?
Où étiez-vous, Monsieur le Médiateur, lorsqu'au lendemain des élections,
l’opposition criait comme un enfant orphelin pour dénoncer toutes les menaces et graves irrégularités qui ont émaillé le scrutin du 23 janvier 2011 ?
Comme vous le savez, l’opposition centrafricaine a fait preuve de responsabilité
depuis l’arrivée du général François BOZIZE à la tête du Pays. Aujourd’hui il est plus que temps de faire respecter la volonté d’alternance dans la gestion sociétale sans un retour aux pratiques
d’antan que le Peuple Centrafricain croyait révolues.
Non loin de nous, en Afrique arabo-magrébine, des régimes qui n’ont pas entendu le
cri de cœur de leur peuple et qui se sont installés dans une dynastie autocratique, se retrouvent l’un après l’autre boutés hors de leur pays avec les conséquences que vous savez.
En Haïti, l’opposition s’était retrouvée dans une situation similaire : le
décompte des voix avait été déjà fait et la situation postélectorale prête à exploser, mais Haïti a retrouvé le chemin de la Paix et la stabilité grâce à une entente sur le processus électoral
par les différents acteurs politiques.
Pourquoi cela ne pourrait être le cas en République Centrafricaine ?
Au lieu de demander à l’opposition politique d’aller une nouvelle fois cautionner
cette mascarade électorale reconnue comme telle par le monde entier, vous auriez dû faire preuve de sagesse voire de courage en tenant un langage de
vérité à tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à compromettre ainsi dangereusement, par cette parodie d’élections, l’avenir du peuple centrafricain.
En effet, la vérité consiste tout simplement à reconnaître que ces élections ne sont
absolument pas crédibles et, par conséquent, à demander leur annulation pure et simple ; car elles symbolisent la honte et génèrent la discorde, le rejet de l’autre.
Cela dit, l’alternance politique à laquelle les centrafricains aspirent
majoritairement est aujourd’hui la seule solution pour ramener une paix véritable et durable pouvant servir le développement de la Nation
centrafricaine. Vous le savez tout autant que nous, Monsieur Le Médiateur, aucun centrafricain n’est né pour s’éterniser, lui et ses enfants, au pouvoir. Ainsi nous vous demandons, Monsieur Le
Médiateur, de prendre votre courage à deux mains pour dire au général François BOZIZE d’annuler les élections présidentielles et législatives du 23
janvier 2011 afin de garantir la Paix au Peuple centrafricain.
Nous espérons que cette haute mission nationale et la grande responsabilité que cela
implique vous obligeront à bien analyser les termes de cette lettre, et à en tirer une sentence juste pour la cause des tous les Centrafricains et de la République dont vous avez la lourde charge
d’assumer les fonctions de médiateur.
Nous vous remercions d’avoir accordé du temps à la lecture de notre courrier, nous
vous prions d’agréer, Monsieur le Médiateur, l’expression de nos cordiales et sincères salutations fraternelles.
Les signataires :
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Marie-Reine HASSEN
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Olivier GABIRAULT
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Raymond Max SIOPATHIS
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André DAWA
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Michel DOROKOUMA
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Jean-Pierre MARA
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Jean-Didier KABRAL
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Antoine-Jérémie NAM-OUARA
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Médard POLISSE-BEBE
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Daniel Kiwi MAKOURI
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Clément BELIBANGA
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Prosper NDOUBA