Source : suite101.fr 9 mars
2011 Francis Gruzelle
Des guerriers issus de l'Afrique Subsaharienne, des européens des Pays de l'Est, des Pakistanais et quelques asiatiques sont les défenseurs de
Kadhafi.
A croire que le dictateur libyen s'est inspiré des guerres puniques de Carthage, lorsque Hannibal Barca payait à prix d'or des hordes de mercenaires pour tenter de vaincre les romains. Vingt siècles plus tard, l'histoire se répète dans
l'ancienne colonie de Rome, à quelques centaines de kilomètres de l'antique Carthage (les ruines historiques se situent en Tunisie suite aux anciennes frontières coloniales) et des milliers de
mercenaires défendent, bec et ongle, le régime du dictateur Kadhafi.
Cette présence de mercenaires a été constatée dès le début du soulèvement en Libye, le 17 février 2011. De nombreux
observateurs occidentaux, présents dans les principales villes libyennes confirment la présence de combattants étrangers sur le territoire de la "Jamahiriya". Ils évoquent "Des « mercenaires africains », dont
certains s’expriment en français et qui participent en première ligne à la répression des manifestants. Ces mercenaires sont le résidu de tous les conflits dans lesquels le président libyen s’est
ingéré durant quatre décennies....."
Des "guerriers mercenaires" qui combattent depuis 30 ans
Il faut remonter au début des années 1970 pour bien comprendre le fonctionnement de "cette légion libyenne". Quelques années après sa prise de pouvoir, Kadhafi rêve de prendre la tête d’un
grand Etat saharien. Il s'autoproclame alors "protecteur naturel de tous les peuples nomades du Sahara et du
Sahel".
Dès cette époque, il entre en concurrence avec la France qui soutient les régimes post coloniaux. Il contribue à la
formation militaire de la future rébellion touareg en enrôlant de jeunes nomades, victimes de la sécheresse au Mali et au Niger. Il constitue une « Légion islamique » qui s’entraîne dans le sud
de la Libye. Cette Légion deviendra le moule d’où sortiront les combattants du GSPC, puis de l’AQMI (Al Qaida au Maghreb islamique). Le colonel Kadhafi intervient ç cette époque au Tchad, où il
soutient les nomades toubous et leur chef Goukouni Oueddei, puis Hissène Habré et le
chef d’Etat actuel Idriss Deby
Nouvelle étape pour le colonel Kadhafi qui élargit son périmètre
opérationnel via le Tchad. Il appuie des groupes rebelles du Darfour, et en Afrique de l’Ouest, il apporte un soutien à Charles Taylor au
Liberia et à Lansana Kouyaté en Guinée. Le colonel Kadhafi accueille aussi es
adversaires de Mobutu, formés et équipés à Tripoli et, en 1986, une délégation congolaise dont fait partie Laurent-Désiré Kabila échappe de justesse au bombardement américain…
Des mercenaires au service des délires de Kadhafi
L’Afrique centrale devient le "terrain de chasse" des "chiens de guerre" du
guide de la révolution libyenne. Le chef d'état libyen entend alors donner l'image du " roi des rois
traditionnels". Il veut même financer un projet pharaonique, réalimenter le lac Tchad puis la nappe phréatique libyenne grâce aux eaux du fleuve Congo ! Nouvelle étape en
Centrafrique, en 2002, lorsque Kadhafi appuie le président Ange Patassé que les
Français souhaitent remplacer par François Bozize.
On retrouve les mercenaires de Kadhafi lorsque l’armée
centrafricaine fait appel aux troupes de Jean-Pierre Bemba, basées dans la province congolaise de l’Equateur, c’est Kadhafi qui règle la note du corps expéditionnaire congolais, réputé à l'époque pour ses exactions. Des exactions qui vaudront à Bemba de se retrouver inculpé par la Cour pénale internationale.
En 2009, lorsqu'il est "élu" à la présidence de l’Union africaine, le colonel Kadhafi, assagi, "politiquement fréquentable", négocie avec les chefs d’Etat en place. Mais, il continue à entretenir
d’innombrables réseaux parallèles, composés de tous les «soldats perdus » de ses guerres
africaines. Pour mater la révolte de 2011, il vient de puiser dans son immense vivier de mercenaires apatrides.
Des mercenaires surentraînés et suréquipés
Selon une source diplomatique émirati, jointe par téléphone, ces "guerriers mercenaires sont armés et entraînés. Ils sèment la peur auprès des opposants au dirigeant libyen, Mouammar
Kadhafi. Tristement baptisés "escadrons de la mort" par la population locale, ces hommes ont pour mission d’abattre un maximum d’insurgés..."
Qui sont ces "soldats" qui ont
décidé de défendre bec et ongle le régime de Tripoli ? Il est difficile d’en dresser un portrait-type, étant donné "le caractère insidieux de leur existence", explique Jean-Philippe Daniel, spécialiste du
mercenariat à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris).
La Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) évalue leur nombre à 6 000. Ils seraient 30 000, d’après les chiffres de l’hebdomadaire "Courrier international".
Des mercenaires du Maghreb, d'Afrique et d'Europe de l'Est
Avec tous ces mercenaires formés par d’anciens combattants issus des différentes rébellions africaines financées par le
colonel Kadhafi depuis son arrivée au pouvoir en 1969, renforcés par des cadres issus d'anciens pays de l'Europe de l'Est, Kadhafi dispose
d'une armée de "professionnels".
Beaucoup seraient issus du Tchad, du Niger, de Mauritanie, d’Algérie, de Centrafrique, mais aussi de quelques pays
asiatiques. "Je ne crois pas que leur recrutement se soit fait au hasard et au cas par cas, c’est tout
simplement impossible, ajoute Jean-Philippe Daniel. Je pense que ces mercenaires faisaient déjà partie de groupes étrangers alliés au régime Kadhafi depuis une trentaine d’années et qu’ils sont
venus vendre leurs services à ce dernier dès le début de l’insurrection."
Depuis plusieurs semaines, de nombreuses vidéos postées sur
Internet montrent des hommes tirant à balles réelles sur la population. Des scènes réelles filmées
dans l’Est libyen et à Benghazi, fief de l’opposition libyenne. "De nombreux habitants de Brega qui viennent
d’arriver à Benghazi affirment avoir vu là-bas des mercenaires aux côtés des pro-Kadhafi. D’après l’accent, ils pensent qu’il s’agissait de Tchadiens, .Plusieurs dizaines d’entre eux ont été
arrêtés par les insurgés." témoigne, par téléphone, un médecin français qui se trouvait dans cette zone
Certains mercenaires percevraient 14500 euros par jour
Depuis le 24 février, l'emploi des mercenaires a été officiellement confirmé par un proche du colonel Kadhafi. Le ministre libyen démissionnaire de la Justice, Moustapha Abdel Jalil a déclaré devant
plusieurs télévisions "Je savais que le régime disposait de mercenaires bien avant le
soulèvement".
Selon un témoignage recueilli par l’agence de presse
Reuters, le régime du colonel Kadhafi rétribue
grassement ces combattants, entre 725 à 14 500 euros par jour pour tuer des insurgés. Jean-Philippe Daniel. juge, pour sa part, peu
crédibles ces dernières informations. Il ajoute "Je ne crois absolument pas à des salaires qui dépasseraient
les 4 000 euros par mois, à moins d’être très qualifié, d’être pilote. On ne paye pas un fantassin aussi cher. Imaginez la fortune colossale que coûteraient ces hommes pour le
régime."
Des diplomates Occidentaux présents sur place font état d'une logistique bien huilée, et confient :"certains mercenaires atteindraient le territoire libyen grâce à des ponts aériens mis en place entre la Libye et le
Niger. D'autres mercenaires arrivent par leurs propres moyens"..
Beaucoup de Subsahariens ayant une parfaite connaissance du terrain
Pour les expatriés occidentaux, les mercenaires les plus dangereux seraient les nombreux Subsahariens qui vivaient et
travaillaient en Libye. Ils ont une parfaite connaissance du pays, du terrain et de la population.
Les manifestants et les rebelles font la chasse aux mercenaires, n'hésitant pas à lyncher ceux qui sont pris. Ce qui inspire de vives
inquiétudes aux expatriés, qui travaillent dans des entreprises locales, et qui ont une couleur de peau foncée, à l'image de ceux venus de Guinée-Bissau. Ainsi à Zouara, à l’ouest de Tripoli,
Julio Pereira, joint par téléphone, se sent menacé et il aimerait quitter la Libye au plus vite. Il confie : "Les opposants nous prennent tous pour des mercenaires à cause de notre couleur de peau". Et l'homme n'ose
plus aller à l'extérieur du camp de Choucha, à la frontière
tunisienne. "Ma
couleur de peau fait de moi un paria. Je n’avais jamais imaginé risquer ma vie sur de simples allégations."
Avec les mercenaires d'un côté, la rébellion de l'autre, la vie est devenue un enfer en Libye pour tous les civils,
qu'ils soient européens, portugais, africains ou libyens. Et personne ne semble en mesure, aujourd'hui, d'arrêter de déchaînement de violence !
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