Tchad : Deby réélu au 1er tour avec 88,66%, participation 64,22%
N'DJAMENA (Tchad) - AFP / 09 mai 2011 23h00 - Le président tchadien sortant Idriss Deby Itno a été réélu dès le 1er tour de la présidentielle du 25 avril avec 88,66% des voix selon les résultats provisoires annoncés lundi par la Commission électorale nationale indépendante (Céni).
La Céni a établi à 64,22% la participation à ce scrutin, boycotté par les principaux opposants.
Selon le décompte de la Commission électorale, le président Deby, arrivé au pouvoir par un coup de force en 1990 et qui briguait un
quatrième mandat de 5 ans (après avoir été élu en 1996, puis réélu en 2001 et 2006), a obtenu 88,66% des suffrages (2.504.069 voix).
Le ministre Albert Pahimi Padacké a obtenu 6,03% des suffrages (170.188 voix) et l'opposant Nadji Madou 5,32% (150.226).
Le taux de participation, qui était le principal enjeu du scrutin boycotté par les trois principaux opposants, Saleh Kebzabo, Wadal Abdelkader Kamougué et Ngarlejy Yorongar, est de 64,22%. Il y a eu 4.950.979 inscrits pour 3.179.325 votants, selon la Céni. 355.111 bulletins étaient nuls, soit un suffrage exprimé de 2.824.215 votes.
Dans un communiqué diffusé après le scrutin, M. Kebzabo, de l'Union nationale pour la démocratie et le renouveau (UNDR), principal parti de l'opposition, avait estimé le taux de participation à 20%, parlant d'un boycott historique et évoqué un camouflet sans précédent pour M. Deby qui selon lui a perdu toute légitimité.
Le parti de M. Deby, le Mouvement patriotique du salut (MPS),
avait, lui, jugé la participation correcte alors que le président Deby avait accusé les opposants de se retirer par peur d'être battus. Je
pense que, quoi qu'il en soit, les élections vont être crédibles, avait-il estimé.
La journée de lundi a été marquée par le décès dans la matinée de M. Kamougué, mort de maladie à l'âge de 72 ans. Ancien président de
l'Assemblée nationale et ancien ministre de la Défense, le général Kamougué Wadal Abdelkader, 72 ans, dit WAK, était le leader de l'Union
démocratique pour le renouveau (UDR).
L'élection présidentielle devait marquer le point d'orgue d'un processus de démocratisation du régime entamé avec l'accord du 13 août 2007 signé entre la majorité des partis d'opposition et le pouvoir.
Mais l'accord signé un an après le boycott de la présidentielle de 2006 a débouché finalement sur un nouvel appel à
l'abstention des principaux opposants, trois mois après les législatives du 13 février largement dominées par le Mouvement patriotique du salut (MPS) de Deby.
Selon les résultats définitifs de ces législatives à un tour à la proportionnelle proclamés par la Cour, le MPS a obtenu la majorité absolue avec 113 des 188 sièges de l'Assemblée nationale alors
que 13 sièges issus de trois partielles du 6 mai restent à pourvoir.
Candidats en 2001 et 1996, les trois principaux opposants, M. Kebzabo, Kamougué et Yorongar avaient dénoncé une mascarade électorale, affirmant que les élections législatives ont été marquées par des fraudes et irrégularités, avant de suspendre leur participation à la présidentielle. Ils réclamaient notamment de nouvelles cartes d'électeurs.
Depuis le réchauffement des relations avec le Soudan, le régime de Deby semble à l'abri des rezzous (raids) rebelles, d'autant qu'avec ses nouveaux pétro-dollars, il a pu renforcer son armée.
Il bénéficie du soutien de la France, qui maintient une présence dans son ancienne colonie presque sans discontinuité depuis 1960.
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Tchad : Deby et ses victoires à la Pyrrhus
Sans grande surprise, la mascarade du 25 avril dernier - tant boycottée par l’opposition et où l’abstention s'est révélée paroxystique - vient de donner vainqueur le candidat du parti Etat avec un score ubuesque de plus de 88% des voix, un tyran au pouvoir depuis plus de 20 ans. Le philosophe anglais Thomas Hobbes ne disait il pas que « La force et la fraude sont les deux armes principales des hommes en guerre», cette formule correspond bien à notre Général-Président Deby homme de guerre qui a complètement fermé la porte du dialogue. Les scrutins de façade et la négation de la volonté du peuple sont devenus de monnaie courante dans notre pays. « Pauvre démocratie tchadienne ! » entend-t-on murmurer dans les ruelles et grands artères de la capitale, Ndjamena. Un petit retour en arrière s'impose tout de même pour comprendre comment Idriss Deby a réussi à faire des élections au Tchad un rendez-vous incontournable pour affirmer un peu plus son statut de potentat sanguinaire et tyrannique.
Il faut dire qu’en 2001 déjà, au terme d’un scrutin truqué, « son auguste majesté Debyle ou Debyfole » (comme d'aucuns l'appellent sur Tchadenligne.com ou Tchadanthropus-tribune.com) avait fait arrêter ses principaux concurrents. En 2006, après une révision constitutionnelle de convenance pour briguer un nouveau mandat et s’octroyer une présidence à vie, il sortait vainqueur d’une farce électorale déjà boycottée par l’opposition. Cette fois encore, Idriss Deby s’est présenté aux électeurs sans concurrents sérieux.
Jamais deux sans trois, donc, au pays des Sao. C'est ainsi qu'en 2011, les fraudes massives aux législatives ont conféré au parti au pouvoir (MPS) une écrasante victoire, avec près des trois quarts des sièges à l’assemblée nationale. Aux présidentielles, l’opposition démocratique qui ne cherchait que des conditions minimales de transparence pour sa participation a décidé de se retirer de la course à la magistrature suprême, et ce après le rejet des recours posés devant une cour constitutionnelle acquise totalement à Deby. Malgré toute la machine de propagande mise en place, le mot d’ordre du boycott de l’opposition a été largement suivi dans les 22 régions et nous saluons sans retenu ces nombreux tchadiens qui, en leur âme et conscience, ont décidé de ne pas participer à ce non-événement. Un boycott historique, pourtant, Idriss Deby a eu le fin mot de l'histoire en se faisant réélire Président sans coup-férir, appuyé en cela par la complicité tacite de la communauté internationale.
Dans un pays où au mépris de tout respect de sa fonction, un Chef d’Etat traite ses principaux opposants civils de « détails » comme il l’a fait le 5 février 2008 (voir interview Europe1 avec Elkabbach). On ne pouvait pas s’attendre à grand-chose de lui. Dans un pays où un les contre-pouvoirs sont muselés, les leaders d’opinions sans défense éliminés sous le regard complice de la communauté internationale, il n'y a plus grand-chose à attendre, « Itno Hemis a pris l’or, l’argent et notre liberté qu’il nous faut nous même conquérir.
À la tête d’un régime autoritaire et répressif, Le Général Président Sultan Deby a entretenu un cycle de violences et de répressions qui a laissé le Tchad exsangue. Véritable Ubu-Roi que n'aurait pas renié Alfred Jarry, il a fait subir à son peuple plus de deux décennies de massacres, de disparitions forcées, de souffrances, d'humiliations, de tortures, de pillages, d’enrichissement illicite et de vols des deniers publics par un homme et son clan. Malgré l’exploitation de la manne pétrolière rien n’a changé dans la vie de nos pauvres citoyens qui continuent de mourir de faim, du paludisme ou de diarrhée. Dans un pays où tout tombe de Charybde en Scylla, deux des problèmes majeurs de tous les tchadiens restent sans doute l'eau, source de vie et l'électricité, source de vue. « Ndjamena vitrine de l’Afrique » comme dirait Deby est actuellement la seule capitale au monde d'un pays pétrolier non électrifiée. Ni électricité (niveau d’électrification à moins de 7%), ni eau potable (en pleine capitale la plupart des gens qui boivent encore l'eau de puits) et les tchadiens dans leur ensemble arrivent difficilement à assurer un repas au quotidien. Deby et son clan ont pris en otage 11 millions de tchadiens « affamés, hagards, clochardisées, battus, bâillonnés par les armes » comme le disait si bien le Pr. Ibni.
Nous dénonçons ces mascarades électorales successives, ces victoires à la Pyrrhus, ces votes entachées de fraudes mais pourtant validées et cautionnées par l’UE et la France. Au moment où la revendication contre les présidences à vie, pour plus de libertés et pour l’alternance démocratique, secoue le monde arabe et africain, il est inadmissible que le Tchad donne au monde cette image ridicule, d'un pouvoir familial, prédateur, obscurantiste et arrogant (les qualificatifs négatifs viennent à manquer pour le décrire). Nous tchadiens avons aussi ont droit à une démocratie, il n’y a pas de démocratie pour l’Europe et de démocratie pour l’Afrique, la démocratie a des valeurs universelles. Nous dénonçons cette diplomatie à géométrie variable qui permet à Idriss Deby et son clan d’opprimer sans scrupule notre peuple sans voix.
Chers compatriotes tchadiens, chers frères africains, chers amis du Tchad, tant à l’intérieur qu’a l’extérieur, soyons désormais comme l'écrivait le défunt Aimé Césaire « la bouche de ceux qui n'ont point de bouche », faisons que notre voix soit « la liberté de celles qui s'affaissent au cachot du désespoir ». Levons-nous comme un seul homme pour dire NON ! NON à la perpétuation du régime sanguinaire qui sévit au Tchad! le même mot d’ordre « Deby dégage » ou encore « Deby, Barra» doit désormais être notre leitmotiv, jusqu’à la victoire finale. Sous ce même credo mobilisateur, allons de l’avant pour libérer le « Tchad notre case commune ». Dans le collectif « DEBY DEGAGE », nous sommes prêts et résolu où que nous soyons au rassemblement pour manifester notre rejet de cette situation. On espère que tous les tchadiens dans leur ensemble sauront tout donner pour que ce mouvement soit un nouveau départ et puisse accoucher d’un « Tchad nouveau » banni du régime abject de Deby. Nous n’avons pas d’armes, mais la force de la rue est plus forte que tous les canons du monde.
« Appel à la contestation, au rassemblement et au soulèvement populaire »
Mohamed Saleh Ibni Oumar
Enseignant et Humanitaire tchadien