Bangui, 22 mai (C.A.P) - Beaucoup avait espéré que la mort et surtout les funérailles nationales de Patassé allaient réunir les Centrafricains, notamment leur classe politique, mais il n’en a rien été. Les banguissois de tout genre ont été témoins depuis ce jeudi 19 mai où la dépouille d’Ange-Félix Patassé a regagné le territoire centrafricain de la colère voire la haine contre le président Bozizé qui habite actuellement nombre de Centrafricains, en particulier les familles biologique et politique, même le citoyen lambda et les habitants des quartiers populaires de Bangui, de l’illustre disparu.
Dès que le cercueil de Patassé est sorti de l’avion, on a assisté à un véritable déchainement de la foule rassemblée à la zone fret de l’aéroport Bangui Mpoko où se déroulait le cérémonial d’accueil de la dépouille de l’ancien président, et ce fut le déferlement contre Bozizé d’un torrent d’insultes, de tous les noms d’oiseaux, de jurons et de malédictions de toutes sortes. Puis lorsque le convoi funèbre s’est ébranlé de l’aéroport pour la morgue de l’Hôpital Général, la voiture de Bozizé a essuyé des jets de pierres pendant la traversée du quartier Combattant.
Quelques kilomètres plus loin à la hauteur du bar restaurant Mirandela, le cortège a dû observer un léger temps d’arrêt devant plusieurs femmes qui menaçaient de se dénuder le corps, ce qui serait pour Bozizé le comble de la malédiction si elles avaient mis leur menace à exécution. Il a fallu l’intervention du tristement célèbre lieutenant Eugène Ngaikoisset alias « le boucher de Paoua » pour calmer cette gente féminine en colère. Le bras armé de Bozizé qui a cru devoir offrir quelques billets de 500 F CFA à ces dames a vu son offre rejetée purement et simplement.
Quarante et huit heures après lors des obsèques officielles que Bozizé a tout fait pour obtenir alors qu’initialement, la famille politique de Patassé avait décidé de lui interdire de mettre pieds aux funérailles de Patassé, ainsi qu’aux membres de son cabinet, de son gouvernement, de son parti et de sa famille. Mais par la suite, moyennant espèces sonnantes et trébuchantes et pressions de toutes sortes, Bozizé a réussi à faire accepter par certains membres de la famille du défunt l’organisation de funérailles officielles à tout prix, histoire de lui permettre de venir se moquer une dernière fois de la dépouille de Patassé.
Mal lui en a pris tout de même car il a été moralement contraint sur l’avenue des Martyrs lors de la cérémonie officielle d’obsèques, de prendre la parole pour jurer n’avoir pas tué son prédécesseur qui n’est autre que celui-là même qu’il a renversé huit ans plus tôt par un coup d’Etat, s’expliquer et tenter de récuser les graves accusations portées contre lui dans la mort de ce dernier. Une fois encore, il a essuyé les quolibets et cris d’indignation de la foule réunie juste en face de la tribune officielle où il se tenait, que les forces de l’ordre ont dû repousser vers le siège de la CEMAC juste en face des lieux.
Un autre fait qui permet de se rendre compte de l’impopularité de Bozizé et de combien il est aujourd’hui haï par ses compatriotes. Cela s’est produit juste à l’entrée du quartier Gobongo lorsque le cortège funèbre partait pour le lieu de l’inhumation du PK 26. Plusieurs femmes se sont littéralement couchées sur la chaussée, empêchant le convoi d’avancer. Elles ont carrément dénudé leurs poitrines pour montrer leurs seins au public tout en clamant que « Bozizé comme Patassé, ont tété les seins d’une femme. Si Bozizé a cru devoir faire ainsi du mal à Patassé, qu’il soit maudit à jamais ». Contre Bozizé, il ne pourrait y avoir pire malédiction. Cela donne précisément une idée sur l’ampleur du fossé qu’il y a aujourd’hui entre ce prétendu président qui vient d’être soi-disant réélu dès le premier tour de scrutin avec plus de 66 % des suffrages et le peuple aux destinées duquel il est censé présider.