Me Nicolas Tiangaye monte à
nouveau au créneau dans le dossier de la prétendue démission du député François Bozizé de sa qualité de député en déposant ce vendredi un mémoire en duplique auprès de la Cour constitutionnelle
laquelle se propose de tenir audience dès le lundi 31 juillet, ce qui est une inhabituelle et suspecte célérité. En réalité, comme Centrafrique-Presse en avait déjà parlé à plusieurs reprises,
n’eût été la requête introduite par Me Tiangaye auprès de la Cour constitutionnelle, l’illégalité dans laquelle s’était installé le député du 4ème arrondissement de Bangui et président
de la République à la fois serait toujours actuellement en vigueur. Tout indique bien que c’est suite à la requête de Me Tiangaye que précipitamment la machine du KNK s’est mise en branle pour
tenter de rattraper les choses.
C’est ainsi que des documents et
courriers antidatés ont été hâtivement rédigés et échangés entre le député Bozizé, la Cour constitutionnelle et le président de l’assemblée nationale. Tant et si bien que dans cette
précipitation, le courrier manifestement antidaté par lequel le député Bozizé aurait saisi la Cour constitutionnelle comme l’a déclaré le secrétaire général du KNK Elie Ouéfio, a été rédigé avec
l’entête et les armoiries de la présidence de la République comme le relève Me Tiangaye dans son mémoire en duplique ci-dessous.
Bozizé est manifestement entouré
et conseillé par de minables juristes dont l’ignorance de la Constitution de la RCA n’est plus à démontrer. En effet, en tant que simple député, aucun article de la Constitution ne prévoit la
saisine de la Cour constitutionnelle. Pour démissionner, il n’avait donc pas à écrire à la Cour constitutionnelle mais plutôt au président de l’assemblée national. Un détail important est que
lors du vote du président de l’assemblée nationale le 3 mai dernier, la séance étant retransmise en direct sur les antennes de la station nationale de radio, plusieurs auditeurs de Radio
Centrafrique ont écouté qu’au prononcé du nom du député François Bozizé Yangouvonda, c’était son rejeton Socrate Bozizé qui avait voté en lieu et place de son député de père. On le voit,
contrairement aux élucubrations et allégations d’Elie Ouéfio, Bozizé a été une fois de plus pris en flagrant délit d’illégalité. La Cour constitutionnelle étant à ses bottes, on ne doit nullement
se faire illusion sur sa volonté de dire le droit et rien que le droit pourtant bafoué de toute évidence dans cette affaire.
A MESSIEURS LES PRESIDENT ET CONSEILLERS COMPOSANT LA COUR CONSTITUTIONNELLE
-BANGUI-
MEMOIRE EN DUPLIQUE
POUR : Monsieur Nicolas TIANGAYE, demandeur Maître
André
Olivier MANGUEREKA.
CONTRE : Monsieur François BOZIZE YANGOUVOUNDA,
défendeur-Maître Emile BIZON
PLAISE A LA COUR
Considérant que par requête en date du 11 juillet 2011 enregistrée au
greffe de la Cour Constitutionnelle à la même date sous le numéro 337, Monsieur Nicolas TIANGAYE avait sollicité de la dite Cour la démission d’office de Monsieur
François BOZIZE YANGOUVOUNDA pour cumul de fonctions exécutive et législative.
Qu’à l’appui de sa demande, il affirme que depuis la proclamation des
résultats des élections du 23 janvier 2011, et la décision de la Cour Constitutionnelle intervenue le 15 avril 2011 relative au contentieux des législatives dans la circonscription du
4e Arrondissement de Bangui, Monsieur François BOZIZE YANGOUVOUNDA continue de cumuler les fonctions de Président de la République et de Député à l’Assemblée Nationale.
Considérant que Monsieur Nicolas TIANGAYE avait bien pris soin de préciser
qu’à la date de la « saisine de la Cour Constitutionnelle, le sieur BOZIZE n’a pas encore saisi le Président de l’Assemblée Nationale d’une
lettre de démission de son mandat de parlementaire … ».
Considérant que dans son mémoire en défense en date du 16 juillet 2011, le
Conseil du sieur François BOZIZE YANGOUVOUNDA allègue :
1/ Que par courrier daté du 05 mai 2011, Monsieur François BOZIZE avait
formellement saisi la Cour Constitutionnelle de son indisponibilité à exercer la fonction de député ;
2/ Que la Cour Constitutionnelle réunie en séance du 09 mai 2011, a pris
acte du choix opéré par Monsieur François BOZIZE YANGOUVOUNDA en vertu de l’article 1 de la loi organique n° 97.011 relative à l’Assemblée Nationale.
Que la Haute Cour a constaté que le sieur BOZIZE a laissé son siège de
l’Assemblée Nationale à Monsieur Elie DOTE son suppléant.
3/ Que le 09 mai 2011, la Cour a transmis au Président de l’Assemblée
Nationale la levée d’option de Monsieur François BOZIZE YANGOUVOUNDA par courrier n° 085/ CC/ PR/ 11.
Qu’ainsi depuis le 09 mai 2011, l’Assemblée Nationale a reçu la lettre de
la levée d’option et a pris acte.
Que la question de l’incompatibilité soulevée par l’exposant étant
résolue, sa demande est sans objet.
DISCUSSION
I/ RAPPEL DES FAITS
Considérant
qu’après le rapt électoral qui a consacré l’usurpation contestée du siège de la circonscription du 4ème Arrondissement de la Ville de Bangui, l’Assemblée Nationale avait été convoquée en session
extraordinaire du 03 au 23 Mai 2011.
Considérant
que le défendeur qui prétend avoir levé l’option et laissé son siège à son suppléant Monsieur Elie DOTE verse aux débats des documents apocryphes qui mettent au grand jour la panique et la
confusion qui animent leurs auteurs.
1/ Monsieur
BOZIZE qui affirme avoir saisi la Cour Constitutionnelle par correspondance en date du 05 Mai 2011 en
sa qualité de « député » du parti politique KNK avait utilisé en violation de la Constitution, les armoieries et sceaux de l’Etat (Présidence de la République)
2/ Monsieur Laurent NGON-BABA 1er Vice-Président du Parlement établit curieusement le 23 Mai 2011, c'est-à-dire le jour de la clôture de la session, un
prétendu certificat de prise de service parlementaire arguant que Monsieur Elie DOTE suppléant de Monsieur François BOZIZE YANGOUVOUNDA « a effectivement pris service parlementaire le 17 Mai 2011, en remplacement du député François BOZIZE YANGOUVOUDA démissionnaire »
Or un député
n’est pas un fonctionnaire de l’Assemblée Nationale qui « prend service
parlementaire » mais un élu de la Nation qui siège en vertu d’un mandat du peuple.
Tout d’abord le défendeur doit verser aux débats la preuve de la participation effective de Monsieur Elie
DOTE à la session parlementaire du 03 au 23 Mai 2011 conformément à l’article 42 alinéa 2 du Règlement Intérieur de l’Assemblée qui stipule que
« la présence des députés aux séances de l’Assemblée est constatée par leur signature apposée au début de la séance sur une feuille de présence
qui sera annexée au compte rendu in extenso de chaque séance ».
Ensuite
Monsieur Laurent NGON-BABA doit expliquer pourquoi Monsieur Elie DOTE a déserté l’hémicycle du 03 au 17
Mai, soit pendant 14 jours alors que le Règlement Intérieur de l’ Assemblée Nationale dispose en son article 40 que « l’autorisation d’absence est automatique. Mais en aucun cas elle ne peut
dépasser dix (10) jours par session »
II/ AU
FOND
Considérant que la démission des élus de la Nation est soumise à un
formalisme rigoureux qui répond à une exigence de gouvernance démocratique et de transparence.
Considérant qu’au regard de la loi, Monsieur François BOZIZE YANGOUVOUNDA
à ce jour n’a pas encore démissionné de son mandat de député pour les raisons qui seront évoquées ci-après.
A/ SUR LE DELAI DE LA LEVEE D’OPTION
Considérant que le sieur François BOZIZE YANGOUVOUNDA reconnaît
explicitement dans ses écritures l’incompatibilité des fonctions exécutive et législative dont il lui est fait grief. Qu’il allègue avoir levé l’option.
Considérant qu’aux termes de l’article 23 de la Constitution et des
articles 13 et suivants de la loi n° 97.011 relatives à l’Assemblée Nationale, le délai pour lever l’option est de quinze (15) jours. Que ce délai
est impératif.
Considérant que la Cour Constitutionnelle ayant rendu sa décision sur le
contentieux électoral de la circonscription du 4e Arrondissement de Bangui le 15 avril 2011, le dernier délai pour lever l’option est le
02 mai 2011.
Considérant que s’agissant de l’option ouverte aux députés, la Cour
Constitutionnelle dans sa décision n° 011/ 06/ CC du 25 août 2006, a précisé que ces derniers « ont un délai de réflexion de quinze (15) jours pour choisir et leur choix est matérialisé par
un acte volontaire, une lettre adressé au Président de l’Assemblée Nationale ».
Considérant que n’ayant pas levé l’option dans le délai de 15 jours en
saisissant le Président de l’Assemblée Nationale, le sieur BOZIZE est définitivement forclos.
Qu’ainsi, il est irrecevable à saisir quelque organe que ce soit d’une
quelconque démission.
B/ SUR LA RECEVABILITE DE LA SAISINE DIRECTE DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE
Considérant qu’il n’existe aucun texte prévoyant la saisine directe de la
Cour Constitutionnelle par un député démissionnaire (démission d’office ou démission volontaire).
Considérant que 03 dispositions légales règlementent la saisine de la
Haute Cour :
1°- D’abord l’article 90 de
la loi N°05.014 du 29 décembre 2005 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle qui dispose : « La Cour
Constitutionnelle, saisie par le Président de l’Assemblée Nationale, constate la vacance définitive d’un siège à l’Assemblée Nationale en cas de décès, de démission, d’empêchement définitif ou de
déclaration d’absence d’un suppléant en exercice.
Elle statue sans délai »
2°- Ensuite l’article 92 de ladite loi qui énonce : « La Cour
Constitutionnelle déclare démissionnaire d’office le député qui, se trouvant dans un cas d’incompatibilité, n’a pas opté dans un délai de quinze jours.
Elle est saisie par le Président de l’Assemblée Nationale ou tout
intéressé et statue sans délai »
3°- Enfin l’article 11 alinéas 1, 2 et 3 du Règlement Intérieur de
l’Assemblée Nationale qui stipule que :
« Tout député peut se démettre de ses fonctions.
En dehors des démissions d’office édictées par les textes en vigueur, les
démissions sont adressées au Président qui en donne connaissance en séance publique.
La démission d’un député est constatée par la Cour Constitutionnelle
saisie à cet effet par le Bureau de l’Assemblée Nationale.
Il est remplacé d’office par son suppléant »
Considérant qu’au regard des textes sus visés, la saisine directe de la
Cour Constitutionnelle par le sieur François BOZIZE est irrecevable pour défaut de qualité.
C/ SUR L’ABSENCE DE DECISION DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE
Considérant que la Cour Constitutionnelle ayant accusé réception de la
correspondance du sieur BOZIZE s’était contentée de la transmettre au Président de l’Assemblée Nationale.
Considérant qu’en application des textes visés plus haut, lorsque la Cour
est saisie soit par le Président de l’Assemblée Nationale soit par tout intéressé, elle a l’obligation légale de statuer, (articles 90 et 92 de la loi 05.014) c'est-à-dire de rendre une décision
de justice ayant autorité de la chose jugée, opposable erga omnes c'est-à-dire à tous.
Considérant que le soit transmis de la Cour Constitutionnelle n’est pas opposable au requérant.
Que la transmission de la lettre du défendeur au Président de l’Assemblée
Nationale n’est qu’un simple acte de pure administration qui laisse entièrement intacte la plénitude de juridiction de la Cour
Constitutionnelle pour se prononcer sur la présente requête.
PAR CES MOTIFS
Adjuger au concluant l’entier bénéfice de sa requête introductive
d’instance.
IN LIMINE LITIS
1/ Constater que le sieur BOZIZE n’a pas levé l’option dans le délai de 15
jours et lui opposer la forclusion ;
2/ Constater que le sieur BOZIZE n’a pas adressé sa lettre de démission au
Président de l’Assemblée Nationale et qu’il est irrecevable à saisir directement la Cour Constitutionnelle ;
3/ Constater que le Président de l’Assemblée Nationale n’a pas saisi la
Cour Constitutionnelle.
AU FOND
1/ Dire que le soit transmis de la Cour Constitutionnelle n’est pas un
acte juridictionnel ;
2/ faisant droit à la demande initiale, prononcer la démission d’office de
Monsieur François BOZIZE YANGOUVOUNDA ;
3/ Autoriser l’exposant et son Conseil à faire des observations orales à
la barre.
SOUS TOUTES RESERVES
Bangui, le 28 Juillet 2011
André Olivier MANGUEREKA