La République centrafricaine a ceci d’inadmissible pour le 21e siècle qu’elle ressemble à s’y méprendre,
à cause de sa justice qui a capitulé devant les foucades et les excentricités de ses dirigeants, à une vaste jungle où le faible est systématiquement broyé, sans aucune possibilité d’être
protégé.
Pas un jour sans son lot d’exactions à Kaga Bandoro, de viols dans le Haut-Mbomou, de bavures de la
garde présidentielle à Bangui, pas un jour sans un cas de racket policier. Pas une semaine sans que la presse centrafricaine ne révèle des affaires de corruption et de détournements de
fonds publics par Bozizé et ses proches.
Bref, de quoi faire fonctionner les tribunaux à plein régime. Mais hélas, il n’en est rien !
Pourtant destinée à brider les pulsions destructrices des puissants face aux faibles, la justice
centrafricaine, elle, a proprement démissionné. Elle n’est plus que l’ombre d’elle-même. Elle est plutôt devenue l’arme fatale de répression entre les mains de François Bozizé et
ses rejetons qui l’utilisent à tort et travers.
Le système judiciaire qui s’est mis en place ces dernières années en République Centrafricaine, noie le
citoyen et lui fait peur. Cette justice là n’a jamais rien vu ni jamais rien entendu à part des pseudo affaires de délit de presse destinées à bâillonner les journalistes, empêcheurs de tourner
rond et de piller en silence.
Qu’il s’agisse des détournements des maigres ressources du pays qui s’opèrent tous les jours au Trésor
public et dont certains organes de presse se font l’écho quasiment quotidiennement dans leurs éditions, la justice centrafricaine n’a jamais levé le petit doigt.
Qu’il s’agisse des soupçons très graves pesant sur certains membres du gouvernement, lesquels
fanfaronnent publiquement, ouvertement, d’être de multimilliardaires alors qu’ils touchent de « ridicules salaires de ministre », la justice centrafricaine ne se met pas en branle. Plus grave
encore, elle adopte une attitude complice en donnant l’impression d’attendre des instructions du palais de la Renaissance, comme c’est d’ailleurs toujours le cas, avant d’agir.
Qu’il s’agisse des actes de barbarie perpétrés par les éléments de la garde présidentielle réputés
proches de François Bozizé, comme récemment, le meurtre de ce pauvre chauffeur de taxi qui a reçu une balle dans la tête à Bangui, la justice centrafricaine est discrète,
d’autant plus invisible que son rôle est pourtant de sévir contre les délinquants et autres criminels à la matraque facile et la gâchette légère.
Tout compte fait et tout bien réfléchi, il y a longtemps que la justice centrafricaine s’était mise hors
circuit en cédant à tous les caprices de François Bozizé comme ce jour de 2008 où celui-ci a arbitrairement ordonné le maintient en détention dans sa prison privée de Bossembele,
et ce pendant 15 jours, de nombreux compatriotes pourtant acquittés par la Cour criminelle de Bangui.
Elle s’est même faite complice de François Bozizé par son silence devant ses
agissements les plus graves et peu moins critiquables, notamment le jour où ce dernier a reconnu publiquement avoir ordonné à la garde présidentielle de détruire par l’incendie, des maisons
appartenant aux membres de l’église Kina qui étaient en conflit avec l’un de ses parents.
La justice de notre pays aurait pu aurait dû lui demander quelques comptes. Car nul n’est au dessus de
la loi.
Elle s’est définitivement disqualifiée en se mettant au service des enfants Bozizé pour
assouvir leur jalousie. Le dernier acte en date est le ridicule procès que fait Franklin Bozizé à Joël Urbain Tétéya. Pour un véritable délit imaginaire « d’orgueil
», celui qui fait désormais office de procureur près le tribunal de Bangui, Alain Tolmo, a requis contre lui six mois de prison ferme.
C’est à croire qu’à Bangui les procureurs se succèdent et se ressemblent.
Comment sommes-nous arrivés à cette situation d’insécurité judiciaire, serait-on tenté de s’interroger.
La réponse n’est pas à chercher ailleurs :
Primo, la situation actuelle de la justice centrafricaine découle du non-respect de la Constitution. En
effet, lorsque la loi fondamentale d’un pays est foulée au pied par ceux-là même qui prétendent en tirer le fondement légal de leur pouvoir, le petit peuple devient une proie facile, victime
quotidienne de graves manquements et livrés au bon vouloir du plus fort.
Il s’agit, en l’occurrence du cas centrafricain où se considérant comme le premier magistrat,
Bozizé s’est octroyé un droit de préemption sur tout ce qui se trouve sur le sol et dans le sous-sol du pays.
Secundo, et cette explication est plus ou moins liée à la première, considérant la Constitution comme un
simple paillasson sur lequel il peut s’essuyer les pieds et, se considérant lui-même comme détenant le droit de vie ou de mort sur les Centrafricains, Bozizé nourrit une
haine atavique envers la loi, déclarant une guerre ouverte aux magistrats qu’il traite de « brigands et de corrompus », ce qui est vrai en partie. Ce faisant, il a
détourné la justice de sa mission première qui est celle de protéger les faibles et d’assurer la paix sociale.
Tout cela est pathétique et constitue une régression sans précédent des acquis de la longue lutte du
valeureux peuple centrafricain pour accéder à la démocratie et à l’État de droit. Or, point de justice, point de démocratie.
Alors, dites-nous où se trouve la vaillante justice centrafricaine qui pouvait jadis libérer le
prévenu…Bozizé, pourtant accusé du crime d’atteinte à la sureté de l’État sous un régime monopartite ?
Adrien Poussou.